Skip to content

Sélectron : les chefs d’œuvre de David Lynch

Par

Publié le

17 janvier 2025

Partage

David Lynch est mort. C’est d’autant plus dur à avaler que le bougre regorgeait encore d’idées – voir cette prouesse artistique totale que constitue la saison 3 de Twin Peaks, dernière pierre de l’édifice lynchien. C’est le moment de se replonger dans son œuvre : pour vous le sélectron s’est fendu d’un classement complètement subjectif et sujet à caution.

1 – Inland Empire

On vous entend déjà hurler : comment, Inland Empire en premier ? Certes, c’est le film le plus ouvertement cryptique du réalisateur. Oui, il est filmé entièrement en vidéo, ce qui lui donne parfois l’aspect d’un film de vacances particulièrement dérangeant. Oui, c’est une redite de toutes les névroses de Lynch : l’adultère comme épitomé du Mal, l’actrice cannibalisée par son image, la collusion des mondes parallèles… pourtant, c’est aussi le Lynch le plus inépuisable, tant il recèle de chausses-trapes, de citations fatales, de « contre-mondes ». C’est aussi l’un des films les plus angoissants jamais faits sur le pouvoir néfaste du cinéma – voire cet époustouflant plan à la grue qui isole Laura Dern sur un trottoir d’Hollywood Boulevard, complètement perdue et incapable de savoir si elle appartient ou non à la fiction. Un chef d’œuvre absolu qui se finit en hommage bouleversant à l’imaginaire, sur fond du Sinnerman de Nina Simone.


2 – Twin Peaks, saison 3     

D’accord, ce n’est pas un film. C’est mieux. C’est le testament de David Lynch sur 18 heures. Le retour dans la Black Lodge aura pris les fans à contrepied – notamment en mettant en scène un agent Cooper transformé en débile léger, Lynch racontant au passage comment l’humanité advient à l’esprit des hommes, ni plus ni moins.  En accumulant les impasses narratives, les hypothèses méta, les ruptures de ton et les moments de bravoure dadaïstes – jusqu’à un David Bowie transformé en théière monstrueuse tout droit sorti de la planète Giedi Prime. Convoquant sublimement ses méditations sur la nature de la fiction, Twin Peaks saison 3 est une véritable odyssée métaphysique qui culmine en son centre (l’épisode 8, terrifiante cosmogonie du Mal) et jusqu’à sa fin bouleversante, où le héros remonte littéralement les couches de fiction… jusqu’à nous. On en a encore des frissons.


3 – Lost Highway

On pourrait dire que le film a vieilli. En fait, c’est surtout un précipité parfait des années 90, avec sa bande-son qui relaie les déviances du rock industriel (Marilyn Manson, Rammstein), et sa peinture d’une Californie rutilante mais gangrenée de l’intérieur, encore hantée par le meurtre du Dahlia Noir, crime originel sur lequel repose presque tout le film, et par l’essor de l’ignoble pornographie. Patricia Arquette, en blonde comme en brune, est sublime et toxique, et Bill Pullman, alter ego de David  Lynch rongé par le mal, n’aura jamais été aussi inquiétant que dans la première moitié du film, parfaite exploration du vide conjugal à la mise en scène millimétrée, qui mériterait sa place dans un musée.


4 – Blue Velvet

Après l’épreuve de Dune, Lynch signe son film le plus personnel, une étrange enquête de mœurs dans une Amérique contemporaine qui ressemble pourtant furieusement à celle des années 50, le vice en plus. C’est sa première collaboration – décisive – avec Laura Dern et Kyle MacLachlan, qui resteront ses acteurs fétiches tout au long de sa vie. Une sorte de polar absolu, porteur de scènes inoubliables – comme ces rapports masochistes entre Dennis Hopper et Isabella Rossellini, vus à travers des persiennes closes, sorte de trou de noir de violence autour duquel gravitent toutes les visions fatales du film.


Lire aussi : David Lynch : L’homme entre les mondes

5 – Eraserhead

Il est en sixième place, mais il aura tout aussi pu être en première. Le premier essai de David Lynch est d’une maturité plastique rare, quelque part entre le cinéma expressionniste, le manifeste bauhaus et le conte surréaliste noir. Une plongée sans retour dont on retient – déjà – quelques fulgurances gnostiques, comme la vision de ce « mécanicien cosmique », dans le prologue du film – peut-être une des clés de toute l’œuvre lynchienne.


6 – Mulholland Drive

Si Mulholland Drive prend seulement la 6ème place, c’est peut-être parce que tout le monde l’aime un peu trop. Peut-être aussi parce que c’est le film de Lynch le plus « maîtrisé » et donc le moins chaotique. Tout y est trop parfait – jusqu’à cette histoire d’amour absolue entre deux actrices sublimes, jusqu’à ces séquences oniriques et léchées dans un Los Angeles à la fois baroque et suffoquant, où pèse une sourde menace. Presque un classique instantané.


7 – Sailor et Lula

Palme d’or en 1990, Sailor et Lula fait immédiatement entrer David Lynch dans une sorte de « coolitude » qu’il n’espérait sans doute pas tant. Pour ce road movie ultra violent, emmené par un Nicolas Cage dément, Lynch met en repos ses obsessions et livre son histoire la plus « classique ».  En passe de devenir le golden boy du bizarre, il pose à l’époque avec sa compagne Isabella Rossellini dans Vogue, un col roulé noir lui recouvrant entièrement la tête – comme pour conjurer le succès.


8 – Elephant Man

On adore Elephant Man, mais à vrai dire, il aurait presque pu être signé par quelqu’un d’autre – si ce n’était peut-être quelques visions oniriques radicalement lynchiennes, notamment celle de cette mère fantasmée qui apparaît sur un tapis d’étoiles, hommage touchant à La Nuit du Chasseur. Reste un film d’une éprouvante noirceur et d’un humanisme rare.


9 – Dune

Le grand échec de Lynch, qui a contribué à invisibiliser la science-fiction au cinéma pendant des années. Pourtant, avec du recul, la première partie est absolument réussie, avec son ambiance de fin de règne, la musique parfaite de Toto et surtout sa direction artistique à tomber par terre – à commencer par les Navigateurs de la Guilde, cauchemardesques entités déformées par l’épice et dessinées par le grand Carlo Rambaldi. Malheureusement, Lynch n’a que faire des scènes d’action finales, et bâcle sa fin comme s’il n’y croyait déjà plus.

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest