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Mathieu Detchessahar : « Le premier droit des nations est un droit à la continuité historique »

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Publié le

18 août 2022

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Le professeur des universités de Nantes poursuit dans son dernier livre sa réflexion sur le politique chrétien, dialectique entre le local et l’universel.
Nation

Patrie ou nation ; ethnique, identitaire ou civique : parmi toutes ces distinctions classiques, de quelle « nation » parlez-vous ?

C’est la nation culturelle qui m’importe avant tout, celle qui par la force de son histoire et de sa culture construit un lien d’unité pacifique entre des personnes par ailleurs très différentes: des jeunes et des vieux, des « gens du sud » et des « gens du nord », des « gens de gauche » et des « gens de droite », des nationaux de souche et des personnes plus fraîchement arrivées sur le territoire national. Dans ce sens, la nation est la plus inclusive des communautés que les hommes aient inventées, celle qui accueille et unit le plus grand nombre de différences. Elle est plus grande que la famille, la tribu, la profession ou la cité.

Cette nation culturelle, c’est avant tout une patrie, un patrimoine légué par les pères : une langue, des traditions et des mœurs. Le mot nation désigne, lui, la communauté vivante de ceux qui sont unis par ce patrimoine. Cette nation culturelle est le terreau nécessaire à la naissance de la nation civique, c’est-à-dire la nation corps politique prenant en main son destin. Contrairement aux théoriciens du contrat social qui voient dans la nation civique un simple pacte juridique unissant un corps de citoyens que rien ne relie par ailleurs, l’histoire nous apprend que toutes les premières nations civiques qui naissent en Europe à compter de la fin du XVIIIe siècle ont poussé sur l’humus des nations culturelles. Cette articulation nation culturelle/nation civique m’intéresse tout particulièrement.

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Cette nation n’est-elle pas éminemment chrétienne en ce qu’elle est un terrain d’exercice privilégié pour sa doctrine sociale ?

L’idée de nation tient une place importante dans la philosophie sociale chrétienne car celle-ci s’enracine, via la réappropriation thomiste du XIIIe siècle, dans la philosophie politique d’Aristote selon laquelle l’homme est un animal social : il ne trouve pas sa propre réalisation en lui-même, mais avec, par et pour les autres. L’homme naît et grandit dans une famille et dans un peuple dont il tire les ressources matérielles, culturelles, morales et spirituelles nécessaires à son développement.

Dans la perspective chrétienne, cette réalité anthropologique peut être éclairée par la théologie. Le pape Jean-Paul II nous invitait à voir dans le mystère de l’Incarnation une véritable « théologie de la nation ». En effet, lorsque le Verbe se fait chair en Jésus, il demeure vrai Dieu et se fait également vrai homme, né en un temps, un lieu et une histoire. Jésus ne peut être réellement compris en dehors de son appartenance au peuple juif, la nation avec laquelle Dieu a conclu sa première alliance. Il n’est ni un apatride, ni un robinson ! Jésus épouse toute la réalité de la condition humaine et il naît donc dans une terre, au cœur du peuple, dans une famille modeste au sein de laquelle il va suivre tous les rituels consacrant l’entrée de l’enfant dans sa communauté sociale (circoncision, présentation au temple, montée en famille à Jérusalem pour la Pâque). Le pape polonais en tire l’idée que tout homme est d’abord le fils de sa nation avant d’en être le père, le sujet avant d’en être l’artisan. La nation se présente à chaque homme à la fois comme un don et comme une tâche : un don gratuit et habilitant, une tâche consistant à actualiser et faire progresser le patrimoine reçu. [...]

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