Il y a eu Claude Sautet pour parler de Romy Schneider, il y a eu Hervé Guibert pour parler d’Isabelle Adjani, il y a eu Gérard Depardieu pour parler de Catherine Deneuve et il y aura eu, enfin, Pascal Louvrier pour parler de Fanny Ardant dans Une femme amoureuse.
L’auteur précise que ce n’est point une biographie, mais un roman, car Fanny est un personnage romanesque. L’on dirait même que l’ouvrage est un long poème épique et que Fanny en est la muse, obsédante, féérique, à la croisée des chemins entre cette apparition qui hante le poète chez de Cool, la Belle dame sans merci de Keats et l’ange qui embrasse l’artiste chez Cézanne. En entamant un verre de rouge, accompagné de la chanson Amoureuse de Véronique Sanson, chantée en duo avec Fanny Ardant, l’auteur se livre à l’inspiration qui noircit les pages. On l’imagine écrire avec tant de facilité, cet auteur qui devine tout de Fanny, car elle se trouve près de lui. Par le biais de lettres ou à coups de rendez-vous, la découverte de cette femme se fait petit-à-petit, sur le temps long. D’abord parce qu’elle est férocement pudique (un ravissant paradoxe), ensuite parce qu’elle sait très bien garder le mystère, cet attribut un peu flou dont se réclament toutes les femmes et qui échouent presque toutes à s’en revêtir. C’est qu’il leur manque la discrétion, la vraie, celle qui fait rougir, et le rougissement ne se simule pas.
Lire aussi : La Vieille France s’en va
La Femme amoureuse, certes, mais on aurait pu l’appeler La Femme tout court, et Pascal Louvrier en fait l’éloge comme Guillaume de Lorris parle de sa rose. L’auteur brosse le portrait de Fanny comme un poète et l’ode commence par un blason. Des phrases qui s’enchaînent glorifient cette partie de Fanny qui touche à la fois son corps et parle de son esprit : sa voix. On entendrait presque Louvrier déclamer « la voix dans la nuit, c’était vous ! », et oui, c’était elle, sa voix fournaise : « le feu qui couve, la flamme qui jaillit, l’embrasement qui consume ». Lorsqu’elle parle, Fanny Ardant a tout d’une fiévreuse : « Elle détache les mots, puis retient une syllabe au fond de la gorge, accélère sur le suivant, bouscule l’autre, avec une pointe de raucité, un mot encore étiré, soupiré, puis absorbé par la fièvre de la passion ». Sainte Thérèse de Lisieux alitée se serait bien saisie de cette frénésie, mais il lui manquait la brûlure dans la chair et Fanny en a souffert, elle. [...]
Vous souhaitez lire la suite ?
Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !