

Il est le spectre qui hante la politique française depuis 1793, celui que la Révolution et les Républiques, quoiqu’elles employèrent les grands moyens, et les plus iniques d’entre eux, pour s’en débarrasser, n’ont jamais su chasser, de sorte qu’il a fallu aboutir à une curieuse fusion, la « monarchie républicaine ». Aujourd’hui encore, de la fascination pour le sacre royal britannique à la décapitation de Marie-Antoinette lors de la cérémonie d’ouverture des JO, de la demande d’incarnation du pouvoir au besoin de considération des plus petits (deux choses que les ânes modernes pensent contradictoires, d’où nos problèmes), tout nous dit – et Emmanuel Macron lui-même l’a reconnu – à quel point l’absence du roi se fait cruellement sentir. [...]

23 avril 2025
La récente publication par les éditions Flammarion des œuvres complètes de Nietzsche (1844-1900) en un seul volume est une bonne occasion de revenir sur cet auteur indispensable à qui veut penser notre époque que l’on peut nommer la « postmodernité ». Soulignons d’emblée un paradoxe. Alors que Nietzsche n’a jamais écrit de philosophie politique proprement dite, il a irrigué deux traditions politiques diamétralement opposées ; par exemple celle de Georges Bataille et celle d’Ernst Jünger ; celle de Michel Foucault et celle d’Alain de Benoist. De telle manière qu’il est aujourd’hui l’une des grandes autorités de la pensée critique radicale (avec Deleuze, Derrida ou encore Judith Butler) et qu’il ne cesse d’être lu et médité par des auteurs et militants réactionnaires et identitaires, par exemple l’Institut Iliade qui en a publié une anthologie postfacée par Rémi Soulié. Il ne nous appartient pas de discerner laquelle de ces deux lectures est adéquate à l’œuvre de Nietzsche, entreprise assez vaine pour un auteur qui a mis au cœur de sa réflexion les notions d’interprétation et de valeur, censées remplacer celles de vérité et de bien. [...]
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15 avril 2025
Le critique connaît quelques joies pures, notamment lorsqu’une antique mine, dont il pensait que tous les trésors avaient été extraits, lui offre ce dernier diamant qu’il n’attendait plus. C’est à peu près ce que nous avons ressenti quand cet inédit de Nicolás Gómez Dávila nous est arrivé. Un Cœur révolté est l’un de ses premiers textes, paru en 1959 sous le titre le plus anti-marketing qui soit, Textos 1, en une édition limitée et non-commerciale. À cette époque, vivant d’une fortune familiale faite dans le commerce de tissu, et revenu d’un long séjour en France (ce génie-là, inspiré par nos grands moralistes, est encore français), l’intellectuel colombien avait déjà opté pour la vie méditative, et s’était installé dans la bibliothèque de son château style Tudor, d’où il refusait les propositions du monde et cultivait son mépris de la renommée. « Vivre avec lucidité une vie simple, silencieuse, discrète, parmi des livres intelligents, et aimé de quelques êtres chers. » C’est ce retrait monastique, entrecoupé de quelques mondanités où il fit briller son esprit, qui permit au philosophe de conjuguer la pénétration du géologue, intéressé seulement par les profondeurs structurantes et jamais détourné par l’écume des polémiques, à la science du parfumeur, s’ingéniant à concentrer les arômes de façon maximale, et à l’habileté de l’archer, prompt à décocher des flèches de pensée d’un raffinement et d’une précision inouïs. [...]
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11 avril 2025
« On écrit toujours le même livre », disait Proust. Guilluy est sans doute l’essayiste le plus fidèle à cette maxime, reprenant sans cesse, pour l’approfondir, la même intuition : celle d’un schisme socio-culturel qui séparerait la France périphérique, dépossédée sur tous les plans mais animée par une immémoriale « décence commune », des élites métropolitaines acquises à la modernité néolibérale. Dans Métropolia et Périphéria, c’est la forme qu’il fait varier. Chiffres et graphiques ne réussissant pas à capter le drame existentiel dudit schisme, Guilluy voulait, dans son livre le plus personnel, adopter une démarche qui laisse percer « la lumière ordinaire » à travers « la brume opaque des représentations officielles ». L’intention est noble, mais le pari est raté. S’essayant à la fable orwelienne puis au théâtre satirique, sans talent littéraire particulier pour soutenir les deux, Guilluy met en scène un propos tellement caricatural qu’il en perd sa force démonstrative. Au lieu de rendre ses thèses sensibles, son manichéisme un peu grossier, opposant le peuple toujours-pur aux élites coupables-de-tout, opère une mise à distance très artificielle, sans les ambivalences qui font l’intérêt du procédé littéraire. Il imagine un nouveau procès de Valladolid qui jugerait de la présence ou non d’une âme chez les gens ordinaires – tout en disant avant n’avoir croisé dans « le monde » que des « êtres sans âme ». [...]
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27 mars 2025
GUERRE ET PAIX LA GUERRE JUSTE, PIERRE DE LAUZUN, Boleine, 90 p., 9 € Dans ce court essai, Pierre de Lauzun, ancien haut fonctionnaire, à la fois économiste et philosophe, pose la question de la guerre juste à l’heure actuelle. Selon cette doctrine classique, une guerre peut être dite « juste » si elle répond […]
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26 mars 2025
L’analyse du phénomène totalitaire a produit quelques grands classiques, fort complémentaires au demeurant : il y a la pénétrante dissertation philosophique d’Arendt, l’effroyable roman dystopique d’Orwell ou la minutieuse chronique carcérale de Soljenitsyne. Les Ombres chinoises de Simon Leys, rééditées par Les Belles Lettres, ont toute leur place dans ce panthéon, et y occupent, à la manière du dernier, la galerie documentaire. [...]
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21 mars 2025
« Réseaux sociaux » fait partie de ces expressions dont le sens contredit tant la réalité qu’elle nous paraît tout droit sortie de 1984 – mais non, c’est bien le « monde libre » qui l’a produite. Le temps allant, il nous est désormais possible de mesurer les conséquences sociales désastreuses desdits réseaux, particulièrement sur la santé mentale des jeunes gens. [...]
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18 mars 2025
Quand et comment le principe absolu de l’égalité est-il apparu en Occident ?
Le principe d’égalité est apparu dans les civilisations de deux façons. D’abord, dans les despotismes historiques partout dans le monde, où par principe l’autocrate détruisait et empêchait de naître les aristocraties pour être seul au-dessus de tous. C’est une négation de ces hiérarchies qui s’établissent naturellement dans toute société. Les Grecs disaient des Perses : ils sont tous esclaves, sauf un seul. Et le principe d’égalité ontologique est apparu chez les judéo-chrétiens, pour lesquels chaque âme est égale devant Dieu et également aimée de Dieu. [...]
Le principe d’égalité est apparu dans les civilisations de deux façons. D’abord, dans les despotismes historiques partout dans le monde, où par principe l’autocrate détruisait et empêchait de naître les aristocraties pour être seul au-dessus de tous. C’est une négation de ces hiérarchies qui s’établissent naturellement dans toute société. Les Grecs disaient des Perses : ils sont tous esclaves, sauf un seul. Et le principe d’égalité ontologique est apparu chez les judéo-chrétiens, pour lesquels chaque âme est égale devant Dieu et également aimée de Dieu. [...]
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