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Michel Houellebecq vu par ses pairs
Sébastien Lapaque : Michel Houellebecq n’a pas besoin de le répéter avec Rimbaud pour qu’on l’entende murmurer : « Je est un autre ». Ce défi blasphématoire à la révélation du Buisson ardent – « Je suis qui je suis » (Ex, 3, 14) fonde la modernité poétique en disloquant la relation de la Parole […]
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Licorice Pizza : reservoir flop
Premier mystère de 2022 : un film informe ne racontant à peu près rien fait l’unanimité de la critique enamourée : Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson. En 1973, dans la banlieue de Los Angeles, un adolescent acteur de 15 ans, en léger surpoids mais baratineur et sûr de lui, Gary (Cooper Hoffman, formidable) rencontre une fille tartouille et sans qualité de deux fois son âge, Alana (la chanteuse Alana Haim, aussi quelconque que son rôle). Le beau déclare sa flamme à la belle, et il faudra 2h13 de projets entrepreneuriaux divers menés en commun avec d’autres gamins, pour que le couple se forme sur un baiser feu d’artifices. En bref, l’Autobus à l’impériale, cette vieille série anglaise pour enfants, revu par Ayn Rand avec promesse de puberté. Partant de ce mince argument, le film est rempli à ras bord de scènes interminables n’évoluant vers rien de discernable, et coupées souvent net. Le spectateur est condamné à subir ce qui ressemble à une longue suite de digressions qui feraient l’économie de toute résolution. S’y multiplient les allusions cryptées à la sous-culture US des seventies, censée nous captiver par essence. Le Rêve américain perd sa majuscule pour se confondre avec un rêve de romance peuplé d’adultes grotesques traités comme des figures carrolliennes dans une ambiance d’entertainment bâtard. Pour compliquer les choses, le film s’inspire de personnages réels, certains conservant leur propre nom (tel le coiffeur cocaïné compagnon de Barbara Streisand ou le politicien dans le placard). Nous pourrions faire nôtre une réplique d’Alana/Alice assommée au restaurant par la logorrhée de Sean Penn/le Lièvre de Mars et Tom Waits/le Chapelier fou : «  D’accord, mais vous parlez de quoi ? ». Bonne question. [...]
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Le Messager : conte cruel de la jeunesse

Joseph Losey est un cas à part : cinéaste américain pris pour un Britannique toute sa vie, communiste de la vieille école qu’on assimila souvent à un talon rouge, cet originaire du Wisconsin, élevé au grain, a pourtant fuit le Maccarthysme et trouvé en Angleterre son port d’attache. Plastiquement assez proche d’un Powell ou d’un Clayton, sa filmographie est émaillée de chefs-d’œuvre tous consacrés peu ou prou à un seul sujet : la lutte des classes. The Servant, joyau noir multi-commenté et adulé par de nombreux réalisateurs, est à ce titre la pierre d’angle de son œuvre. On peut voir Le Messager, chronique enfantine plus amère que douce, comme une sorte de variation sur ce thème. Avec en prime une réflexion sur la toxicité des rapports trop normés, ou comment l’aristocratie et la grande bourgeoisie se nourrissent des rêves et des pulsions des petites gens.

Lire aussi : Matrix méritait-il une mise à jour ?

Leo (Dominic Guard, qu’on verra adulte dans le sublime Pique-Nique à Hanging Rock de Peter Weir) est un garçon de 13 ans qui est invité par un camarade de classe à passer l’été chez ses parents. Ces derniers, richissimes, habitent un domaine magnifique situé dans le Norfolk, région côtière luxuriante qui s’étend sur la pointe septentrionale de l’Angleterre. Issu d’une classe moyenne, Leo aura faire au cœur d’un été brûlant passé à observer les mœurs complexes et étranges de cette famille d’un autre siècle. Un été brûlant dans tous les sens du terme, puisque le garçonnet servira bientôt de passeur de mots doux entre Marian, la délicate aînée de la famille (Julie Christie, tout en retenue et en ambiguïté) et le métayer du domaine, un fier agriculteur aux manières brusques et au regard sombre. Une relation évidemment tout à fait secrète et interdite : Marian est déjà promise à un riche héritier qui partage ses cigares et ses parties de cricket avec le patriarche. Le jeune garçon se voit bientôt affublé du surnom de « Mercure » par ses commanditaires et sera au centre d’un cuisant drame familial. [...]

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Anéantir de Houellebecq : d’amour et de mort
« Ils avaient spécialement merdé, se dit-il, ils avaient collectivement merdé quelque part. À quoi bon installer la 5G si l’on n’arrivait simplement plus à entrer en contact, et à accomplir les gestes essentiels, ceux qui permettent à l’espèce humaine de se reproduire, ceux qui permettent aussi, parfois, d’être heureux ? » Tout au long de ce volumineux roman transparaît en filigrane l’idée qu’il y a décidément quelque chose de pourri au royaume des Hommes. Que rien n’est plus fait pour les aider à s’aimer et se réunir, mais que l’amour peut, parfois, si deux personnes décident de créer leur île, triompher. Au moins un temps. Puisqu’à la fin, c’est la maladie et la mort qui l’emportent. [...]
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Michel Houellebecq : prophète de la fin

Michel Houellebecq jouit aujourd’hui d’un statut de supériorité indiscutable dans le paysage littéraire national, au point qu’on a oublié combien de polémiques, sur ses propos comme sur son style, ont d’abord jalonné une irrésistible ascension débutée il y a trente ans. Alors que sort Anéantir, son huitième roman, l’heure du bilan a sonné, et nous avons réuni pour cela quelques écrivains à nos yeux remarquables et également sensibles à leur époque. Michel Houellebecq est-il le plus grand de nos écrivains vivants ? Il est en tout cas « le contemporain capital », pour Christian Authier, critique et romancier qui prépare justement un livre sur l’auteur de Soumission (Houellebecq politique, à paraître en mars chez Flammarion).

Pour Matthieu Jung, auteur du Triomphe de Thomas Zins, l’un des plus grands romans des années 2010, Houellebecq est « un écrivain considérable », quand Alexis Jenni, prix Goncourt 2011, s’interroge : « Faut-il donc le réaffirmer si souvent ? Je suis perplexe, je me demande quelle position est défendue par cette affirmation répétitive : prophétisme ou déni ». Nicolas Mathieu, qui reçut également le prix suprême en 2018, botte en touche, estimant que « la question du grand écrivain relève désormais du folklore » et qu’il a perdu de la puissance dans ses derniers romans, ce que note aussi Pierre Jourde, romancier impeccable et observateur lucide et féroce du milieu littéraire depuis bientôt trente ans. [...]

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Matrix méritait-il une mise à jour ?

Il y a vingt-deux ans, un petit film de genre sur lequel personne n’avait misé un kopeck (à part quelques producteurs de chez Warner au nez creux) sort sur les écrans en catimini. Quelques semaines plus tard, c’est déjà un phénomène de société pour toute une génération biberonnée aux mangas et à l’esthétique cyberpunk. Le premier opus de Matrix, réalisé par deux quasi-inconnus, provoque la surprise générale en réinventant les codes du cinéma d’action. Formidable machine à rêver agrégeant toutes les facettes les plus séduisantes de la pop culture, Matrix constitue un petit miracle industriel qui force Hollywood à se repenser totalement. Entre film de sabre chinois, animation japonaise, science-fiction paranoïaque k-dickienne, culture geek et film noir, ce premier volet fonctionne à tous les régimes pour que les Wachowski se payent le luxe d’interroger candidement les fondements de notre réalité, le tout dans une ambiance cuir et vinyle qui fleure bon l’adolescence mal vécue. Les deux suites (Matrix Reloaded et Matrix Revolutions) tournées dans la foulée, contribuent à installer la patte Wachowski : un cinéma pas forcément très malin mais toujours parsemé de scènes d’action dantesques et de gimmicks métaphysiques réjouissants.

Deux changements de sexe et quelques bides plus tard, les choses ont bien changé pour la fratrie comme dans l’industrie hollywoodienne bégayant désormais sans cesse les mêmes franchises. Alors que les Wachowski avaient longtemps refusé de donner une suite à leur trilogie, on apprend en plein crise sanitaire que Lana Wachowski tourne seule un nouveau volet avec les deux vedettes initiales : l’affable Keanu Reeves et la redoutable Carie-Ann Moss. [...]

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Luzzu : une île parabolique
L’île de Malte et sa langue unique sont les derniers reliefs d’une des plus vieilles civilisations européennes, un port de pêche florissant pendant l’Antiquité où convergeaient les routes commerciales et où dialoguaient toutes les cultures : c’est désormais une région oubliée, un véritable angle mort en plein milieu du monde méditerranéen. Le réalisateur américain d’origine maltaise Alex Camilleri, venu du documentaire, a voulu réparer cette injustice et donner la parole à une des populations les plus précarisées de l’île, celle des pêcheurs traditionnels qui travaillent à bord de leur luzzus, embarcations légères qu’on se lègue de père en fils depuis des générations, peintes de couleurs vives et à qui on attribue volontiers une âme : celle d’une famille, celle d’un métier, celle d’une culture en voie de disparition. Comme leurs confrères du continent, les pêcheurs maltais sont désormais soumis à une législation draconienne de la part de l’Union Européenne, qui les condamne peu à peu à quitter leur métier. [...]
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Alex Camilleri : désordre de Malte

Votre film insiste beaucoup sur la manière dont la politique de l’Union européenne sape les traditions.

J’ai commencé mes recherches des années avant le tournage, en discutant avec les pêcheurs et en leur demandant ce qu’ils avaient en tête. Et il n’a pas fallu longtemps pour que je me rende compte à quel point les normes européennes avaient bouleversé leurs vies. Il faut savoir que beaucoup d’entre eux ont pratiqué ce métier toute leur vie, dans leur famille et ce depuis des générations. Et lorsque Malte a rejoint l’UE, les pêcheurs ont soudainement dû passer du monde de la mer à un monde de papier, à un monde de bureaucratie sans fin. Ç’a été une rupture radicale qui a donné lieu à de nombreux drames familiaux. Les pêcheurs doivent désormais documenter chaque poisson qu’ils attrapent, rejeter les poissons non conformes, même s’ils sont morts, et tout relater dans des journaux de bords extrêmement précis. Les lois sont parfois ubuesques. J’avais une vision innocente de la pêche avant de me lancer dans mes recherches, jusqu’à ce que je réalise que les réglementations, le changement climatique, le gouvernement, les autorités locales, mais aussi les forces du marché conspiraient ensemble pour changer la vie des pêcheurs. Et cela s’est produit en l’espace d’une demi-génération.

Quel est votre rapport à la culture maltaise ?

Mes parents ont émigré de Malte peu avant ma naissance aux États-Unis, mais nous avons gardé des liens étroits avec l’île, et nous y retournions souvent. Alors que je grandissais entre deux mondes, mon cœur et mon imagination revenaient toujours à Malte. J’ai toujours voulu raconter des histoires sur l’île, notamment parce qu’il n’y avait pas vraiment d’autres films maltais. Avec Luzzu j’ai simplement essayé de faire le genre de film que je voulais voir, une représentation cinématographique de Malte, en évitant les clichés touristiques et en restant au niveau de la rue, comme si vous étiez un citoyen vivant sur l’île. Je n’avais aucun lien avec la pêche, et d’ailleurs j’ai toujours été enclin au mal de mer, mais j’étais fasciné par le monde de la pêche traditionnelle, simplement à cause de ces magnifiques bateaux et de ces hommes qui ont une sorte de force surhumaine, presque mythologique. En tant que spectateur, cela me semblait riche visuellement et culturellement. Et puis, j’ai pu faire le lien avec mes parents, qui eux aussi en tant qu’immigrés ont dû choisir quelles parties de leur héritage ils devaient garder ou pas, or c’est exactement ce qui se passait avec cette génération de pêcheurs. [...]

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L’Incorrect numéro 73

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