Cette proposition de loi, qui était présentée par la députée LFI Mathilde Panot, a court-circuité celles d’Aurore Bergé et de Marine Le Pen (respectivement présidentes des groupes Renaissance et Rassemblement National à l’Assemblée). Aurore Bergé comme Marine Le Pen ont ainsi retiré leur proposition de loi similaire, en faveur de celle des Insoumis.
Le texte était débattu dans le cadre de la niche parlementaire dont disposait le groupe LFI. Ils avaient jusqu’à minuit pour faire voter le texte. Malgré des obstructions courageuses de députés RN et LR, notamment Marc Le Fur, un accord fut trouvé en fin de matinée sur une réécriture du texte par le député Modem Erwan Balanant. La nouvelle formulation du texte ne contenant plus de mention relative à la contraception, la majorité ainsi que nombre de députés LR et RN ont voté en faveur de la proposition de loi LFI.
Lorsqu’un droit fondamental est absolu, cela signifie qu’il ne peut pas être limité, ni par les droits ou besoins d’autrui, ni par l’intérêt général
Grégor Puppinck
Marine Le Pen a ainsi estimé que la nouvelle formulation répondait « à l’inquiétude sur l’inconditionnalité des délais » et « au respect de la clause de conscience [spécifique] ». Dans les faits, c’est absolument faux : le retrait de la mention relative à la contraception ne garantit aucun statu quo en matière de délais pour avorter, et encore moins le maintien de la clause de conscience spécifique des soignants.
Grégor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) à Strasbourg, s’est exprimé à ce sujet par courrier ainsi que dans une vidéo : « Ces propositions de loi prétendent placer l’avortement au-dessus des autres droits fondamentaux, en en faisant un droit intouchable, absolu, auquel “nul ne peut porter atteinte” et dont “nul ne peut être privé”. Lorsqu’un droit fondamental est absolu, cela signifie qu’il ne peut pas être limité, ni par les droits ou besoins d’autrui, ni par l’intérêt général. Les droits absolus sont très peu nombreux et sont en lien direct avec la dignité humaine. Ainsi, il existe un droit absolu de ne pas être soumis à la torture. La création d’un tel “droit à l’avortement” aurait des conséquences potentiellement désastreuses. Cela mettrait directement en danger la clause de conscience des professions médicales, mais aussi la liberté d’expression et d’action de toutes les personnes et associations qui œuvrent pour éviter le recours à l’avortement. Cela rendrait illégitimes les conditions qui encadrent encore cette pratique, etc. ».
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Ce texte de loi constitutionnelle a été conçu et porté comme une réponse à la décision historique de la Cour suprême américaine du 24 juin de ne plus garantir le droit à l’avortement au niveau fédéral. Il serait également censé pallier les difficultés d’accès à l’IVG en France. Le Conseil national des gynécologues et obstétriciens français avait pourtant prévenu : plus les délais sont rallongés, plus les femmes se décident tard, et moins les médecins acceptent de pratiquer l’avortement. Or depuis le vote de la loi Gaillot en février, le délai légal pour un avortement est passé de douze à quatorze semaines de grossesse. On ne le rappellera jamais assez, mais au-delà de douze semaines de grossesse : l’ossification du squelette a démarré et le fœtus est trop développé pour être aspiré. Il faut alors broyer son crâne et sa cage thoracique à la pince, puis le démembrer – le tout dans le ventre de sa mère – puis l’évacuer morceaux par morceaux. Nombre de médecins sont totalement traumatisés d’avoir vu l’enfant qu’ils démembraient en direct à l’échographie, et refusent en conséquence de pratiquer des IVG tardifs.
Contrairement à ce que pérorent les fous de l’avortement, Grégor Puppinck affirme à juste titre que si la pratique est menacée, « ce n’est pas en raison des associations pro-vie, mais parce qu’elle est un mal : une pratique sanglante dont la légalité repose sur la négation de l’existence et de la vie des enfants avant leur naissance. L’avortement est “fragilisé” à chaque fois que l’on ose parler de l’enfant ». De l’enfant que l’on met en pièces, mais aussi de la mère et des séquelles qu’elle devra endurer en silence, car parler de l’avortement comme d’un traumatisme est considéré par le Planning familial comme « un discours rance qui culpabilise les femmes ». Et pourtant, les séquelles sont bien réelles et de plus en plus de femmes brisent l’omerta. Selon un sondage IFOP réalisé pour Alliance Vita en octobre 2020, 92 % des Françaises reconnaissent que l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes ; et 72 % d’entre elles estiment que la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’IVG.
Avec le soutien inique d’une partie de la droite, la Constitution pourrait donc sacraliser l’avortement d’environ 220 000 enfants chaque année
Hélas, à rebours du bon sens et de toute morale, la droite s’est une nouvelle fois illustrée par sa lâcheté et son opportunisme électoral. Ainsi au Rassemblement National, 38 députés ont voté pour l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution, dont Marine Le Pen qui affirme pourtant ne pas avoir voté. 23 députés RN ont voté contre (dont Marie-France Lorho et Nicolas Meizonnet) et 13 se sont abstenus. Côté LR, c’est encore pire : sur 62 députés seuls 22 étaient présents ; 13 ont voté pour ; 7 contre (dont Xavier Breton) ; et 2 se sont abstenus.
Avec le soutien inique d’une partie de la droite, la Constitution pourrait donc sacraliser l’avortement d’environ 220 000 enfants chaque année. Depuis 1975, ils sont plus de 8 millions à avoir fini dans des sacs jaunes de déchets biologiques. Cela représente un quart des naissances. En France, le taux d’avortement est l’un des plus élevés d’Europe et ne cesse d’augmenter, notamment chez les jeunes qui sont les plus vulnérables face à une grossesse imprévue. Reste à espérer que la droite sénatoriale (majoritaire) tienne bon et continue de contrecarrer ce funeste projet, puisqu’aucun texte constitutionnel ne peut être adopté sans l’accord du Sénat.