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Grégor Puppink, directeur de l’ECLJ et auteur de Les Droits de l’homme dénaturés (Le Cerf, 2018), revient pour nous sur le rapport de l’ECLJ pointant les conflits d’intérêts des juges de la CEDH dont beaucoup émanent de l’Open Society de Georges Soros.
Pourriez-vous présenter succinctement votre organisation ?
Le Centre européen pour le Droit et la Justice est une ONG fondée en 1998 à Strasbourg par des avocats américains chrétiens. Ils travaillent à des causes qui tiennent à cœur les Chrétiens d’Amérique notamment à la Cour suprême des États-Unis. À la demande d’Églises chrétiennes d’Europe, ils ont créé un bureau à Strasbourg. Nous sommes en lien avec d’autres organisations à Moscou, au Pakistan, en Afrique et à Jérusalem. C’est une petite ONG internationale chrétienne conservatrice. Elle agit au niveau des instances judiciaires et politiques dans la défense de minorités chrétiennes dans le monde, de la liberté d’expression et de la liberté de conscience. J’en suis le directeur.
Récemment vous avez publié un rapport qui démontre que certains juges assermentés à la CEDH sont des émanations d’ONG gravitant autour de l’Open Society de George Soros et ont eu ensuite à statuer sur des actions déposées auprès de la cour par ces mêmes ONG. Vous dénoncez donc un important conflit d’intérêt.
La majorité des juges de la CEDH ne sont pas des magistrats. Ce sont des juristes qui suivent un processus de sélection particulier. Chaque pays représenté à la Cour compte un juge. C’est un mélange d’anciens magistrats nationaux, des professeurs de droit, des personnes à profil politique et des avocats activistes dans le domaine des Droits de l’homme. Nous avons examiné le profil des juges de la CEDH, chose à laquelle on prête peu attention.
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La Belgique fait exception avec Françoise Tulkens, relativement connue. On ne connaît généralement pas les juges nationaux qui siègent malgré l’importance qu’ils ont au niveau jurisprudentiel. La CEDH a une influence énorme sur l’ensemble des systèmes politiques et juridiques nationaux. Ayant constaté que de plus en plus de juges émanaient de l’Open Society (l’ONG faîtière de George Soros, ndlr), nous avons examiné les CV de 47 juges en particulier sur les 10 dernières années. Un nombre important sont des juristes anciens activistes des Droits de l’homme. 22 d’entre eux (sur les 100 ayant siégé de manière permanente ces dix dernières années) sont d’anciens collaborateurs, dirigeants ou bénéficiaires d’ONG. Ces 22 juges ont un lien très étroit avec des ONG.
Sur 100, c’est beaucoup…
Ceux ayant eu des responsabilités dans des Fondations diverses sont encore plus nombreux ! En même temps, nous avons répertorié les ONG actives à la Cour. 7 ONG agissant à la Cour en représentation de requérants comptent parmi leurs anciens collaborateurs des juges à la Cour.
Donc, en tout, 22 juges sont d’anciens collaborateurs d’ONG actives à la Cour ?
C’est cela… Dont 12 de l’Open Society. 7 ONG particulièrement actives à la Cour sont très connues, très visibles. Elles sont devenues consubstantielles au système supranational des Droits de l’homme : Amnesty International, l’Open Society, Human Rights Watch, etc., très marquées politiquement, très bien organisées et financées. C’est le premier constat. En soi, ce constat doit mener à une réflexion sur le fonctionnement de la CEDH.
Votre rapport cite les noms de ces juges ?
Absolument. Le rapport fait plus de 200 pages. La partie analytique détaille les enjeux. Le reste est fait d’annexes détaillant le nom de ces ONG et de ces juges : CV, jurisprudences, références. Tout est public.
Vous avez évalué le degré de conflits d’intérêt dans des arrêts particuliers ? Des soupçons ?
Ce ne sont pas soupçons mais des faits. La présence de ces ONG dans le système pose en soi un problème. Deux : voyant cela, on a évalué comment ils se sont prononcés dans des affaires dans lesquelles leur propre ONG était impliquée. C’est le second tiroir. Là est le scandale au plan judiciaire. Un magistrat ne peut jamais être juge et partie. S’il a une relation privilégiée avec l’une des parties, il a l’obligation de s’abstenir. De se « déporter », dit-on. Ces dernières années, on a analysé la manière dont ces 7 ONG ont agi de manière visible. Il y eu 88 cas de conflits d’intérêt direct sur 185 affaires (à savoir des cas où l’ONG que le juge a dirigée ou dont il a fait partie activement est la requérante à l’affaire).
Un exemple ?
Actuellement, on travaille sur l’affaire Big Brother contre le Royaume-Uni. En Grande-Bretagne, existe une législation sur le système de surveillance électronique des communications à des fins de lutte antiterroriste. Des ONG poursuivent en justice cette législation. On peut être d’accord avec l’intention des ONG. Mais l’affaire actuellement examinée en Grande chambre devant 17 juges a été introduite par des ONG financées par l’Open Society de George Soros. Parmi les 17 juges, 6 sont d’anciens collaborateurs des ONG requérantes ! L’Open Society a en réalité rameuté les ONG requérantes qu’elle finance pour la cause. L’audience a eu lieu. Elle est actuellement (le 15 mai 2020, ndlr) en délibéré. Cela ne serait pas possible au niveau d’un Tribunal national !
La Cour elle-même semble ne pas réagir à votre rapport.
Elle a décidé de ne pas répondre. Car le rapport est sans aucune faille.
Fait nouveau (le 15 mai), la Russie est sortie du bois. Qu’est-à-dire ?
Ces conflits d’intérêt n’arrivent pas par hasard. Ils sont consubstantiels au fonctionnement même de la Cour. Celle-ci n’applique pas à elle-même le respect des normes qu’elle impose aux juridictions nationales en matière de droit à un procès impartial. Exemple : les tribunaux nationaux doivent prévoir une procédure de révocation des juges. Cette procédure n’existe pas pour la CEDH. À Strasbourg, vous ne savez jamais qui va juger votre affaire ! Vous le découvrez après !
Les tribunaux nationaux doivent prévoir une procédure de révocation des juges. Cette procédure n’existe pas pour la CEDH.
Vous ne pourriez donc pas les révoquer de toute manière…
Exact car on ne reçoit qu’après coup la lettre nous indiquant qui juge. C’est trop tard. Les juges à la CEDH ne publient pas de déclaration d’intérêt. Par ailleurs, les ONG agissent aussi souvent de manière officieuse. Pour le compte d’autres… Cela manque de transparence. Le b.a.-ba serait que la Cour s’impose à elle-même les procédures qu’elle exige des autres ! La Russie, justement, a eu connaissance de notre rapport envoyé à toutes les ambassades à Strasbourg. Le gouvernement russe – chose très rare – attire l’attention des autres gouvernements sur l’importance de notre rapport. « Il faut intégrer les remarques du rapport dans le processus de réforme de la Cour », indique le communiqué russe. Depuis quelques années, une initiative intergouvernementale propose d’améliorer le fonctionnement de la Cour… dont droit de révocation, déclaration de conflits d’intérêt. Le comble est que le Conseil de l’Europe recommande cela pour les juridictions nationales ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais !
Le b.a.-ba serait que la Cour s’impose à elle-même les procédures qu’elle exige des autres !
Il existe apparemment une grande mansuétude des milieux intellectuels et médiatiques sur ce sujet. J’ai appris que vous aviez proposé de détailler votre rapport avec un grand quotidien qui l’a refusé. C’est exact ?
La grande presse a refusé d’en parler.
J’imagine que vous directeur de l’ECLJ, si vous deveniez juge à la CEDH, en tant que catholique conservateur, cela ferait un tollé ?
Bien sûr ! La tolérance est politique. Ce rapport tire le diable par la queue. C’est tout un système de collusion et d’entre soi que notre rapport révèle. Au regard des intérêts idéologiques de ces ONG et des gouvernements supranationaux, ces conflits d’intérêt sont mineurs. Ce qui est bien plus grave, c’est la teneur à forte composante idéologique de ce gouvernement supranational mise en place. On a démasqué le système un peu sur un détail. Il révèle un système plus global de collusion.
On parle beaucoup du « gouvernement des juges », peut-on parler ici de « gouvernement suprême des juges » ?
Bien sûr. Sauf qu’ici, la majorité ne sont pas des juges !
Des ONG ont partiellement mis la main sur la Cour ?
Je pense que les Droits de l’Homme sont devenus le support d’un discours idéologique, une sorte de religion séculière. Ces activistes magistrats sont les nouveaux clercs de cette religion progressiste universelle. C’est un système de gouvernance supranationale qui « complémentarise » les ONG et les instances publiques. Il y a porosité entre les unes et les autres. En fait, il ne peut y avoir de conflits d’intérêt entre personnes de la même religion !
Ces activistes magistrats sont les nouveaux clercs de cette religion progressiste universelle.
Quel est le rôle réel de George Soros dans cette affaire alors qu’il est un des grands apôtres de cette religion droit-de-l’hommiste ?
Je n’ai pas mis à l’étude l’idéologie réelle de M. Soros. Ce que je vois c’est qu’on est témoin d’une Globalisation qui a créé une forme de Gouvernance globale. Elle est post-démocratique et supra-nationale. S’y sont associées des ONG supranationales. M. Soros a parfaitement compris le fonctionnement de cette gouvernance. En effet, elle est à l’image de la gouvernance financière. Les lieux de pouvoir financiers et politiques sont les mêmes : New-York, Londres, Genève, Francfort, Bruxelles, Luxembourg. Soros a développé par les centaines d’ONG qu’il finance un réseau d’influence considérable à la mesure de ce système de gouvernance globale. Avoir des juges à la CEDH qui sont d’anciens collaborateurs de « ses » ONG est le fruit de cette vision d’un système global de pouvoir.
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C’est en tout cas efficace…
Ce l’est en terme de système de pouvoir. Mais ce sont dans les pays petits, pauvres et corrompus qu’il peut exercer la plus grande influence : Lettonie, Kosovo, etc. Moins évident en France ou en Allemagne.
Quels sont vos espoirs de changer ce système, de nettoyer les Ecuries d’Augias ?
Je travaille depuis 20 ans à Strasbourg comme avocat. J’ai géré des dizaines d’affaire à la CEDH. J’ai vécu cette évolution. L’emprise idéologique devenait telle, me suis-je dit, qu’il était inutile de se battre sur une affaire en particulier. Nous sommes face à un problème systémique. Découvrant, en écrivant mon rapport, l’ampleur de problèmes graves, je l’ai publié par devoir. Cela m’a valu quelques nuits blanches et quelques mesures de sécurité à prendre à titre personnel. Je me suis dit : ça va faire le ménage. Cela aura à mon avis un effet durable sur la Cour. Elle est obligée si elle veut rester légitime, de corriger son comportement.
Propos recueillis par la rédaction.
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