Culture
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Joseph Losey est un cas à part : cinéaste américain pris pour un Britannique toute sa vie, communiste de la vieille école qu’on assimila souvent à un talon rouge, cet originaire du Wisconsin, élevé au grain, a pourtant fuit le Maccarthysme et trouvé en Angleterre son port d’attache. Plastiquement assez proche d’un Powell ou d’un Clayton, sa filmographie est émaillée de chefs-d’œuvre tous consacrés peu ou prou à un seul sujet : la lutte des classes. The Servant, joyau noir multi-commenté et adulé par de nombreux réalisateurs, est à ce titre la pierre d’angle de son œuvre. On peut voir Le Messager, chronique enfantine plus amère que douce, comme une sorte de variation sur ce thème. Avec en prime une réflexion sur la toxicité des rapports trop normés, ou comment l’aristocratie et la grande bourgeoisie se nourrissent des rêves et des pulsions des petites gens.
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Leo (Dominic Guard, qu’on verra adulte dans le sublime Pique-Nique à Hanging Rock de Peter Weir) est un garçon de 13 ans qui est invité par un camarade de classe à passer l’été chez ses parents. Ces derniers, richissimes, habitent un domaine magnifique situé dans le Norfolk, région côtière luxuriante qui s’étend sur la pointe septentrionale de l’Angleterre. Issu d’une classe moyenne, Leo aura faire au cœur d’un été brûlant passé à observer les mœurs complexes et étranges de cette famille d’un autre siècle. Un été brûlant dans tous les sens du terme, puisque le garçonnet servira bientôt de passeur de mots doux entre Marian, la délicate aînée de la famille (Julie Christie, tout en retenue et en ambiguïté) et le métayer du domaine, un fier agriculteur aux manières brusques et au regard sombre. Une relation évidemment tout à fait secrète et interdite : Marian est déjà promise à un riche héritier qui partage ses cigares et ses parties de cricket avec le patriarche. Le jeune garçon se voit bientôt affublé du surnom de « Mercure » par ses commanditaires et sera au centre d’un cuisant drame familial. [...]
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Michel Houellebecq jouit aujourd’hui d’un statut de supériorité indiscutable dans le paysage littéraire national, au point qu’on a oublié combien de polémiques, sur ses propos comme sur son style, ont d’abord jalonné une irrésistible ascension débutée il y a trente ans. Alors que sort Anéantir, son huitième roman, l’heure du bilan a sonné, et nous avons réuni pour cela quelques écrivains à nos yeux remarquables et également sensibles à leur époque. Michel Houellebecq est-il le plus grand de nos écrivains vivants ? Il est en tout cas « le contemporain capital », pour Christian Authier, critique et romancier qui prépare justement un livre sur l’auteur de Soumission (Houellebecq politique, à paraître en mars chez Flammarion).
Pour Matthieu Jung, auteur du Triomphe de Thomas Zins, l’un des plus grands romans des années 2010, Houellebecq est « un écrivain considérable », quand Alexis Jenni, prix Goncourt 2011, s’interroge : « Faut-il donc le réaffirmer si souvent ? Je suis perplexe, je me demande quelle position est défendue par cette affirmation répétitive : prophétisme ou déni ». Nicolas Mathieu, qui reçut également le prix suprême en 2018, botte en touche, estimant que « la question du grand écrivain relève désormais du folklore » et qu’il a perdu de la puissance dans ses derniers romans, ce que note aussi Pierre Jourde, romancier impeccable et observateur lucide et féroce du milieu littéraire depuis bientôt trente ans. [...]
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Il y a vingt-deux ans, un petit film de genre sur lequel personne n’avait misé un kopeck (à part quelques producteurs de chez Warner au nez creux) sort sur les écrans en catimini. Quelques semaines plus tard, c’est déjà un phénomène de société pour toute une génération biberonnée aux mangas et à l’esthétique cyberpunk. Le premier opus de Matrix, réalisé par deux quasi-inconnus, provoque la surprise générale en réinventant les codes du cinéma d’action. Formidable machine à rêver agrégeant toutes les facettes les plus séduisantes de la pop culture, Matrix constitue un petit miracle industriel qui force Hollywood à se repenser totalement. Entre film de sabre chinois, animation japonaise, science-fiction paranoïaque k-dickienne, culture geek et film noir, ce premier volet fonctionne à tous les régimes pour que les Wachowski se payent le luxe d’interroger candidement les fondements de notre réalité, le tout dans une ambiance cuir et vinyle qui fleure bon l’adolescence mal vécue. Les deux suites (Matrix Reloaded et Matrix Revolutions) tournées dans la foulée, contribuent à installer la patte Wachowski : un cinéma pas forcément très malin mais toujours parsemé de scènes d’action dantesques et de gimmicks métaphysiques réjouissants.
Deux changements de sexe et quelques bides plus tard, les choses ont bien changé pour la fratrie comme dans l’industrie hollywoodienne bégayant désormais sans cesse les mêmes franchises. Alors que les Wachowski avaient longtemps refusé de donner une suite à leur trilogie, on apprend en plein crise sanitaire que Lana Wachowski tourne seule un nouveau volet avec les deux vedettes initiales : l’affable Keanu Reeves et la redoutable Carie-Ann Moss. [...]
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Votre film insiste beaucoup sur la manière dont la politique de l’Union européenne sape les traditions.
J’ai commencé mes recherches des années avant le tournage, en discutant avec les pêcheurs et en leur demandant ce qu’ils avaient en tête. Et il n’a pas fallu longtemps pour que je me rende compte à quel point les normes européennes avaient bouleversé leurs vies. Il faut savoir que beaucoup d’entre eux ont pratiqué ce métier toute leur vie, dans leur famille et ce depuis des générations. Et lorsque Malte a rejoint l’UE, les pêcheurs ont soudainement dû passer du monde de la mer à un monde de papier, à un monde de bureaucratie sans fin. Ç’a été une rupture radicale qui a donné lieu à de nombreux drames familiaux. Les pêcheurs doivent désormais documenter chaque poisson qu’ils attrapent, rejeter les poissons non conformes, même s’ils sont morts, et tout relater dans des journaux de bords extrêmement précis. Les lois sont parfois ubuesques. J’avais une vision innocente de la pêche avant de me lancer dans mes recherches, jusqu’à ce que je réalise que les réglementations, le changement climatique, le gouvernement, les autorités locales, mais aussi les forces du marché conspiraient ensemble pour changer la vie des pêcheurs. Et cela s’est produit en l’espace d’une demi-génération.
Quel est votre rapport à la culture maltaise ?
Mes parents ont émigré de Malte peu avant ma naissance aux États-Unis, mais nous avons gardé des liens étroits avec l’île, et nous y retournions souvent. Alors que je grandissais entre deux mondes, mon cœur et mon imagination revenaient toujours à Malte. J’ai toujours voulu raconter des histoires sur l’île, notamment parce qu’il n’y avait pas vraiment d’autres films maltais. Avec Luzzu j’ai simplement essayé de faire le genre de film que je voulais voir, une représentation cinématographique de Malte, en évitant les clichés touristiques et en restant au niveau de la rue, comme si vous étiez un citoyen vivant sur l’île. Je n’avais aucun lien avec la pêche, et d’ailleurs j’ai toujours été enclin au mal de mer, mais j’étais fasciné par le monde de la pêche traditionnelle, simplement à cause de ces magnifiques bateaux et de ces hommes qui ont une sorte de force surhumaine, presque mythologique. En tant que spectateur, cela me semblait riche visuellement et culturellement. Et puis, j’ai pu faire le lien avec mes parents, qui eux aussi en tant qu’immigrés ont dû choisir quelles parties de leur héritage ils devaient garder ou pas, or c’est exactement ce qui se passait avec cette génération de pêcheurs. [...]
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L’Incorrect numéro 73
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