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Le quinquennat et le règne de l’émotion

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Publié le

1 octobre 2021

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En plus de détruire la fonction présidentielle, le quinquennat a participé au règne de l’émotion et de l’immédiateté. Le retour au septennat semble être la seule alternative à même de re-présidentialiser le régime et de réinscrire la politique dans le temps long.
Sarko

Article 21 de la Constitution : « Le Premier ministre dirige l’action du gouvernement ». Depuis l’instauration du quinquennat, c’est le président de la République qui semble chargé de la direction de l’action gouvernementale. Une idée qui se retrouve d’ailleurs dans la manière dont médias et partis politiques abordent la prochaine élection présidentielle, comme si le rôle du futur chef de l’État se confondait nécessairement avec celui de son futur Premier ministre, réduit à n’être que le factotum des velléités élyséennes.

Lire aussi : Le mythe de l’homme providentiel

Pas un jour sans que les journalistes ne se demandent d’ailleurs ce que seront les « programmes » des impétrants et infortunés lancés dans la grande course à la présidence. Nombreux voudraient ces plans quinquennaux aussi détaillés que des rapports de la Cour des comptes, n’oubliant aucun citoyen ni aucune administration. Le futur président se devrait d’être omniscient, capable de se rappeler le prix du ticket de bus dans le grand Limoges comme le taux de tous les impôts indirects qui frappent le portefeuille des Français. Sorte de monisme politique, le présidentialisme à la française fait du président la somme de tous les membres qui composent la France, Dieu démiurgique et simple mortel tout à la fois.

Si elles ne sont pas indignes d’intérêt, ces triviales considérations, que le général de Gaulle qualifiait de cuisine ou d’intendance, ne sont pourtant que du ressort indirect du chef de l’État tel que pensé par la Vème République. Le président de la République doit avoir une vision quant au présent et à l’avenir de la France. Ainsi, la question de l’immigration, donc de la composition du peuple français et de ceux qui séjournent durablement sur le territoire national, est éminemment politique, de même que celle de l’écologie. Ce n’est pas au futur président d’expliquer, tel un préfet, comment il va réduire l’immigration : il devra l’ordonner à ceux qui seront placés sous son commandement direct.

Cette durée de sept ans renforce le caractère éminemment français de la fonction présidentielle, conférant au président un rôle de monarque élu en lui accordant une durée d’exercice du pouvoir exécutif conforme à sa mission d’incarnation de la nation et d’arbitre des enjeux étatiques

La France est avec les États-Unis, le pays occidental dont la politique est la plus personnalisée. Le temps politique induit par le quinquennat a largement participé au règne de l’émotion et de l’immédiateté ; osons le dire, à l’hanounanisation de la vie politique hexagonale. Nos institutions et les modes de scrutin font que le président revêt les atours de « l’homme providentiel », démontrant une forme d’immaturité collective que ne nous envient guère nos voisins. Il est donc tout à fait paradoxal que forts d’une telle conception du pouvoir politique, nous nous fourvoyons dans le quinquennat qui confond le temps de l’exécutif et celui du législatif. Le septennat était adapté à la philosophie politique française. Ses origines lointaines remontent à la loi du 20 novembre 1873, qui confia pour sept ans le pouvoir exécutif au maréchal de Mac Mahon sous le titre de président de la République. L’amendement Wallon, voté le 30 janvier 1875, consacra durablement l’institution présidentielle et le principe du septennat.

Cette durée de sept ans renforce le caractère éminemment français de la fonction présidentielle, conférant au président un rôle de monarque élu en lui accordant une durée d’exercice du pouvoir exécutif conforme à sa mission d’incarnation de la nation et d’arbitre des enjeux étatiques. En somme, le président permet d’éviter la guerre civile permanente des partis et le risque de fractionnement de la République. Il est notable que l’instauration du quinquennat a mis fin au rôle d’arbitre institutionnel qui seyait si bien au président gaullien.

Lire aussi : Du désintérêt des Français pour la vie politique

Le quinquennat fut un projet avorté du président Pompidou, et il fallut attendre 2000, et la période de cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin, pour que cette réforme soit adoptée. L’objectif était de « moderniser » l’institution présidentielle en la calquant sur le modèle états-unien. Mais personne ne s’est alors demandé si un tel régime correspondait à l’âme française, ou à l’esprit de nos institutions. Car un régime présidentialiste ne peut se concevoir qu’avec un véritable bicamérisme et relègue normalement le Premier ministre au rang de simple exécutant des volontés du chef de l’État. Ces réformes n’ont pas été adoptées, et notre système actuel est donc bâtard.

Le pouvoir exercé par Emmanuel Macron, hyper-président en campagne permanente, a crûment illustré ce problème. Il a, avec une certaine maestria, alimenté plusieurs clientèles électorales en distribuant les milliards tel le Père Noël des finances publiques. Le retour au septennat permettrait peut-être de rompre avec trois vices contemporains qui paralysent la France. Le premier d’entre eux est l’hyperpersonnalisation de la vie publique au détriment des enjeux politiques. Le second est le court-termisme des grandes politiques publiques. Le troisième, et non des moindres, est l’inutilité absolue de l’Assemblée nationale.

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