Personne n’en a parlé : le 3 octobre, Christophe Budin, betteravier dans l’Oise, s’est donné la mort au petit matin. Des agriculteurs se sont rassemblés quelques jours plus tard pour lui rendre hommage : il a eu droit à un article dans un journal local, mais sa mort n’a pas eu le retentissement qu’elle aurait dû avoir. Et pourtant, cette triste affaire est loin d’être un cas isolé et elle fait écho à un phénomène plus global dans le monde de l’agriculture. Si certains commentateurs remarquent l’explosion des suicides dans cette profession, il est rare qu’ils en relèvent les causes profondes. Mais tant que l’on négligera les véritables raisons qui poussent des hommes à s’enlever la vie, on continuera à constater l’hécatombe sans jamais y mettre un frein. Tel n’est pas le rôle des politiques, et il est vital que nos gouvernants, nos députés, nos responsables territoriaux, journalistes, lobbies, et associations prennent enfin ce problème à bras-le-corps et y mettent un terme. Hélas, la politique actuelle d’Emmanuel Macron ne fait que dégrader les conditions d’existences des agriculteurs.
Le cas de Christophe Budin est emblématique. Deux jours avant qu’il ne mette fin à ses jours, il avait reçu une convocation judiciaire de l’Office français de la biodiversité (OFB) qui l’avait contrôlé. Face aux accusations dont il était victime, il savait qu’il ne lui serait fait aucun cadeau et qu’il n’aurait pas le droit, contrairement à de nombreux prévenus en France, à la présomption d’innocence. C’est d’ailleurs la raison qui a poussé les syndicats et professionnels (FDSEA) à lui rendre hommage en face des bureaux beauvaisiens de l’OFB. Pour rappel, l’OFB a été créé en 2021 suite à un décret du gouvernement qui élargissait la compétence de plusieurs tribunaux en matière d’atteinte à l’environnement. Alors que les suicides d’agriculteurs étaient déjà « systémiques » à cette époque, le gouvernement Macron a donc aggravé le problème en créant des officines chargées de les « fliquer » sur la biodiversité. Aujourd’hui, les agriculteurs rencontrent trois nouveaux problèmes qui viennent s’ajouter à ceux déjà existants.
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Le premier, c’est que la réglementation en matière environnementale est devenue si contraignante qu’il leur est devenu impossible de survivre sans la transgresser. Ils font très souvent face à des impasses techniques et savent que, quoi qu’ils fassent, il sera toujours possible pour les contrôleurs de l’OFB de trouver des éléments qui ne respectent pas cette réglementation « tatillonne et imprécise ». Elle est d’autant plus injuste qu’elle n’est pas appliquée sur les produits agricoles importés de l’étranger : ce sont les fameuses clauses miroirs que la France impose à ses propres agriculteurs et qu’elle devrait, a minima, imposer aux produits étrangers. Mais au-delà de ces clauses, le monde qui nous nourrit et qui est déjà un secteur soumis à une forte tension ne devrait pas être exposé à ce flicage permanent ; surtout si celui-ci conduit nos compatriotes à mettre fin à leur vie. Aucune réglementation ne vaut ce coût-là.
Le deuxième problème tient aux peines appliquées par cette « police de l’environnement », trop lourdes et parfois fondées sur des éléments factuellement faux. Un cas d’école révélé par l’enquête de Géraldine Woessner (Le Point, avril 22) fait état d’un agriculteur grenoblois accusé d’avoir tué des abeilles en épandant des pesticides sur des pommiers en fleurs. Pourtant, cette substance contenant effectivement de l’esfenvalérate était autorisée et réputée ne pas entraîner de mortalité des abeilles malgré un usage encadré. Les experts ne se sont pas rendus sur la parcelle et n’ont donc pas pu constater la mort de ces insectes, tandis que les apiculteurs voisins n’ont noté aucun trouble dans leurs ruches. De nombreux détails de l’affaire sont ahurissants, mais en définitive, le procureur requerra, pour la mort supposée d’abeilles, pas moins de 100 000 euros d’amende et six mois de prison avec sursis. Le pommiculteur sera finalement condamné à 10 000 euros d’amende en son nom propre et 40 000 pour son entreprise. Il n’osera pas faire appel de peur d’avoir une peine plus lourde après le réquisitoire du procureur qui a reconnu vouloir « faire un exemple ». Lorsqu’on en arrive à de telles extrémités, qui ose parler de justice ?
« La France n’a pas à devenir une nouvelle « Union soviétique » qui traquerait ses opposants jusqu’à ce qu’ils mettent fin à leurs jours, quand bien même cette oppression serait pratiquée au nom de la planète »
Jean-Frédéric Poisson
Le troisième problème qui est peut-être le problème de fond concerne les individus qui composent ces officines chargées de faire respecter les politiques environnementales. En effet, il est courant que les membres de ces juridictions soient animés d’idées politiques dans lesquelles l’écologie n’est plus qu’un prétexte. Dans ce nouveau cadre, la défense de la planète sert en effet à donner un second souffle à un marxisme désespérément en quête d’une nouvelle classe sociale à dénoncer et à martyriser. Il a à sa disposition des militants politiques déguisés en inspecteurs et que les agriculteurs, entre eux, désignent désormais sous le sobriquet de « cowboys écolo-marxistes ». Ces inspecteurs usent et abusent de leurs pouvoirs en tourmentant des agriculteurs qui sont obligés de témoigner sous anonymat par peur de représailles des agents de l’OFB. La France n’a pas à devenir une nouvelle « Union soviétique » qui traquerait ses opposants jusqu’à ce qu’ils mettent fin à leurs jours, quand bien même cette oppression serait pratiquée au nom de la planète. Il est urgent qu’Emmanuel Macron revienne sur son décret du 16 mars 2021 et défende le bien-être de nos agriculteurs sans qui nous ne pourrons d’ailleurs pas nous nourrir dans la crise qui se profile à l’horizon.