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Édouard Louis : la grande arnaque des vieux boomers

L’homosexuel le plus pistonné de Paris revient faire la couverture des Inrocks et écraser les ventes de livres du printemps avec cent pages de forme étique et de fond sommaire dénonçant la « domination » depuis son carré VIP. Comment cette absurdité a-t-elle été rendue possible ? Eh bien, probablement parce que cette image factice de jeune enfant prodige, victime et rebelle allouée à Louis, constitue en réalité le fantasme des vieux boomers dominant le système médiatico-culturel, la succession qui les arrangerait bien et perpétuerait leurs mythes, et qu’ils ont les moyens d’hypnotiser les foules avec leur propre rêve. Suffisamment, en tout cas, pour imposer cette énormité.

MARX ENCORE, MARX TOUJOURS

Le gamin ne se foule pas : dans la famille Louis, après le fils, le père et le violeur, voici la mère, à qui administrer le même traitement sériel de vieille martyrologie marxiste. Via Bourdieu, l’obsession binaire et essentialiste de la lutte des classes est passée de l’économie à la sociologie, ce qui a permis de la pulvériser partout en dépit des naufrages communistes. Pourquoi maman sourit plus comme sur la photo de ses vingt-ans ? Comment l’ordre patriarcal et la société se sont ligués pour la défigurer (avant l’ordre patriarcal et la société, il est probable que Madame Louis eût été simplement violée par un chef de tribu victorieuse, mais cette dimension n’entre pas en compte chez les champions du ressentiment permanent).

Louis singe les postures radicales des années 70, mais sans le talent ni la culture de ses modèles. C’est ringard, mais c’est aussi dégradé

Ce qui reste étrange dans la logique de Louis, c’est qu’il s’obstine à dresser un état des lieux de la misère financière, culturelle et morale des cas sociaux du Nord de la France pour y opposer les raffinements de la bourgeoisie parisienne avec un ébahissement de provincial mal dégrossi, mais que ce transfuge social récrimine contre son fantasme tout en justifiant ceux qui le dégoûtent. Nous ne saurions que lui préconiser un peu moins de Marx et un peu plus de Freud[...]

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Nicolas Ker : l’adieu aux armes

Lundi 17 mai 2021, le chanteur auteur compositeur Nicolas Ker est mort à 50 ans. Beaucoup l'ont découvert en 2016 via son intervention explosive chez Ruquier alors que l'artiste était censé vendre son album solo Les Faubourgs de l'exil« un black-out total », déclarera-t-il plus tard chez Le Monde Moderne. Et d'ajouter : « pourtant, j'avais moins bu que d'habitude », précisant avoir refusé de voir l'émission dont tout le monde parlait pendant trois jours, avant de conclure au sujet de sa propre prestation : « c'est quoi ce clochard ? ». Si la promo fut effectivement formellement ratée, ce fut le paradoxe du buzz accidentel, le temps d'un clip, du moins.

D'autres le découvriront peu après, à travers des interviews lunaires, au côté d'Arielle Dombasle, dans cette collaboration improbable sur le papier, mais pas moins salutaire dans les faits. Les rieurs de service à qui on ne la fait pas auront évidemment la résolution – forcément louche – de l'équation, comme si deux êtres ne pouvaient pas simplement s'entendre humainement, artistiquement, se soutenir l'un l'autre, d'une manière ou d'une autre, sans que cela ne cache une sale histoire, un arrangement contrenature ou un deal obscur. À moins que l'idée même d'intégrité ne soit trop répugnante aux cyniques 2.0 pour imaginer que celle-ci, quelle que soit sa forme, puisse tenir le choc, çà et là, dans un monde, certes, toujours plus chargé de crasse.

« je n'avais plus d'image positive de moi. Ça faisait longtemps que j'avais renoncé à être le beau chanteur. J'étais débarrassé de ça. Je n'avais plus à faire le malin. Quelque part, c'est mieux »

Il faut dire que niveau intégrité, Nicolas Ker n'a pas vraiment de leçons à recevoir. C'est par le biais d'une annonce qu'il devient à 35 ans le chanteur du groupe de rock Poni Hoax, après des années d'errance, de lectures à plein régime et d'alcool, déjà : « je n'avais plus d'image positive de moi. Ça faisait longtemps que j'avais renoncé à être le beau chanteur. J'étais débarrassé de ça. Je n'avais plus à faire le malin. Quelque part, c'est mieux », lance-t-il dans Gonzaï en 2011. Musicalement, Ker y apporte cette voix touchante, entre Bowie, Ian Curtis, Nick Cave et des textes cryptés aux images fortes. Sur scène, hanté lors de l'interprétation des morceaux, le chanteur s'efface, laissant le soin au batteur Vincent Taeger de prendre la parole pour annoncer le titre suivant ou pour menacer quelqu'un dans l'audience d'un cassage de gueule dans les règles.

En dépit d'excellentes chansons, de concerts mémorables et de musiciens de haute volée, les mauvais élèves de la scène parisienne qui n'hésitaient pas à insulter leur public et à s'exclure, sans forcer, du cirage de pompe médiatique paient leur trop plein de spontanéité. À l'heure des BB-Brunes, de Justice, de l'électrorock propre sur lui et plus tard des Feu ! Chatterton, les Poni Hoax atteignent vite un plafond de verre et le groupe reste en stand-by après quatre albums pourtant clairement au-dessus du lot[...]

Les critiques musicales de mai

NÉO-TROPICAL

Navegar, Joao Selva, Underdog Records, 11,99€

Ce carnet de voyage exubérant rapporte forró, kompa, funaná et semba, des rythmes irrépressibles et autant d’escales dans les anciennes colonies portugaises du Nordeste brésilien, de la Caraïbe, du Cap Vert ou de l’Angola. Second album de Joao Selva, Navegar remet au goût du jour l’universalité du Tropicália, mouvement culturel et courant sonore apparus au Brésil en 1967 suite au coup d’État de 1964. Navegar se réapproprie, prolonge et fait resurgir ce#e heureuse synthèse entre rock, musique traditionnelle et musique avant-gardiste, qui avait fait valser les codes de la musique populaire brésilienne alors trop repliée sur elle-même. Avec les moyens techniques d’aujourd’hui, c’est un savoureux retour au groove et ambiances vintage des années 70, où des tempos adéquats, ni lents ni véloces, permettaient de se déhancher avec volupté ! Une bulle d’oxygène jazz, pop et funk, loin d’être aussi légère qu’il y paraît, les textes poétiques et naïfs étant ancrés dans un réalisme fantastique propre aux auteurs d’Amérique latine. Cette magnifique initiative véhicule un héritage qu’il est bon de découvrir. Alexandra Do Nascimento

UN TRIOMPHE DE LA CHANSON

Outside child, Allison Russel, Fantasy Records/ Concord, 14,99€

Outside Child est le premier album solo de la douce Allison Russell que l’on retrouve d’habitude en tant que voix principale de Birds Of Chicago et Our Native Daughters. Chanteuse, poète, compositrice et multi-instrumentiste, elle distille d’un flot sonore suave ses chansons autobiographiques à la fois touchantes et pudiques. Résultat : la demoiselle a la résilience élégante (comme vis-à-vis d’une enfance que personne ne devrait connaître). Elle partage cela sans pathos, à tel point que si l’on ne prête qu’une oreille distraite aux paroles, on ne s’en rend absolument pas compte ! Le compositeur Joe Henry dit à propos d’elle : « On pense à Nina Simone et à Édith Piaf : deux praticiennes ayant tourné leurs visages vers la lame de la tempête avant de rugir de dignité et d’espoir. Et la chanson a commencé certainement comme un cri ou une prière mais aucun besoin de discerner l’un de l’autre, car ce sont les mêmes, et sacrés ! Cette musique est un triomphe ». Alors fêtons ce triomphe ! ADN [...]

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Kentaro Miura, mort d’un Titan

Comme beaucoup de mangakas célèbres qui se cachent derrière leur œuvre, on le disait bourreau de travail, d’une humilité déconcertante, à la limite de l’autisme. Kentaro Miura, mort le 6 mai à l’âge peu vénérable de 54 ans, des suites d’une dissection aortique, était un indécrottable taiseux qui n’aura livré qu’une poignée d’interviews et quelques rares apparitions publiques malgré un succès phénoménal. Un véritable forçat du dessin qui travaillait parfois plusieurs jours sans dormir et qui aura fini par être consumé par son œuvre.

Lire aussi : Shunsuke Kikuchi, le Morricone japonais, vient de s’éteindre

Depuis 30 ans Miura dessinait et scénarisait le manga culte Berserk, véritable phénomène de société, best-seller dans des dizaines de pays. Une saga fleuve d’heroic fantasy ultra violente et hallucinée dans laquelle son dessin minutieux, bourré de détails, tutoyait parfois les sommets. Car le japonais s’était spécialisé dans les pleines pages épiques, inspirées autant par Hans Rudi Giger que par les maîtres de la Renaissance. On peut sans problème passer des heures sur ses planches tant elles fourmillent de détails, tant elles affament le regard, entre virtuosité et précision maniaque. Dans ses fameuses scènes de combat de masse, pas un soldat qui n’ait sa propre expression, sa propre personnalité. Pas un monstre ou un démon qui ne porte en lui un héritage graphique composite et démentiel, celui d’un véritable passionné de l’imaginaire, baigné dans la SF et le fantastique depuis toujours.

Noire fantaisie

En 30 ans et en 40 volumes, Miura a développé à travers Berserk un univers personnel et douloureux, une sorte de fantaisie médiévale syncrétique dans lesquelles se lisent en filigrane toutes les obsessions d’un Japon mortifié, amputé, plongé dans les ténèbres. Si l’histoire de Berserk commence simplement, comme beaucoup de seinen manga, avec un mercenaire ombrageux doté d’une épée démesurée, bien vite l’auteur s’amuse à faire ployer les clichés de la fantasy sous les ténèbres de son imagination débordante. Car s’il et bien peuplé de l’habituel bestiaire médiéval-fantastique, le monde de Berserk est surtout menacé par une sorte de panthéon cosmique qui ferait passer les Grands Anciens de Lovecraft pour des mascottes rigolotes : divinités cauchemardesque repliées dans les fronces et les interstices entre les plans astraux, elles interviennent parfois dans des pages quasi muettes, où les valeurs d’échelles sont hystérisées, dévorant littéralement le monde et piétinant les armées comme des insectes. Les planches les plus inoubliables de Miura sont là, dans cette débauche de gigantomachie, dans ces démonstrations de puissance divine ou s’exprime le « numineux », c’est-à-dire la terreur du divin, un sentiment tout à fait inédit en bande dessinée… [...]

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Les critiques littéraires de mai 1/2

L’ÈRE DE QANON

RedPill, Hari Kunzru, Christian Bourgois, 368 p., 23 €

Devenue depuis quelques années la marotte des médias dominants, l’alt-right n’avait jusqu’alors jamais inspiré la littérature. C’est désormais chose faite avec le dernier opus de l’Anglo-indien Hari Kunzru, vivant à New York et auteur de plusieurs romans salués par la critique comme L’Illusionniste ou Larmes blanches. Dans ce livre dont l’action se déroule en 2016, un écrivain américain d’âge mûr en panne d’inspiration se rend en résidence d’écrivains à Wannsee dans la banlieue de Berlin, tout près de l’hôtel particulier où a été décidée la solution finale. Le roman d’Hari Kunzru, dont le titre fait référence à la fameuse pilule rouge du film Matrix, nous entraîne dans un univers paranoïaque entre 1984 et Shining, presque dickien dans son essence et évoquant le monde parallèle des complotistes du mouvement QAnon. En dépit de son parti pris progressiste et même si le choix de l’élection de Donald Trump comme dénouement paraît bien trop prévisible, on ne peut s’empêcher d’être captivé par l’intrigue de ce livre. Au travers d’un récit tortueux propre à dérouter le lecteur, l’auteur fait mouche en posant la question de la création artistique dans un monde ultra-médiatisé, dominé par l’Entertainment et dans lequel les réseaux sociaux et la technologie ont rendu caduque la notion d’intimité. Édifiant ! Mathieu Bollon

SEXE, MENSONGES ET CORRUPTION D’ÉTAT

La diablesse dans son miroir, Horacio Castellanos Moya, Métailié, 156 p., 9€

Ce cocktail explosif, digne d’une telenovela à forte audience, ne frapperait pas autant notre imagination si la vérité sur l’assassinat d’Olga Maria, la bourgeoise chic de San Salvador aux innombrables amants, se contentait d’éclater à la lumière d’une énième enquête policière bien convenue. Non, ici, le pouvoir de couper les têtes, la sentencia, appartient à la rumeur, invraisemblable machine à fantasmes que véhiculent tour à tour complaisance, ambivalence et détestation. Ses secrets sortent, par ordre de gravité, de la bouche de Laura, la meilleure amie de la victime, au fil d’un monologue téléphonique ininterrompu qui va, peu à peu, prendre un accent paranoïaque après avoir longtemps erré sur la note sucrée pimentée des coucheries de bord de piscine. Et pour cause… la femme qui en sait et dit trop ne peut que devenir l’ennemie jurée de la société. Cette nouvelle plongée survoltée au cœur de l’engrenage salvadorien si cher à Moya décrit la trajectoire d’un dégrisement qui laissera aussi sonné que songeur. Car la révélation est de taille : les hommes – commerciaux, photographes, politiciens, militaires, etc., qui se succèdent sans visage réel comme dans une séance de morphing enrayée sont rivés au rôle d’exécutants obtus et maladroits de leurs mains. Au contraire des femmes, véritables créatures almodovariennes, qui agissent sur leur imaginaire à la manière de quelque puissant accélérateur de feu et s’avèrent les vrais commanditaires du désastre privé et collectif. Anne-Sophie Yoo [...]

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Partout, les saints : Sainte Bathilde de France

La naissance de Bathilde se perd dans les brumes de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Angleterre. Rome s’effondre, et les terres éloignées sombrent dans des commerces douteux. Bathilde est vendue, enfant, comme esclave. Par chance, Dieu lui fait la grâce de ne pas ressembler à un cageot. Bathilde serait plus ou moins anglo-saxonne, du temps que les Anglaises ne donnaient pas l’impression d’avoir été un cheval dans toutes leurs vies antérieures. Mais ce petit bout de femme claque tellement de beauté et de caractère que les troubadours lui ont inventé un passé d’enfant royale cachée.

Un certain Erchinoald la trouve mimi, lâche quelques pièces aux corsaires et embarque avec lui une toute jeune Bathilde très impressionnée. Sauf qu’Erchinoald n’est pas exactement le pécore du coin. C’est même le maire du palais du royaume de Neustrie.

Il refile mini-Bathilde à bobonne. La petite demoiselle est charmante, serviable, attentive, pieuse, et grave, grave belle, de plus en plus à mesure que passent les années. Quand madame Erchinoald meurt, monsieur regarde la petiote en se disant que bon, finalement, s’il parle vite, peut-être que le curé ne remarquera pas qu’elle n’a que douze ans.

Bathilde serait plus ou moins anglo-saxonne, du temps que les Anglaises ne donnaient pas l’impression d’avoir été un cheval dans toutes leurs vies antérieures

Bathilde, en apprenant ses intentions, ouvre grand ses yeux clairs effrayés et s’enfuit dans le palais. Elle se cache dans un recoin, et aperçoit un adolescent, qu’elle reconnaît presque. Un personnage important, mais lequel ? Tant pis, ce jeune seigneur la comprendra sûrement. Après tout, il porte la croix, comme elle. Elle rajuste sa coiffure défaite, lui fait signe discrètement de s’approcher, et expose son cas à voix basse à celui qui est en réalité… Clovis II, roi de Neustrie. Lui est à l’écoute, mais surtout prend feu. Une jeune et fragile demoiselle en détresse, le suppliant de l’aider à échapper à un mariage forcé. Le jeune roi tombe fou amoureux. Il cache la belle esclave dans les quartiers d’une dame de compagnie, le temps qu’Erchinoald trouve de dépit une autre épouse. Puis, Clovis II sort Bathilde de sa cachette, lui file une jolie robe, l’affranchit, et lui demande sa main. Cendrillon peut aller se rhabiller. Les nobles de la Cour, qui auraient bien voulu refiler leurs rejetons entre les pattes du Roi, grincent des dents. Et puis vous comprenez, elle n’est même pas noble. Mais Clovis et Bathilde sont si mignons que le curé, touché, ordonne à tout ce beau monde de fermer consciencieusement sa gueule. Il en a plein les étagères de confesser des rois infidèles parce que mariés politiquement. Ces deux-là s’aiment, pour de la vraie, et cheh les rageux[...|

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Réouverture des cinémas : les films à voir et à fuir

À VOIR ABSOLUMENT


Adieu les cons d’Albert Dupontel avec Virginie Efira, Albert Dupontel et Nicolas Marié. 1h27.

Après sa grande fresque Au revoir là-haut (2017), son plus grand succès public mais son film le plus conformiste, Albert Dupontel revient avec Adieu les cons à ce qu’il sait faire de mieux : la farce tragique. Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l'enfant qu’elle a été forcée d'abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire en plein burn out, et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable. Dialogues qui font mouche, folie créatrice utra-maitrisée, à la limite de la maniaquerie, et découpage de bande dessinée : le réalisateur de 9 mois fermes est un véritable auteur. Son univers inclassable lorgne à la fois chez Terry Gilliam, les Expressionnistes, Chaplin et les Pieds-Nickelés, mais souffre aussi du syndrome de marionnettiste quand il délaisse ses personnages. Avec Adieu les cons, Dupontel perd un peu de son insolence mais gagne en humanité. Il livre ici son film le plus touchant et Virginie Efira y est pour beaucoup. Bouleversante, elle offre au réalisateur français ce qui lui manquait encore : l’émotion brute. Arthur de Watrigant

https://www.youtube.com/watch?v=hVV1BpNV6m0&ab_channel=BandesAnnoncesCin%C3%A9ma

Mandibules de Quentin Dupieux avec David Marsais, Grégoire Ludig et Adèle Exarchopoulos. 1h17.

Sur la côte, deux pieds-nickelés volent une mercedes dans le coffre de laquelle ils découvrent une énorme mouche, de la taille d’un nourrisson. Ils décident de la dresser. Voilà à peu près à quoi se résume le scénario du fantastique monsieur Dupieux, qui fait une fois encore la démonstration de son insolente maîtrise du nonsense. Autour des visages imbéciles et heureux des deux comédiens du Palmashow, Grégoire Ludig et David Marsais, dont on ne jurerait pas qu’ils sachent réellement jouer, se dégage une poésie mi-comique mi-mélancolique qui dilate la rate et réjouit l’âme. Servi de plans Nouvelle vague et encombré de personnages délirants, parmi qui brillent Adèle Exarchopoulos et étrangement l’infâme rappeur Roméo Elvis, le film mène son spectateur où il veut et le manipulant gentiment lui fait aimer pour un court instant le n’importe quoi. Jouissif. Jacques de Guillebon

https://youtu.be/I18vFTaFmpo

Falling de Viggo Mortensen avec Viggo Mortensen, Lance Henriksen et Terry Chen. 1h53

Falling, c’est l’histoire d’un pilote de ligne maqué à un jeune chinois, tous deux « papas » d’une jeune mexicaine adoptée, et obligés de se coltiner le vieux daron réac’ du premier. On s’attendait au pire mais c’était sans compter toutes les nuances dont Viggo Mortensen est capable. Évitant toutes les facilités, tous les écueils de la moraline, l’acteur-réalisateur offre un bouleversant portrait de père, celui que campe ici un Lance Henriksen complètement halluciné, possédé par ce rôle d’Américain vieille école qui ne reconnaît plus ni son pays, ni son fils. Porté par des flashbacks incessants qui remettent en perspective les relations du père et du fils, avec une ambition presque malickienne par moments, interrogeant constamment la place du père et de l’homme dans un pays trop vite passé des cow-boys de John Ford à ceux de Village People. Falling déroule assez implacablement sa démonstration – le temps détruit tout – et laisse à voir ici et là quelques sacrés moments de jeu d’acteur et des passes mélodramatiques qui à chaque fois touchent juste. Pour un premier film en tant que réalisateur, Mortensen fait très fort. Marc Obregon [...]

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Entretien avec Cédric Bru : Yves Adrien ou le fantôme du rock

Pourquoi une biographie sur un personnage aussi fantomatique ?

J’ai commencé à lire Yves Adrien dans les années 70, quand il a publié Je chante le Rock Électrique. Nous étions toute une bande de gosses obsédés par le rock et nous prenions un peu les « rock critiques » pour des grands-frères. Son style est assez difficile pour des gamins de 15 ans et à vrai dire, on se retrouvait plus dans Best que dans Rock’n’Folk… De toute manière, tous ces critiques étaient pour nous comme des joueurs de football, de véritables stars. Écrire sa biographie était une manière de fixer ce nom qui a toujours flotté dans l’air. L’idée de double récit est venue assez naturellement, en écho à son existence « trouée ». J’ai voulu broder autour du mystère de sa vie un véritable jeu de piste littéraire.

Vous définissez le style Yves Adrien comme empreint d’un certain « hermétisme » et passant d’articles de « connaissance » à des « papiers de sensations »…

 La formule, comme précisé dans le livre, est empruntée à Noémie Vermoesen. Elle montre comment Yves Adrien est passé d’une écriture journalistique très documentée à une littérature où le style et la réflexion poétique sont devenus maîtres. Avec ce que cela implique de difficulté de lecture. C’est aussi un rite de passage pour le lecteur : je suis Yves Adrien ou pas. Si c’est oui, j’en paye le prix et accepte d’être emporté vers des rivages inconnus…

 L’achat de disque était vu comme une expérience sacrée à partir des années 70, c’était la naissance de la contre-culture.

 Incontestablement, le rapport à la musique a changé. À l’époque, le rock était une sorte de religion sans clergé, une prise de position radicale. Aujourd’hui, 83 % de la consommation musicale se fait par le biais du streaming, payant ou non. Comment voulez-vous que ça fasse rêver les jeunes ? De plus, le rap qui a supplanté le rock – du moins dans l’écoute, pas dans les concerts – n’a été que brièvement lié avec la pratique d’achat de disques et emprunte aussi à une philosophie plus binaire.

Lire aussi : Luca Yupanqui : musique prénatale

On se rend compte à vous lire que l’histoire du rock est indissociable de la façon dont il s’est « écrit » à travers la critique. En somme, il n’y a pas de rock sans une littérature du rock.

C’est sûr, mais ce n’est pas nouveau, il y a une influence de la presse sur la compréhension ou la diffusion de la musique. Prenez les yé-yé : qu’en aurait-il été du mouvement sans les journaux ou les émissions de radio comme Salut Les Copains par exemple ? Pour le cas du rock, le mot d’ordre des grands rock critics était : « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ! » Ils étaient des prescripteurs. Philippe Garnier disait : « Nous sommes les seigneurs du château ». Ils sont arrivés avec le journalisme gonzo en provenance des États-Unis à un moment où la musique avait besoin de cette incarnation viscérale. [...]

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