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César 2021 : Adieu les cons

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Publié le

13 mars 2021

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Un an après la démission collective de la précédente direction, un an après une cérémonie lunaire qui vit Aissa Maiga compter les noirs dans la salle, le banni Polanski rafler tous les prix et Adèle Haenel quitter la salle en criant très très fort, la « grande famille du cinéma » se réunissait ce vendredi à l’Olympia pour la 46e cérémonie des César. On ne savait pas trop à quoi s’attendre. On n’a pas été déçu.
DR6

Dès le générique, un surprenant parfum de rêve pointe son nez. Philippe Noiret, Alain Delon, Romy Schneider, Simone Signoret, Jean-Paul Belmondo, Jean Marais, Godard apparaissent successivement à l’écran, les images d’archives défilent de longues secondes, et on se prend presque à sourire. Réveil brutal, Marina Foïs, la maîtresse de cérémonie, débarque sur scène habillée en paillettes Tati et ramasse une crotte devant un parterre de starlettes masquées, attablées comme au Lido. Depuis la bande-annonce diffusée quelques jours plus tôt qui se terminait par un pet, l’ambiance est au pipi-caca. Elle claironnait les jours précédents vouloir trouver le « bon équilibre entre danse, dénonce, déconne » : on a surtout vu le deuxième, et ce dès l’ouverture, sublime de bêtise. « Un virus, euh pardon, une virus. En fait, non. Au début on l’a appelé “le Covid”, mais, quand on a compris que ce serait très, très long et très, très chiant, on l’a mis au féminin. On a enfermé les jeunes et fermé les cinémas, les théâtres et interdit les concerts pour ouvrir les églises, car on est un pays laïc pour que les vieux à Noël puissent aller à la messe puisqu’on est un pays laïc ». L’ignorance pique, surtout quand on prétend être autre chose qu’animateur de supermarché à Saint-Raphaël. On passera sur la différence entre un pays laïc et un État laïc, trop complexe pour l’ex-Robin des bois ; quant « aux vieux », peut-être trouvent ils davantage de réconfort, de mystère et de beauté dans leur église vide de Festalemps (24) que devant la romance de la bourgeoise et du migrant qui n’aurait jamais le vu le jour sans leurs impôts. « L’art, quand c’est pas rentable, ça fait chier », ironise la maîtresse de cérémonie. Il fallait oser. Après un premier missile qui manquait cruellement de muscle envoyé à Roseline Bachelot, ministre de la Culture, c’était au tour de Roschdy Zem, président de la cérémonie, de prendre la parole : propre comme un sou neuf avec son smoking Smalto et ses lunettes fumées, l’acteur causa « situations de détresse financière créative », « camps de migrants » et « camps de concentration ouïghours ». C’était beau comme du pape François, le champagne en plus.

Humours gras et déboulonnage de statuts

Le premier César, celui du meilleur espoir féminin, est remis par Isabelle Huppert. La comédienne s’essaye à l’humour, ce n’est pas son fort, heureusement elle décachetonne vite l’enveloppe pour annoncer l’heureuse gagnante : Fathia Youssouf dans Mignonnes. Elle le mérite, à 14 ans la jeune fille porte seule le film sur les épaules, ses remerciements sont courts et sobres. Le temps de souffler avant le premier grand moment de la soirée. Jean-Pascal Zadi obtient le César du meilleur espoir masculin pour son propre film Tout simplement noir. Zadi n’en revient pas, nous non plus. Ivre de bonheur, l’acteur-réalisateur se lâche et dans une tirade merveilleuse déclare : « J’ai envie de parler d’Adama Traoré, j’ai envie de parler de Michel Zecler et ce n’est pas fini… » La salle applaudit. On nous avait prévenus, ça ne sera plus comme avant, on ne siffle plus les violeurs, on les acclame. 

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« On peut se demander si notre humanité compte lorsque l’esclavage a été retenu comme crime contre l’humanité en 2001, continue-t-il , et qu’aujourd’hui, dans l’espace public, certaines personnes qui ont activement participé aux crimes contre l’humanité sont glorifiées par des statues ». Du Dieudonné dans le texte, l’humour en moins, le marteau-piqueur en plus. L’humoriste Fary acteur du même film vient remettre le César des meilleurs décors. Son intervention sera « islamo-gauchiste », annonce-t-il. Son prompteur tombe en rade, il se raccroche aux branches et conclut par une ironie amusante sur le courage de Jean-Pascal Zadi qui n’a pas voulu prendre Dieudonné dans son casting pourtant composé « de tous les noirs », « engagé mais pas tant que ça ». Le César est attribué à Adieu les Cons, le premier de la soirée pour Albert Dupontel, absent comme toujours depuis plus de vingt ans.

Jambes ensanglantées et tampax en guise de boucles d’oreille, la Che Guevara de Roubaix se lance dans une diatribe tout droit sortie de chez LFI avant de se mettre à poil, le poing levé

La cérémonie se poursuit avec le César du meilleur premier film remis par l’élégante Virginie Efira à Deux de l’italien Filippo Meneghetti, romance de deux septuagénaires lesbiennes qui représentera la France aux Oscars. On a les films qu’on mérite. Pour décerner le César du court-métrage d’animation attribué à Qu’importe si les bêtes meurent deSofia Alaoui, Marina Foïs invite les réalisateurs Olivier Nakache et Michel Hazanavicius, fière d’expliquer que « ce n’est pas la taille qui compte ». On pleure. Pourtant la veille, l’actrice affirmait que« c’est une question d’équilibre », se félicitant d’avoir comme auteur l’humoriste Blanche Gardin qui a « la capacité d’aller très très loin ». Raté, le résultat se révèle aussi digeste qu’un sandwich camembert roquefort au foie gras. Heureusement, il y a les morts et ils sont nombreux cette année. Le premier hommage est pour Michel Piccoli. On revoit Romy Schneider devant sa machine à écrire, Vincent, Paul, François et les autres fumer le cigare en sortant d’un bistro, Max et ses ferrailleurs. Une pause bienvenue dans cet océan de crasse, le genre à vous transformer un gauchiste en réac le temps d’une bande-annonce. Oui, c’était mieux avant.

La fête de l’Huma sponsorisée par Channel

Image-t-on les César sans discours cégétiste ? Nous sommes déjà à mi-parcours, on se retient de zapper sur la nouvelle saison de Koh Lanta et toujours rien. Heureusement, la toujours belle Chiara Mastroianni tend le micro aux squatteurs de l’Odéon, qui pleurnichent sur leur statut et la réforme de l’assurance-chômage. Ce n’est qu’un amuse-bouche, le meilleur est à venir. Le temps pour Laurent Lafitte de remettre un César spécialement créé pour l’occasion à la troupe du Splendid, « moins consensuel qu’un César LGBT », spécialement réunie pour l’occasion, « l’année où il n’y a personne » déclara un Christian Clavier taquin. Heureusement, la séquence est de courte durée, il faut vite revenir au sujet sérieux, comme par exemple la loi sécurité globale – « de quoi ont-ils peur ? » demande la réalisatrice Yolande Zauberman venue remettre le César du meilleur film documentaire, attribué à Adolescentes de Sébastien Lifshitz. Après une deuxième pause nécro cette fois-ci chantée par Benjamin Biolay, c’est au tour de Corinne Masiero déguisée en Peau d’Âne de monter sur scène pour remettre le prix du meilleur costume. Jambes ensanglantées et tampax en guise de boucles d’oreille, la Che Guevara de Roubaix se lance dans une diatribe tout droit sortie de chez LFI avant de se mettre à poil, le poing levé, un slogan griffonné sur ses nibars « No culture, no future ». Le no future n’a jamais été aussi bandant.

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Quatre César plus loin et deux hommages après, l’actrice-réalisatrice Jeanne Balibar débarque en Chanel pour remettre le César de la meilleure actrice dans un second rôle. « En France, les femmes de plus de 40 ans représentent 51% de la population et 8% des rôles », commence-t-elle plus narcissique que jamais avant de taper sur Muriel Pénicaud et Elisabeth Borne, « les deux plus vue dans l’espace public alors qu’elles ne sont pas représentatives de ce que l’on sait des femmes ». Dans sa ligne de mire, la réforme sur l’assurance-chômage. Dans une robe à dix-mille balles, les mots ont une toute autre saveur. La classe ne s’achète pas et Fanny Ardant en est la preuve. Toujours punk, la comédienne livre une déclaration d’amour aux hommes – « C’est une joie de fêter les acteurs, de célébrer les hommes, leur dire qu’ils sont beaux, qu’ils sont braves, qu’on rêve de les connaître (…) et que vivre sans eux ne serait pas tout à fait vivre » – avant de remettre le César du meilleur acteur au toujours bon Sami Bouajila pour son rôle dans Un fils.

Si Adieu les cons d’Albert Dupontel sort triomphant de cette 46e cérémonie avec sept récompenses dont le meilleur film et la meilleure réalisation, Les Choses qu’ont dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret avec 13 nominations pour un seul César (Émilie Dequenne, meilleure actrice dans un second rôle) est le grand perdant. Logique, l’élégance et la poésie n’étaient pas conviées hier soir à L’Olympia. Allez, adieu les cons.



Le palmarès complet des Césars 2021

Meilleur film : Adieu les cons, d’Albert Dupontel

Meilleure réalisation : Albert Dupontel pour Adieu les cons

Meilleure actrice : Laure Calamy pour son rôle dans Antoinette dans les Cévennes

Meilleur acteur : Sami Bouajila pour son rôle dans Un fils

Meilleur acteur dans un second rôle : Nicolas Marié pour son rôle dans Adieu les cons

Meilleure actrice dans un second rôle : Emilie Dequenne pour son rôle dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait

Meilleur film étranger : Drunk,de Thomas Vinterberg

Meilleur premier film Deux, de Filippo Meneghetti

Meilleur scénario original : Albert Dupontel pour Adieu les cons

Meilleurs décors : Carlos Conti pour Adieu les cons

Meilleurs costumes : Madeline Fontaine pour La Bonne Epouse

Meilleur espoir féminin : Fathia Youssouf pour Mignonnes

Meilleur espoir masculin : Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir

Meilleur court-métrage d’animation : L’Heure de l’ours, d’Agnès Patron

Meilleur long-métrage d’animation Josep, d’Aurel

Meilleur documentaire : Adolescentes, de Sébastien Lifshitz

Meilleur film de court-métrage : Qu’importe si les bêtes meurent, de Sofia Alaoui

César des lycéens Adieu les cons, d’Albert Dupontel

Meilleur son : Yolande Decarsin, Jeanne Delplancq, Fanny Martin et Olivier Goinard pour Adolescentes

Meilleure adaptation : Stéphane Demoustier pour La Fille au bracelet

Meilleur montage : Tina Baz pour Adolescentes

Meilleure photographie : Alexis Kavyrchine pour Adieu les cons

Meilleure musique originale : Rone pour La Nuit venue

sar d’anniversaire : Le Splendid

sar d’honneur : Jean-Pierre Bacri

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