Aborder la question de la langue corse, c’est mêler des sentiments de reconnaissance, de fierté mais aussi une certaine souffrance. Comment parler, en effet, de quelque chose que l’on a bien connu et qui a entamé sa disparition depuis plusieurs années ? Si le corse est plutôt bien enseigné, que l’Éducation nationale consent des moyens financiers non négligeables, a contrario, il tend à disparaitre de la vie quotidienne. Cet échec n’est pas à imputer à la classe politique insulaire ou à l’État mais à une américanisation de la société qui restreint de plus en plus notre expression, nos traditions et la diversité culturelle des régions et des territoires à forte identité.
Élevé par mes grands-parents maternels, mes premiers mots furent prononcés en corse. Au cours de ma scolarité en maternelle, au tout début des années 80, le français était de rigueur à l’école et le corse au sein du domicile familial. Ce mode de vie qui s’accompagnait aussi d’une éducation religieuse était propre à celui d’une grande majorité d’enfants corses de ma génération. Pour mes grands-parents, très attachés à cette double identité, française et corse, corse et française, tout cet ensemble se vivait en osmose et en harmonie. Berger depuis son plus jeune âge, mon grand-père n’était jamais allé à l’école et n’apprit qu’oralement le français pour s’adapter aux mutations économiques et sociales de l’île. Pendant longtemps, le corse était resté la langue du pauvre, du laborieux. Les « Sgio » (les seigneurs ou les familles bourgeoises) remplacèrent l’usage de l’italien par le français à partir du XIXe siècle. Au fur et à mesure, les anciennes générations privilégièrent le français pour leurs enfants dans leurs rapports quotidiens afin de leur donner toutes les chances de trouver un travail bien plus valorisé que le leur. [...]
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