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La Grande-Bretagne n’a plus d’industrie, à la différence de la France », fanfaronnait Nicolas Sarkozy en 2009. Enterrer l’industrie britannique était pourtant prématuré car elle représente encore aujourd’hui 20 % de l’économie du Royaume-Uni contre 12,5 % pour la France. De fait, c’est en France que la désindustrialisation a été la plus forte, pour des raisons principalement idéologiques, comme l’explique l’historien Pierre Vermeren.
On est parti du principe qu’il était plus avantageux de déléguer le travail industriel aux pays du tiers-monde où la main-d’œuvre coûte moins cher, pour ne garder en France que les tâches de conception, stratégie et recherche. Finie l’industrie lourde, on ne conserverait que quelques secteurs de pointe; place à la reconversion dans le secteur tertiaire qui pourrait produire des gains supérieurs de productivité à court terme pour les actionnaires.
Une logique de rentier qui conduit à sacrifier les investissements de long terme et à abandonner la stratégie industrielle qui avait fait le succès de la France au cours des Trente Glorieuses. De fait, les effectifs de l’industrie manufacturière sont passés de 6,8 millions de personnes à la fin des Trente Glorieuses à 2,7 millions aujourd’hui. Sachant qu’un emploi industriel induit au moins deux emplois dans les services, on aurait pu conserver un niveau de plein-emploi en maintenant un nombre suffisamment élevé d’emplois industriels, comme ont su le faire les Allemands.
De plus, lorsqu’on délocalise la production, la matière grise suit nécessairement tôt ou tard, affirme Charles Beigbeder, si bien qu’il est illusoire de vouloir conserver des ingénieurs spécialisés en recherche et développement si l’on accepte de voir dépecé notre appareil industriel. À terme, c’est de tout un savoir-faire artisanal qu’on se prive. Quand on ne peut rivaliser avec le coût du travail d’un ouvrier d’Asie du Sud-Est ou d’Europe de l’Est, il faut investir sur la qualification. Or, la désindustrialisation a réduit comme peau de chagrin le nombre d’ouvriers qualifiés au point que la France devrait en manquer cruellement dans la décennie qui vient.
Contre une telle situation, il est temps d’empêcher notre appareil industriel d’être la proie de groupes étrangers qui n’ont aucune raison de maintenir les emplois industriels en France et d’agir en faveur de nos territoires.
Contre une telle situation, il est temps d’empêcher notre appareil industriel d’être la proie de groupes étrangers qui n’ont aucune raison de maintenir les emplois industriels en France et d’agir en faveur de nos territoires. L’exemple d’Alstom est éloquent : alors qu’Arnaud Montebourg avait agité en 2014 la menace de l’article L 151-3 du code monétaire et financier qui soumet tout investissement étranger dans une entreprise comportant un intérêt national à l’autorisation du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, qui l’a remplacé quelques mois plus tard, s’est empressé de le céder à General Electric. Au point que le député Olivier Marleix s’interroge aujourd’hui sur l’existence d’un pacte de corruption entre Macron et tous les intermédiaires qui ont été rémunérés sur la vente et que l’on retrouve, comme par hasard, parmi les donateurs de sa campagne présidentielle en 2017. Le Parquet national financier enquête actuellement sur le sujet.
Il faut retrouver un véritable patriotisme économique.
Il faut retrouver un véritable patriotisme économique comme le prône l’ex-député du Tarn, Bernard Carayon. Ce qui suppose de réserver nos marchés aux entreprises françaises ou, à tout le moins, européennes. Américains et Chinois ne s’embarrassent pas pour le faire, pourquoi pas nous ? Parce que le dogme de la libre-concurrence imposé par l’Union européenne empêche pour l’instant toute perspective en ce sens. Ce principe, censé garantir l’intérêt du consommateur en maintenant les prix les plus bas, se retourne finalement contre le producteur français qui ne peut rivaliser avec des entreprises étrangères qui bénéficient d’un coût du travail bien moins élevé et pratiquent le dumping social.
Derrière ce tableau bien sombre apparaissent toutefois quelques lueurs d’espoir qui montrent que le patriotisme économique a encore un avenir. L’industriel Frédéric Pierucci, ex-cadre dirigeant d’Alstom, fut emprisonné deux années durant aux États-Unis pour une sombre histoire de corruption dans laquelle il n’était pas impliqué directement. Incarcéré par les autorités américaines en 2013 dès sa descente d’avion, il comprend petit à petit que sa captivité permet à GE de faire pression sur Alstom pour accélérer la vente de la branche énergie. Il se retrouve donc l’otage d’une affaire d’État qu’il a racontée dans Le piège américain (Lattès, 2019).
Cette épreuve ne l’empêche pas aujourd’hui, alors que la rumeur annonce que GE voudrait se séparer de son pôle nucléaire racheté à Alstom en 2015, de monter un tour de table pour mobiliser investisseurs et acteurs de la filière nucléaire afin de racheter ce pôle nucléaire à GE. Ainsi, la maintenance des turboalternateurs qui équipent nos centrales nucléaires et la production des turbines destinées aux réacteurs EPR repasseraient sous pavillon tricolore. Au nom de la souveraineté de la France, une notion qu’on ferait bien de réhabiliter dans le domaine industriel.
Benoît Dumoulin
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