Le Great Reset de Klaus Schwab et Thierry Malleret a fait couler beaucoup d’encre. Ce concept peut-il vraiment être considéré comme opératoire pour l’économie et la finance mondiale ?
Contentons-nous d’un nombre limité de préceptes du Great Reset. Schwab et Malleret entendent construire sur de nouvelles bases (Build Back Beter). Mais au plan économique leur table rase n’en est pas une. Elle met en valeur, dans un mouvement que le covid a accéléré, certaines tendances lourdes des deux dernières décennies, comme la financiarisation et la digitalisation. Comme les taux d’intérêt sont à des niveaux très faibles, quand ils ne sont pas négatifs, il serait regrettable de ne pas s’endetter, notamment pour acheter un bien immobilier, pour paraphraser Alan Greenspan au milieu des années 90.
Et ainsi, tout achat devient prêt, abonnement, leasing, crédit revolving… Dans les petites vidéos très divertissantes qui figurent sur le site internet du World economic forum, on trouve cette vision réjouissante du futur : « You will own nothing and you will be happy » (qu’on peut traduire par : vous ne posséderez rien et/mais vous serez heureux).
Quant à la digitalisation, elle apporte des gains de productivité qui faisaient cruellement défaut au capitalisme de la période récente. Mais on peut s’interroger sur les conséquences de l’absence d’interaction professionnelle sur un lieu dédié au travail. Surtout, elle mène tout droit à la surveillance, comme s’en félicite dans le Financial Times l’autre gourou de l’époque, Yuval Noah Harari.
Pour la deuxième fois, le président Xi a tenu la vedette lors de son intervention au forum de Davos
La crise a renforcé les entreprises multinationales, et pas seulement les géants de la Silicon Valley, au détriment des entreprises modestes. Les vagues de faillites ont été reportées grâce aux aides budgétaires. Les « schwabistes » souhaitent surtout maintenir leur capitalisme d’extraction. Les ficelles sont un peu grosses.
En 2020, la Chine est la seule économie qui demeure en croissance. De la même manière qu’en 2008, peut-on considérer que cette crise sanitaire et économique lui profite ?
Pour la deuxième fois, le président Xi a tenu la vedette lors de son intervention au forum de Davos. Il y a appelé, dans des propos repris plus tard par Angela Merkel, à la neutralité de l’Europe et recommandé aux grandes puissances de la mesure dans leurs relations avec les nations plus faibles, cela au moment même où la Chine redoublait d’agressivité envers l’Inde ou l’Australie. La diplomatie du masque a muté en diplomatie du vaccin. Le lobbying chinois reste intense en Allemagne, et la Serbie, mise au ban de l’Europe dans les années 90, offre le visage parfait du vassal de Pékin : patrouilles de policiers chinois à Belgrade, caméras de surveillance chinoises dans tout le pays et utilisation très médiatisée du vaccin chinois. Les nouvelles routes de la soie ne passent pas loin.
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Pour nombre d’autres capitales, Pékin présente l’avantage de ne pas être une démocratie et, à ce titre, de ne pas s’immiscer dans la gestion des affaires locales autrement que pour un gain économique. À ce titre, la Chine a renfloué la Turquie à hauteur de 400 millions de dollars l’année dernière, et fait main basse au passage sur des infrastructures. Autre tendance lourde plus récente : le réveil des Américains face à la Chine. À la faveur du covid, on n’a pas assisté à un renforcement de la coopération internationale. C’est désormais Éric Schmidt, ancien dirigeant de Google et proche d’Obama, qui recommande de renforcer la lutte contre le vol de propriété intellectuelle et de maintenir le quasi-embargo sur les composants électroniques mis en place par l’administration précédente.
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