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Réponse au député Antoine Léaument (LFI) : en finir avec la vulgate révolutionnaire

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Publié le

26 janvier 2023

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Député LFI, Antoine Léaument s’est fendu d’un article qui fustige les élus du Rassemblement national ayant commémoré le 230e anniversaire de la mort de Louis XVI, ou ceux qui célèbrent les deux Napoléon. Un papier truffé d’erreurs et d’approximations qui appelait une réponse. Tribune.
LXVI

Le 21 janvier 1793, Paris est balayé d’un vent glacial. Le ciel est couvert. Aucun rayon de soleil ne perce sur l’actuelle place de la Concorde. Jour funeste pour l’histoire de France. Louis XVI, roi de France, est conduit à l’échafaud après avoir été condamné lors d’un procès inique, constellé de plaidoiries qui laissaient peu de doute quant à l’issue du jugement. À une voix près, le monarque a été condamné à mort. Quelques minutes avant d’être allongé sur la planche, il s’écrie : « Peuple, je meurs innocent ! » Sa voix est rapidement couverte par le bruit des tambours. Le bourreau Sanson jette un dernier regard sur l’infortuné souverain, puis actionne la guillotine. La lame tombe et signe la fin de la monarchie dans le sang.

Depuis, la France ne cesse de panser ses plaies et ne s’est toujours pas remise de ce régicide, prélude à toutes les horreurs à venir, nées des excès de la Révolution française. La « Terreur », organisée par Robespierre et ses amis Montagnards, ne va pas tarder à dévorer les révolutionnaires de la première heure, puis ses propres enfants.

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Voilà quelle était l’atmosphère de la France il y a près de 230 ans. Twitter ne vous suffisant pas, vous avez décidé de nous honorer, monsieur le député Antoine Léaument, de votre plume. Versant dans l’anachronisme, spécialité de votre mouvement, vous avez publié une tribune dans le webzine LVSL pour vous indigner de voir des élus du Rassemblement national, armés de leurs tweets en forme de fleurs de lys, « réhabiliter Louis Capet », dites-vous. Pis, ils osent l’impensable en évoquant unanimement un « assassinat ». Suprême crime de lèse-République. Vous voilà lancé sur les chemins de l’histoire. « Les mêmes diraient sans doute que la décapitation de Robespierre, survenue sans aucun procès le lendemain de son arrestation, était, elle, légitime. C’est pourtant une vraie boucherie : en trois jours, plus de cent personnes passent avec lui sur l’échafaud », écrivez-vous sans ambages. La mort de Robespierre vous émeut plus que celle de Louis XVI ? C’est votre droit le plus légitime. On ne vous le reprochera pas.

Pourtant, monsieur le député, il me faut vous rappeler combien de personnes sont passées sous le couperet de la faucheuse nationale lorsque « l’Incorruptible » était à la tête de la Première République. Entre 1793 et 1794, plus de 17 000 personnes ont été condamnées à mort d’après un recensement établi à partir de documents officiels. Un chiffre étendu à 40 000 victimes si l’on tient compte des assassinats sans jugement. Sans oublier les exactions des colonnes infernales du général Turreau qui ont fait plus de 20 000 morts, tués par les Bleus qui n’ont pas hésité pas à passer les civils au fil de l’épée, à noyer femmes et enfants par centaines dans des sacs à Nantes.

Entre 1793 et 1794, plus de 17 000 personnes ont été condamnées à mort d’après un recensement établi à partir de documents officiels

Le général Westermann écrira à la suite de sa victoire à Savenay sur les royalistes vendéens : « Il n’y a plus de Vendée. Elle est morte sous notre sabre libre avec ses femmes et ses enfants. J’ai écrasé les enfants sous les pieds de nos chevaux, massacré les femmes qui, au moins, celles-là, n’enfanteront plus de brigands. J’ai tout exterminé ». Un massacre de masse largement documenté qui ne saurait souffrir de querelles partisanes tant les faits sont établis. Difficile de nier que Robespierre, que vous avez hissé à la première place de votre Panthéon personnel, ait été au courant de ce qui se tramait dans ces départements. Un soulèvement qui n’avait pourtant rien de royaliste au départ et une répression que cet avocat de formation a largement approuvée en signant tous les décrets nécessaires.

Dans votre ligne de mire, le député « Julien [qui] glorifie régulièrement Napoléon Bonaparte, qui a pourtant détruit la Ière République, rétabli l’esclavage et procédé à l’exécution en masse de citoyens libres qui se révoltaient contre son rétablissement ». Étrange raccourci de la part d’un homme qui se targue d’avoir étudié les lettres et l’histoire à l’université de Poitiers. Exit pour vous le florissant héritage du héros d’Arcole, personnage préféré des Français avec le général de Gaulle et Louis XIV, dont nous profitons encore. Et vous le premier d’ailleurs. Code civil qui consacre le principe d’égalité devant la loi, création des lycées et du baccalauréat, du conseil des Prud’hommes, du Conseil d’État et du Sénat, du code pénal, de la banque de France, des préfectures, mise en place ramassage des ordures et de la numérotation des rues. Autant de réformes à porter au crédit de l’Empereur de la République française (son titre officiel) que l’on ne saurait résumer comme vous le faites au seul rétablissement de l’esclavage sans la moindre recontextualisation. Vous oubliez très curieusement de rappeler que Napoléon s’est empressé de l’abolir en 1815 aux premiers jours de son rétablissement sur le trône.

Vous évoquez dans un long paragraphe la naissance du drapeau bleu-blanc-rouge que vous rapprochez d’une « grève antiraciste », élément fondateur de notre actuel emblème national. Que d’anachronismes et de méconnaissance en vexillologie de votre part. Faut-il encore vous rappeler que la monarchie d’Ancien Régime n’a jamais eu de couleur officielle (il suffit de voir les nombreux et différents étendards des régiments militaires pour s’en apercevoir). En effet, jusqu’ici uniquement réservé aux seuls vaisseaux de guerre de la marine royale, le blanc n’a eu d’existence reconnue qu’entre 1815 et 1830.

Loin d’être révolutionnaires, les couleurs bleue et rouge ont été de tout temps utilisées par les Capétiens qui les arboraient sur leurs oriflammes

Loin d’être révolutionnaires, les couleurs bleue et rouge ont été de tout temps utilisées par les Capétiens qui les arboraient sur leurs oriflammes. Le rouge symbolisait le martyre de saint Denis, le bleu le manteau de la vierge (ou la chape de saint Martin). Cette couleur est par ailleurs associée à tous nos rois de France et figurent sur les armoiries fleurdelysées du royaume. Un bleu et rouge symbole de Paris. La création du drapeau tel que nous le connaissons actuellement a fait son apparition après la prise de la Bastille, dérivé des cocardes mise en avant par les révolutionnaires. Affirmer que ce serait une révolte d’esclaves qui serait l’origine de son apparition relève du mensonge historique, d’une pathétique tentative de manipulation de l’histoire (discours de Mirabeau que vous mettez en avant) pour justifier vos idéaux personnels et d’une mauvaise foi qui ne vous fait pas honneur.

Outre que les documents retrouvés dans l’armoire de fer qui serviront à son procès « n’apportent pas la preuve formelle de la collusion du roi avec les puissances ennemies », selon l’historien Albert Soboul, Louis XVI était-il vraiment ce dictateur sanguinaire qui « a conspiré contre son propre pays et contre son peuple » afin de sauver son trône ? Est-il celui que la caricature populaire décrit comme un benêt ?

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Monsieur le député, la vérité est tout autre. Bourreau de travail, il aura été le premier à réduire le train de vie de Versailles (à un tel point que son frère, le futur Charles X, le surnommait « l’avare ») et à rendre publiques toutes les dépenses de la monarchie. Souverain éclairé, il lit les ouvrages de ces « messieurs les philosophes », se fait remettre des dizaines de dossiers sur l’état de la paysannerie. Avec Turgot, il projette même d’abolir les corvées et d’assujettir aux impôts territoriaux la noblesse (avec laquelle il sera en conflit constant) et le clergé, tout en se souciant du sort des curés de campagnes qui peinent à vivre. Il fait abolir le servage sur tous les domaines royaux. Mortaillables et taillables ne seront plus corvéables, allégeant de facto les impôts de ses sujets.

Il développe l’économie (notamment portuaire), rétablit les droits religieux des protestants et reconnait les juifs comme Français à part entière (décision confirmée par décret royal en novembre 1791). Même les musulmans obtiennent la permission de « jouir de droits politiques » sans distinction. En 1776, il prend un premier édit interdisant l’esclavage sur tout le territoire, bien avant que la Première république vote l’abolition officielle de l’esclavage dans les colonies d’Outre-mer. Il fait aussi voter un décret abrogeant le crime « dit de sodomie » (dépénalisation de l’homosexualité bien avant François Mitterrand), vide la Bastille de ses prisonniers et annonce qu’il va détruire la forteresse qui ne comptera plus que quelques personnes en 1789. Drôle de tyran que voilà ! Et je pourrais continuer longtemps.

Il fait abolir le servage sur tous les domaines royaux. Mortaillables et taillables ne seront plus corvéables, allégeant de facto les impôts de ses sujets

Alors certes, je vous l’accorde, tout ne fut pas rose sous l’Ancien Régime marqué par de profondes inégalités sociales. Mais l’étude de cette période nécessiterait de faire appel à de vrais historiens et non à de petits idéologues tels que vous. Sûrement Louis XVI, pétri d’absolutisme, a manqué de poigne contre sa propre noblesse et que cela ne lui a pas permis de mener à terme toutes les réformes qui auraient été indispensables à la survie de l’institution monarchique et au bien-être des Français. Force est de reconnaître que la Révolution (bourgeoise bien plus que populaire, contrairement à ce que vous pensez) n’a pas été négative en tout point. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le suffrage universel sont là pour nous le rappeler.

Il est regrettable que votre manichéisme idéologique l’emporte sur la raison et la vérité. Saviez-vous que nous avons récupéré l’Alsace-Lorraine grâce à Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III que vous pointez du doigt dans votre article ? Ce même monarque empreint de socialisme à qui on doit le droit de grève en 1864 (pour ne citer que cela) et grâce à qui vous pouvez aujourd’hui manifester en toute liberté. Cette même vérité qui ne sied guère à vos convictions et qui vous contraint à faire des parallèles iniques avec la situation de crise que nous vivons actuellement. Ramené à l’époque de la Révolution, vous auriez sans doute déçu celui que vous adulez. Il n’aurait vu en vous qu’un simple paltoquet tant votre malhonnêteté intellectuelle fait peine à voir.

Pourtant, rassurez-vous monsieur le député. Si demain, il plaît à Dieu que la monarchie revienne en France (17% de nos compatriotes y sont favorables), nous avons une place toute trouvée pour vous, à la hauteur de l’amuseur public que vous êtes devenu aux yeux de tous : celle de bouffon du roi.

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