Quel est le parcours politique de Giorgia Meloni ?
Giorgia Meloni s’est engagée en politique à l’âge de 15 ans : c’est l’assassinat du juge Borsellino qui la pousse à frapper à la porte du MSI, Mouvement social italien, le parti néo-fasciste. Elle milite au lycée puis grimpe rapidement les échelons de l’Azione studentesca, mouvement étudiant du MSI qu’elle finit par diriger. Elle continue de s’occuper des questions liées à la jeunesse pour l’Alliance nationale, dirigée par Gianfranco Fini, qui a succédé au MSI. Elle est élue à la chambre des députés à 29 ans et devient la plus jeune vice-présidente de l’Assemblée nationale. Elle entre à 31 ans au gouvernement de Silvio Berlusconi comme ministre de la Jeunesse, plus jeune ministre de l’histoire de la République italienne. Elle suit Gianfranco Fini lorsque celui-ci intègre son parti, Alliance nationale, à la coalition « Il Popolo della libertà » de Silvio Berlusconi. Elle quitte cette formation en 2012 car elle refuse de soutenir le gouvernement technique et non-élu de Mario Monti qui succède à Silvio Berlusconi à la tête de l’exécutif. Elle fonde alors, avec une poignée de fidèles venus de ses années de jeunesse étudiante et militante, le parti Fratelli d’Italia. Sa formation connaît une progression lente mais sûre, toujours cantonnée dans l’opposition. Elle devient en 2020 la Présidente du parti des Conservateurs européens. Là encore, c’est la première femme à diriger une formation européenne. Demain, sera-t-elle aussi la première femme à accéder à la Présidence du Conseil italien ?
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Comment décririez-vous sa pensée politique ?
Giorgia Meloni a une pensée résolument conservatrice, elle s’inscrit dans la lignée de la pensée conservatrice européenne. Elle reconnaît d’ailleurs que la lecture des écrits de Tolkien et de sir Roger Scruton ont beaucoup pesé dans sa formation. Elle a une parole politique totalement décomplexée : elle a ainsi clamé lors d’un meeting en octobre 2019, devant une foule électrisée sur la place Saint Jean de Latran : « Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne. Et cela, vous ne pourrez pas me l’enlever ! » C’est une patriote convaincue ; son leitmotiv est Dieu, patrie, famille. Elle rejette tout autant l’immigration massive, irrégulière et incontrôlée que la progression fulgurante de l’islam en Europe. Elle s’affirme de droite. Ses idées politiques sont bien plus conservatrices et patriotes que fascistes, ou post-fascistes. Elle a, comme de nombreux Italiens, relégué le fascisme au rayon des études et travaux d’historiens. Elle est pragmatique.
Elle se démarque aussi par un catholicisme affiché. Comment est-ce reçu en Italie, alors que cela surprendrait en France ?
Vous vous doutez bien que ce n’est pas reçu de la même façon en Italie qu’en France. Même si la déchristianisation y est galopante, l’Italie n’est pas toute entière jetée dans l’ère post-chrétienne. Il existe encore en Italie une religiosité populaire et donc visible qui maintient, bon an mal an, un lien entre les Italiens et leurs racines chrétiennes. C’est encore plus vrai pour Rome, qui est une double capitale, politique et religieuse. Et Giorgia Meloni est une Romaine pur jus, sa diction, parfois très précipitée, où affleure l’accent romanesco, en atteste. Les Italiens, quelle que soit leur façon de vivre et de pratiquer, et même s’ils sont farouchement athées, sont imprégnés de catholicisme. Alors le catholicisme de Giorgia Meloni ne choque pas, il y a d’ailleurs des hommes politiques de gauche qui n’hésitent pas à afficher leur christianisme. Mais il est vrai néanmoins que l’Église italienne a de moins en moins d’influence sur la vie politique.
« À la différence de la législature précédente, une vraie majorité va se dégager au Parlement, ce qui est un gage de stabilité »
Marie d’Armagnac
Après sa victoire, va-t-elle réussir à bâtir une coalition, et cette coalition peut-elle s’inscrire de manière pérenne au pouvoir ?
La force de la droite italienne est qu’elle se présente aux élections, régionales ou législatives, en coalition. Le programme est commun. « Uniti si vince », répète toujours Matteo Salvini, « unis, on gagne ! ». Certes, il y a eu et il y aura des querelles d’égos, des tiraillements entre les partis de la coalition, Forza Italia de Silvio Berlusconi, La Ligue de Matteo Salvini et Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni. Mais la coalition de droite gouverne 14 des 21 régions italiennes. Pour ces élections, c’est Giorgia Meloni qui a pris le leadership de la coalition, il y a donc fort à parier qu’elle sera la Présidente du Conseil. À la différence de la législature précédente, une vraie majorité va se dégager au Parlement, ce qui est un gage de stabilité.
Dans quelle mesure cette victoire est-elle un basculement dans l’histoire politique italienne récente ?
Justement, cette stabilité qui manquait à la précédente législature ! Les partis de droite se retrouvent donc à nouveau ensemble pour gouverner. Cela fait dix ans que ce n’était pas arrivé. Giorgia Meloni veut engager une réforme constitutionnelle pour aller vers un régime semi-présidentiel, un peu « à la française », pour donner plus de stabilité au gouvernement du pays. Si elle n’a pas la majorité des deux tiers au Parlement, cela devra passer par un référendum.
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Après la victoire de la droite populiste en Suède et Italie, beaucoup espèrent ou craignent que ce soit le cas en France avec Marine Le Pen. Quelle analogie peut-on faire entre les configurations politiques en Italie et en France ?
Il n’y a pas eu en Italie ce piège mitterrandien de la diabolisation qui a véritablement paralysé toutes les composantes de la droite française depuis 40 ans. Silvio Berlusconi a, très tôt, fait participer les différents partis de droite au gouvernement. La stratégie d’union des droites est une réalité politique habituelle en Italie. En France, qui souhaite réellement l’union des droites ?