Quand on ne vante pas la rigueur doctrinale d’Action française (« notre force est d’avoir raison » !), on invoque le courage et le talent de ses dissidents. On oublie souvent qu’en tant qu’elle fut réactionnaire, elle put être, parfois, une école d’avant-garde, un lieu d’attention privilégié aux manifestations les plus singulières du monde moderne, et que pour cette raison y évoluèrent certaines personnalités atypiques, comme Philippe Ariès, l’historien des mentalités ou le grammairien Pichon, influence majeure du jeune Lacan. Raoul Girardet compte parmi eux. Atypique, il l’est d’abord par son tempérament à la fois intransigeant et réservé, qui nous rappelle que l’honneur n’est pas une vertu tonitruante, le privilège des boutefeux et des forts-en-gueule, mais peut se concilier avec une parfaite discrétion. Sa vie est un étrange composé de conformisme apparent et de sédition. Né en 1917, fils d’un père militaire de profession, ancien combattant de la première guerre, et d’une mère trop anxieuse, Raoul Girardet connaît l’ennui des enfants uniques et s’évade en se passionnant pour l’histoire. Adolescent, il découvre un autre moyen de fuir la grisaille familiale : l’Action française, grâce à laquelle il rencontre ses amis Pierre Boutang et Jacques Laurent, avec qui il partagera aventures, potacheries et de nombreuses lectures. [...]
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