Dans La France qui déclasse, vous affirmez que la France, depuis trente ans, s’appliquerait le modèle économique qu’elle imposait jadis à ses anciennes colonies. Pouvez-vous nous rappeler les principales étapes de ce glissement d’un modèle économique à un autre ? Vous semble-t-il abusif de considérer que la France s’est ainsi auto-tiers-mondisée ?
Pour faire simple, la France a créé au XIXe siècle un système économique dual. Au nord et à l’est, un système mixte industriel et agricole, une économie modernisée tournée vers les puissances industrielles (Allemagne, Suisse, Italie du nord). Au sud et à l’ouest, une économie mixte agricole et commerciale, voire mercantile, tournée vers l’empire colonial, le grand commerce et la mer. Dans les deux cas, les banques financent : à Lyon et dans le Nord, l’industrie ; à Bordeaux et Marseille, l’expansion coloniale et une économie spéculative et rentière (BTP, équipements de l’empire, économie maritime). À Paris, les deux systèmes cohabitent, même si l’industrie l’emporte.
Les années soixante portent un rude coup à l’économie coloniale de l’ouest : le pouvoir gaulliste décide son industrialisation. Puis les années soixante-dix et surtout quatre-vingt frappent l’économie industrielle du nord et de l’est. Que faire, puisque la France est un pays riche, où il y a beaucoup de capitaux à investir ? À bas bruit, nos élites dirigeantes, financières et politiques, décident dans les années quatre-vingt-dix de sacrifier l’industrie et la production françaises, et de se convertir à l’économie spéculative, commerciale et rentière. À l’Allemagne l’industrie, à la France la finance, la grande distribution, les BTP et les services. Les crises de 2008 et 2020 ont démontré l’erreur tragique de ce choix. La France s’apparente à une riche économie rentière du sud, quand les machines tournent en Allemagne, en Chine et au Japon. [...]
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