[vc_row][vc_column][vc_column_text css=”.vc_custom_1559899301936{margin-right: 25px !important;margin-left: 25px !important;}”]
L’Institut catholique vendéen est secoué depuis le mois de mai. Des étudiants ont clamé “homo-folie, ça suffit” lors d’une manifestation LGBT. L’ICES a sanctionné. Etudiants, familles, médias ne cessent de s’emballer de toutes parts. Certains en veulent plus, d’autres ne comprennent pas la réaction de la direction. Mais que se passe-t-il au sein des murs de l’université vendéenne ? Quels sont les tenants et les aboutissants de toutes ces réactions ? Enquête.
Lundi 20 mai, il est 12h43. Édouard Fabre, président du BDE de l’Institut catholique d’Études supérieures (ICES), reçoit un appel de celui qui normalement doit lui succéder quelques semaines plus tard. Ce qu’on lui propose est très clair : ou le BDE signe la tribune condamnant des « violences » et assurant lutter contre « l’homophobie et la transphobie », ou il est immédiatement destitué et le nouveau BDE entre en fonction dès maintenant.
Édouard Fabre est estomaqué par cet ultimatum inattendu. Après quelques explications, il commence à comprendre : un peu plus tôt dans la matinée, le futur président du BDE a été contacté par Cyril Pasquier, membre de l’équipe de communication et gérant des associations du BDE. Il est exigé que son bureau, tout comme celui du BDE sortant, signent un mot dans lequel ils dénonceront « l’homophobie et la transphobie » et affirment qu’ils « ne cautionnent pas les actes commis ce samedi ». Édouard Fabre est un garçon courageux : il refuse d’une part de rédiger, et d’autre part de signer cette tribune. « C’est absurde que le BDE communique là-dessus ». Il est donc démissionné, et le nouveau BDE rédige et signe sous la contrainte le communiqué.
https://twitter.com/BDE_ICES/status/1130511590967713799
Les faits
Le 18 mai après-midi a lieu une campagne LGBT « contre l’homophobie et la transphobie », sur la place Napoléon, place principale de La Roche-sur-Yon. Une vingtaine d’étudiants de l’ICES décide de « faire entendre la voix dissidente », relate l’un des étudiants présents. Leur intention est de dénoncer les combats politiques menés par le lobby ainsi que les financements publics de cet évènement. Les étudiants clament « Homo-folie, ça suffit ! », renversent un panneau d’affichage, volent un drapeau ; l’un d’entre eux crève des ballons et aurait bousculé des personnes présentes. Mais à en croire les vidéos qui circulent, il ne fait plutôt que se défendre d’un manifestant qui l’attrape par le col.
L’étudiant témoin nous précise : « Il n’y a eu aucun fait de violence physique, tout le monde vous le dira et les caméras de la place Napoléon le diront aussi ». Et il insiste : « Encore aujourd’hui, aucun de nous ne regrette cet acte ». Il ne s’agit donc pas de faits d’une « extrême violence » comme on a pu l’entendre dire, et si les slogans ont été reçus comme des insultes par les manifestants, les étudiants en ont aussi eu leur part en retour : « Il y a eu aussi des violences psychologiques à notre égard, des insultes ». Mais comme souvent, il semble que certains soient toujours condamnés et que les autres s’en sortent toujours indemnes. Deux manifestants ont demandé un arrêt de travail en raison de violences physiques subies. Un médecin leur octroie des ITT.
Entretemps, la police ouvre une enquête. Treize des étudiants sont identifiés et placés en garde à vue. Ils décident de faire appel à un avocat, Benoît Fleury, pour le procès au tribunal correctionnel (celui-ci étant toujours en phase d’enquête préliminaire, l’avocat n’a pas encore accès aux vidéos des caméras de surveillance de la place Napoléon).
Le lundi 20 mai, le président de l’ICES, Eric de Labarre, convoque les treize étudiants. Mardi 28, ils passent en conseil de discipline. Les sentences tombent : deux exclusions définitives, plusieurs exclusions temporaires ou avec sursis et un blâme. Lourd bilan. D’après Ouest France, le directeur envisagerait même de se porter partie civile pour le procès.
[COMMUNIQUÉ // URGENT] Décisions du Conseil de discipline de l’@ICES_UnivCatho du 28 mai 2019. A lire sur : https://t.co/W6n3gm4Xhv pic.twitter.com/jyeJ9b47n9
— ICES Université (@ICES_UnivCatho) May 31, 2019
Mais pour le camp LGBT, Eric de Labarre n’en fait pas assez. Il faudrait éradiquer définitivement toute trace d’anti-conformisme de la planète, retrouver tous les « coupables », et que les étudiants se dénoncent entre eux. Il faudrait en somme que l’établissement mette en route une sorte de purge quasi-stalinienne. Au contraire, pour certains proches de l’ICES plutôt identifiés comme de « droite catholique », l’institut a fait preuve de lâcheté en « livrant ses étudiants en pâture aux lobbies ». En punissant sévèrement ses élèves et en faisant montre de repentance dans ses communiqués, Labarre s’est mis dans une situation délicate : il ne gagne rien du tout côté LGBT (lequel ne sera jamais satisfait) et créé un scandale côté catholique.
Les motivations
Le danger serait de juger trop vite et de faire des procès d’intention. Deux excès ont cours sur les réseaux sociaux et par presse interposée. Premièrement : juger de manière trop brutale ces élèves dont les actes ont été objectivement maladroits quoique peu violents. Et deuxièmement accuser l’ICES de lâcheté sans tenir compte des pressions notamment financières que l’établissement subit. Il s’agit donc ici de faire le point sur cette histoire, de recueillir des témoignages allant dans les deux sens, d’autres plus nuancés, pour être certains d’avoir bien tous les éléments en main pour en juger. Labarre a-t-il vendu ses élèves aux lobbies ? Les étudiants ont-ils été si violents ce 18 mai place Napoléon ?
La faculté libre a désormais le droit à 30% de subventions du département et délivre des diplômes d’État : c’est donc toute sa reconnaissance officielle qui est en jeu. Mais l’ICES a t-elle encore la possibilité de rester droit face au politiquement correct ? Où se trouve encore « l’Audace d’être libre » – le slogan de l’Institut ?
Les permanents et certains professeurs extérieurs jugent nécessaire et bienvenue la réaction ferme de la présidence de l’ICES. Sans être moralement opposés à la volonté de ces étudiants de dénoncer les lobbies LGBT, ils récusent les moyens utilisés. Philippe-Henri Forget, chargé de la communication de l’ICES explique ce qu’il s’est passé dans les coulisses de l’université : « Notre réaction a suscité beaucoup d’incompréhension, car nous avons agi sous l’effet de la colère, de la déception et de la tourmente médiatique, sous une pression incroyable. Mais je précise que jamais nous n’avons eu l’intention de plier sous cette pression. Nous l’avons fait en conscience, droits dans nos bottes ».
Forget maintient que « la mauvaise conduite de ces étudiants, le choix qu’ils ont fait, de la provocation plutôt que du dialogue, en violation de leur engagement, a porté atteinte à la réputation non seulement de l’Institut, mais également, et surtout, à celle de ses 1300 étudiants, de ses 8000 anciens et des 500 personnes qui travaillent jour après jour pour faire de cet Institut un modèle, tant par la qualité de son enseignement que par celle des valeurs qui y sont transmises ».
Et il développe : « S’inscrire à l’ICES, c’est s’engager à être porteur de valeurs chrétiennes et d’une ligne de conduite qui fasse honneur à ces valeurs. Chaque étudiant est un ambassadeur de l’ICES. À la Roche-sur-Yon, dès que les gens ont une tête de gars bien élevés, un peu polis, c’est l’ICES ». Un professeur extérieur affirme de même : « À partir du moment où l’on met les pieds à l’ICES, on porte la marque de fabrique ». C’est pourquoi la charte de l’université stipule dans son article 5 qu’un étudiant qui « serait l’auteur avéré d’un trouble à l’ordre public ou de voisinage, ou encore tout autre comportement pouvant nuire à la réputation de l’ICES, pourra être exclu à titre conservatoire dans l’attente d’une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’à l’exclusion définitive ».
Philippe-Henri Forget précise que « les conseils disciplinaires se sont tenus dans une visée éducative : il était primordial que ces jeunes gens comprennent que l’agression n’est jamais la solution et est même tout à fait contre-productive. C’était du pain-bénit pour les LGBT, ils ne pouvaient pas attendre meilleur cadeau. La position de l’ICES à ce sujet est extrêmement claire : le débat d’idées est ouvert, la violence, quel qu’en soit le degré, l’atteinte à la dignité des personnes sont inadmissibles ». Selon lui, « l’ICES aurait agi de la même façon quel que soit le groupe qui aurait été ainsi visé ».
Les dérives
Cependant, la direction ne semble pas unanime sur la défense de ses étudiants. Revenons-en à la genèse de la tribune du BDE. De qui provient cette initiative ? Pourquoi avoir fait une telle déclaration, et quelle en était l’utilité ? Après avoir recueilli de nombreux témoignages, nous concluons ainsi : le nouveau président du BDE, contacté par Cyril Pasquier, s’est vu dans la quasi-obligation de se positionner pour sa maison. Comment agir autrement en effet, sans risquer de se mettre à dos la direction de son établissement, qu’en tant que président du BDE il doit défendre? C’est donc dans la précipitation et une certaine peur que son bureau a écrit et signé cette tribune, pour le moins clivante. Tribune qu’Édouard Fabre a refusé de signer, ce qui lui a valu sa destitution prématurée.
Qui tire les ficelles dans l’histoire ? Cyril Pasquier. Il fait partie des membres de la direction qui se sont prononcés clairement en faveur des revendications LGBT au sujet de cette affaire. Il n’y a qu’à regarder de même son compte twitter : il s’est rendu en personne aux manifestations pro-LGBT qui ont suivi, dénonçant l’homophobie à tout va, ainsi que les actes, qu’il qualifie de « violents », de ses étudiants. C’est donc bien à lui qu’il faut imputer la parution de cette tribune ahurissante car tendancieuse sur les faits : à ce jour les vidéos montrent que la violence physique est venue plutôt des militants LGBT et pas des étudiants.
À la suite à cette publication, l’ambiance déjà tendue chez les étudiants a empiré. Particulièrement pour la partie d’entre eux qui s’intéresse à cette affaire. Les avis divergent de plus en plus. Ces événements auront eu pour effet de semer le trouble et la discorde. Certains sont en accord total avec la sanction de la direction, mais d’autres la critiquent vivement, et ceux-là doivent désormais raser les murs : à l’ICES il ne fait pas bon d’être du côté des « homofolie, ça suffit” : « Ils n’ont pas fait les fiers, ils sont vraiment mal vus », se confie un étudiant, quoiqu’ils ne soient pas si minoritaires que cela. Mais comme toujours, on se range derrière le politiquement correct. Pour ceux qui défendent la direction, les étudiants sanctionnés ont reçu ce qu’ils méritent : leur action était « stupide », « indigne de l’éducation que dispense l’ICES ». Il faut défendre la maison qui aurait pu ne pas se relever de cette affaire.
Quant aux étudiants qui dénoncent les sanctions, leur avis est que la direction aurait surtout dû ne pas se prononcer, et que la décision d’exclure définitivement deux élèves est beaucoup trop sévère. L’ambiance n’est donc pas très légère en ce moment à l’ICES, de même dans la Roche-sur-Yon : un élève nous a révélé qu’il fallait presque « sortir en jeans-baskets pour ne pas se faire violemment insulter ». Donc plus de sweats de l’ICES, et plus de tenues vestimentaires trop proches du « catho-style ». Cette tribune n’a fait que mettre de l’huile sur le feu : les étudiants sont encore plus divisés. Si l’ICES traite également tous ses étudiants et s’engage à sanctionner tout moyen violent et clivant, qu’en est-il de cette tribune ?
[ addendum ]
Selon nos informations, Eric de Labarre, président de l’ICES, n’envisagerait pas de se porter partie civile lors du procès de ses étudiants. Son intention avait été invoquée dans Ouest France.
Angélique Cottin et Agnès Camille
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]