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Langues régionales contre Marianne : deux siècles de combats

Face au grand éteignoir unificateur et massificateur de la Révolution française et de l'Empire, se dressent dès la Restauration et surtout sous la Monarchie de Juillet et le règne de Napoléon III des initiatives provenant de notables locaux. En réaction au jacobinisme et au centralisme, les premières sociétés savantes voient le jour dans les provinces : l'Association normande en 1832 à Caen, l'Association bretonne créée à Vannes en 1843, le Comité flamand de France en 1853 ou encore le Félibrige en 1854, dont le but est le rayonnement de la langue provençale, composante de ce que l'on nomme aujourd'hui l'occitan. Le romantisme s'éprend des idiomes ruraux comme le montre, par exemple, l'oeuvre du barde Auguste Brizeux (1803-1858), ami de Vigny et d'Hugo.

Rappelons que ces structures ne disposent pas encore d'un statut légal puisque les associations ne seront reconnues en France qu'en 1901. Au sein de ces groupes militants, on trouve des noms qui résonnent encore aujourd'hui de façon familière aux oreilles de ceux qui s'intéressent à la question des langues régionales : Edmond de Coussemaker (1805-1876) dans les Flandres, Théodore Hersart de La Villemarqué (1815-1895) en Bretagne ou encore Frédéric Mistral (1830-1914) en Provence et le chanoine Joseph Roux (1834-1905) en Limousin. Les deux premiers seront membres de l'Institut, le troisième prix Nobel de littérature.

Les félibres à l’offensive

Ce combat pour les langues régionales prendra un tour plus politique en 1892 avec la Déclaration des félibres fédéralistes de Charles Maurras (1868-1952) et Frédéric Amouretti (1863-1903). Ce texte bilingue d'inspiration proudhonienne bouscule les radicaux-socialistes d'Occitanie dont l'intérêt pour le parler local n'est qu'une démarche folklorique. Les pétitionnaires réclament la création d'assemblées régionales à Bordeaux, Toulouse, Montpellier et Aix-Marseille. Ils demandent le retour immédiat aux antiques libertés communales et la fin de la tutelle préfectorale pour ces collectivités. Les principaux promoteurs de cette initiative se rallient d'ailleurs assez vite à l'idée monarchique en contribuant à l'essor de la jeune Action française, fondée en 1899. Charles Maurras sera lui-même l'un des majoraux du Félibrige à compter de 1941 et écrira de nombreux vers en provençal que l'on retrouve par exemple dans La Musique intérieure (Grasset, 1925). [...]

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Révélations : Pécresse et l’éolien, un business juteux

En 2007, le Grenelle de l'environnement décide l'installation d'éoliennes à terre et en mer. En 2010, le ministre Nathalie Kosciusko-Morizet lance un appel d'offres pour les éoliennes en mer avec pour objectif d'équiper cinq sites et de créer une nouvelle industrie en France. Le projet est ambitieux, NKM voit grand – elle est bien la seule – tout le monde s'oppose à son idée, même EDF qui par l'intermédiaire de son PDG Henri Proglio confirme à Éric Besson, ministre de l'Industrie et de l'énergie, qu'il n'y a pas besoin des éoliennes en mer. Le projet prend l'eau et patine jusqu'à 2011. Une belle année pour la famille Pécresse puisque Valérie est nommée ministre du Budget et Jérôme, son mari, promu président d'Alstom Renouvelables. Une double promotion qui déclenche une série de décisions étonnantes…

D’abord, EDF change d’avis. Henri Proglio se dit soudainement qu’il faut des éoliennes en mer, et pas qu’un peu : il va jusqu’à imaginer que leur puissance cumulée soit comparable à une grosse centrale nucléaire. Et l'idée qu'un concurrent puisse déployer une telle puissance en France représentant une menace trop importante pour EDF qui s'accroche à son rang de « leader mondial de la production d'énergie neutre en CO2 », quelques mois plus tard, Proglio retourne chez Besson pour lui demander de lui attribuer tous les champs, en lui déclarant qu'il s'allie à Alstom pour remporter les cinq sites. Une annonce surprenante…

Lire aussi : Enquête : éolien, la face sombre des pales

Alstom et l'éolien, c'est une histoire d'amour récente. En 2007, le groupe avait certes décidé d'entrer sur le marché de l'éolien en rachetant un fabricant espagnol spécialiste des engins terrestres. Mais on parle en l'occurrence d'éoliennes offshore, que ne sait pas produire Alstom. Le seul industriel français expérimenté est Areva, grâce au rachat d'un turbinier allemand. Certes, Proglio et la patronne d'Areva se détestent, mais tout de même. Il faut une bonne raison pour cette volte-face et cette alliance inattendue, d'autant plus qu'Alstom n'a même pas de turbine adaptée à la mer, mais uniquement un concept, l'Haliade. Et il faut des dizaines de millions pour développer une nouvelle turbine que ni Alstom ni EDF n'ont l'intention de financer. À moins que Jérôme Pécresse, patron d'Alstom, dispose d'une alliée qui a la clef du coffre-fort de l'État. Comme par magie, tous les obstacles s'évanouissent devant Alstom les uns après les autres.

Pour commencer il faut que quelqu'un s'engage à financer une série d'éoliennes, pour permettre à l'industriel d'ouvrir une usine et de baisser ses coûts. Le ministère du Budget se met à soutenir les efforts de Nathalie Kosciusko-Morizet. L'appel d'offres serait de 10 milliards, dont près de 70 % pour les industriels. Les réunions interministérielles s'enchaînent. Pendant des mois, les représentants du cabinet de Valérie Pécresse soutiennent le principe d'un investissement massif dans l'éolien en mer. Aucun problème. À l'inverse, les autres ministères freinent des quatre fers. Et ils ont de bonnes raisons. [...]

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Euro de football : le pressoir islamo-libertaire

L’Euro de football 2020, qui s’est conclu le 11 juillet 2021 (crise sanitaire oblige), aura été la grande vitrine du lobby LGBTQIA+. Durant toute la compétition, les signaux publicitaires n’auront cessé de clignoter en sa faveur, principalement ceux émanant d’un géant de l’industrie automobile allemande, sponsor de l’événement. Un spectacle « arc-en-ciel » parfaitement réalisé par les joueurs, puisque les couleurs ont même été arborées à travers le port du brassard de capitaine par l’Anglais Harry Kane à l’occasion du huitième de finale contre l’Allemagne, le 29 juin. Puis, à l’instar du footballeur français Antoine Griezmann, beaucoup de champions n’hésitent plus à se déclarer militants contre les « discriminations » que subiraient massivement les homosexuels et autres minorités tant genrées que racisées. En Occident, d’abord ? Pire encore, les deux nations qualifiées pour la finale, l’Angleterre et l’Italie, ont mis un genou à terre avant le coup d’envoi, selon la coutume requise par le mouvement « Black Lives Matter ». En somme, une immense vague sociétale et multi-culturelle, puisque la pelouse d’un stade est nécessairement un terrain de jeu privilégié pour le supposé progressisme.

Lire aussi : Orban contre la déferlante progressiste

Sur cette toile de fond, la présidente de l’exécutif européen, Ursula Von der Leyen, est passée à la menace contre la loi accusée d’être « anti-LGBT », loi que Viktor Orban, le Premier ministre de Hongrie, a fait adopter par son parlement le 15 juin et fait entrer en vigueur le 8 juillet. « Si la Hongrie ne corrige pas le tir, la Commission fera usage des pouvoirs qui lui sont conférés en sa qualité de gardienne de traités », a-t-elle annoncé. Pourtant, Orban s’était justifié en déclarant à plusieurs reprises : « La loi ne porte pas sur les homosexuels. Elle concerne la façon dont les parents veulent faire l’éducation sexuelle de leurs enfants ». Notons, d’ailleurs, que l'UEFA était tombée dans un imbroglio communicationnel pour avoir empêché la « communauté LGBT » de répandre ses couleurs à Munich et notamment sur le stade, dans le contexte du match Allemagne-Hongrie du 23 juin, pour « dénoncer » cette loi d’Orban. [...]

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Langues régionales : les derniers Alsaciens

Je fais partie des rares Strasbourgeois ayant eu des grands-parents et des parents parlant majoritairement alsacien sans que cela pose le moindre problème à l’école. Dans l’après-guerre, parler alsacien était fort mal vu : « Il est chic de parler français » était le mot d’ordre. Pour nous, dans les années 1980, c’était théâtre alsacien une fois l’an pour un conte de Noël et passage obligé au cabaret de La Choucrouterie – voilà pour la partie culturelle. Qui était aussi alimentée au collège par le cours de « langue et culture régionale », seul moyen pour un jeune Strasbourgeois d’avoir une vision historique et sensible de sa région. Par chance, une partie de la famille résidait dans la campagne : là, changement radical, quasiment tout le monde parlait l’alsacien, du plus jeune au plus âgé. La campagne dans ces années-là c’était encore le café du village, où les vieux tapaient le carton en buvant un demi ou du vin blanc et les maisons où l’on ne chauffait que la « Stub », la pièce centrale, pendant qu’on était frigorifié dans les chambres et les couloirs.

La campagne dans ces années-là c’était encore le café du village, où les vieux tapaient le carton en buvant un demi ou du vin blanc et les maisons où l’on ne chauffait que la « Stub », la pièce centrale

Les campagnes désormais sont urbanisées, les centres commerciaux pléthoriques et McDo et kebabs font la guerre aux restaurants à tartes flambées qui restent pourtant encore le rendez-vous incontournable du repas de famille le dimanche soir, alors que dans les plus gros bourgs et villes, ce sont les « winstubs », ces restaurants traditionnels qui font de la résistance. Ici, nappes à carreaux, verre à vin au long pied vert et « rutscherle », ces verres-gobelets qui ne sont pas que des objets folkloriques mais d’authentiques outils de résistance où l’on sert une choucroute garnie ou des jambonneaux braisés. Inutile de dire qu’à Strasbourg, l’alsacien devient fantomatique : le seul moment où l’on croise encore des locuteurs, c’est au marché, chez les plus âgés qui papotent entre eux et qui sont toujours fort étonnés que je puisse leur répondre. Les régionalistes ont beau râler, trop souvent ils ont fait de la défense de l’alsacien un acte d’anciens combattants, comme s’il fallait être vieux et râleur pour essayer de sauver l’identité régionale et la langue. Leur haine de la dissolution dans le Grand-Est, aussi légitime soit-elle masque aussi leur échec à maintenir vivante l’identité alsacienne, qui se noie dans un folklore plastifié. [...]

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Béatrice Brugère : « Il n’y a pas de rupture entre la police d’un côté et la justice de l’autre »

Pourquoi lancer ce think tank à quelques mois de la présidentielle ? Quel est le sens de cette démarche ?

Le lancement de ce think tank ne s’inscrit pas dans un quelconque agenda politique. Il s'agit d'une initiative de Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police-FO, qui souhaitait avec d’autres avoir une réflexion plus opérationnelle sur les sujets de sécurité et de justice, avec des acteurs ayant l’expérience du terrain, mais également du recul. D’où la composition de ce think tank avec, en plus de Linda Kebbab et moi-même : Frédéric Péchenard, élu LR et ancien directeur général de la police nationale ; Jean-Michel Fauvergue, patron du RAID et député LREM ; Richard Lizurey, ancien directeur de la gendarmerie nationale ; Bruno Pomart, ancien membre du Raid très actif auprès de la jeunesse par son association Raid Aventure ; Éric Delbecque, ancien Directeur délégué à la sûreté de Charlie Hebdo après l'attentat de 2015 (jusqu'en 2017) et membre du conseil scientifique du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques.

Ce cercle de réflexion se veut réellement transpartisan, décorrélé de toute échéance électorale, de tout enjeux politiciens. De mon côté, je n’ai pas d’appartenance politique. J’ai souhaité y participer car je trouvais intéressant qu’il y ait un apport sur la justice dans la réflexion sur la sécurité. Je trouvais intéressant de décloisonner cette réflexion. Il existe déjà des think tanks sur la sécurité intérieure, mais qui n’ont pas cette approche transversale tant au niveau des acteurs que de la réflexion.

Ma participation à ce think tank, est aussi un moyen de signaler qu’il n’y a pas de rupture entre d’un côté la police, et de l’autre la justice

Également, à la différence de think tanks déjà existants, le nôtre n’a pas vocation à atteindre un haut niveau de recherche, non pas que nous n’en ayons pas la capacité, mais simplement parce que nous voulons avoir une approche pratique, concrète et opérationnelle. Notre but est de trouver des solutions rapides pour améliorer la situation sur le terrain. En résumé, notre cercle de réflexion se veut transversal, pratique, opérationnel, transpartisan, et surtout pas « politisé » au mauvais sens du terme. [...]

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Violence dans la civilisation

À l'heure où s'écrivent ces lignes, 70 CRS sont attendus en renfort après une nouvelle nuit de violences dans le quartier La Gabelle à Fréjus… Un peu plus loin, à Cannes, ville du festival et du glamour, la presse locale annonce aussi une nouvelle nuit de violences, où des policiers ont été pris à partie, quartier de la Frayère. Dans le même temps, un major de police a été blessé aux Mureaux par des projectiles. À Poissy, c'est en plein après-midi que des agents de police ont été attaqués. À Élancourt, les projectiles incendiaires ont jailli depuis le toit d'un immeuble. 

Jusqu'où ces individus iront-ils ? Jusqu'à prendre d'assaut les commissariats ? Déjà vu ! Trappes, Sarcelles, Champigny-sur-Marne, les Ulis… On ne les compte plus. Jusqu'à assassiner un policier dans la rue ? Déjà vu ! Le 5 mai, Éric Masson est abattu à Avignon. Ce n'est bien évidemment pas le premier. Onze policiers et gendarmes ont perdu la vie en mission en 2020. Sept en 2019. Treize en 2018. Etc. Sans compter les agressions : plus de 85 par jour, uniquement pour la Police nationale. Jusqu'à les assassiner dans les commissariats ? Déjà vu ! Vendredi 23 avril. Rambouillet. Stéphanie Monfermé, égorgée. Elle n'est malheureusement pas la première. Besoin de rappeler l'attentat islamiste au sein de la Préfecture de Paris où trois policiers et un agent administratif ont été poignardés ?

L'immigration massive, originaire des pays périphériques [...] a introduit dans notre pays une variable nouvelle qui a rendu l'équation civilisationnelle insoluble : la présence d'un ennemi civilisationnel intérieur

À l’heure où s’écrivent ces lignes, nous nous interrogeons : si la police est attaquée, exécutée publiquement, si même les commissariats ne sont plus des lieux de sécurité, si la police a désormais besoin d'être protégée, alors qui reste-t-il pour protéger le citoyen français ? Edward N. Luttwak, le père de la géoéconomie, explique ainsi la mutation du concept de puissance à notre époque : « Dans les Balkans, le Golfe persique et les autres régions du globe où les différends territoriaux n'ont pas été réglés par l'histoire, des conflits mal éteints resurgissent épisodiquement. À l'intérieur de ces zones reculées, toujours susceptibles d'une explosion de violence, la puissance militaire reste un facteur déterminant […] Mais, au centre de gravité des relations internationales, là où les États-Unis, l'Europe, le Japon et les autres pays développés collaborent et se confrontent, ces vieilles méthodes n'ont plus leur place ». [...]

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Langues régionales : Bastille contre Babel

En France, la haine des langues régionales est née avec la République. Alors que l’Ancien régime, en dépit des tendances centralisatrices décrites par Tocqueville, continuait d’envisager le royaume sur un mode pluraliste, et acceptait par conséquent l’usage des dialectes traditionnels sur son territoire, la République à son berceau les considère comme des ennemis jurés qu’il faut éliminer d’urgence. Éliminer, non seulement parce que, comme l’écrit Barrère en 1794, « le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton », mais aussi et surtout, pour des raisons de principe : « Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous » (Barrère, Convention nationale, 27 janvier 1794). « La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel », la république ne le peut sans se renier elle-même. L’idée de langage coïncide avec celle du souverain, et de sa volonté générale.

Telle est l’idée que développe quelques mois plus tard, le 16 Prairial an II (4 juin 1794), le fameux abbé Grégoire dans son non moins célèbre rapport Sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française. Au plus fort de la Terreur, l’emploi du verbe « anéantir » paraît d’ailleurs pour le moins inquiétant, surtout pour désigner des patois que Grégoire qualifie d’ « idiomes féodaux », tout en suggérant « d’électriser les citoyens » afin d’accélérer leur disparition. « Nous n’avons plus de Provinces, et nous avons encore trente patois qui en rappellent les noms […] : le bas-breton, le normand, le picard, le rouchi ou wallon, le flamand, le champenois, le messin, le lorrain, le franc-comtois, le bourguignon, le bressan, le lyonnais, le dauphinois, l’auvergnat, le poitevin, le limousin, le provençal, le languedocien, le catalan, le béarnais, le basque, le rouerguat et le gascon », sans parler des « idiomes […] très dégénérés » (sic) que l’on parle en Corse, dans les Alpes-Maritimes et en Alsace.

Tout ceci doit donc disparaître, en vertu d’un raisonnement très simple à défaut d’être très convaincant : le patois est un vestige du passé féodal en même temps qu’un moyen de s’opposer au Progrès de la Raison

Tout ceci doit donc disparaître, en vertu d’un raisonnement très simple à défaut d’être très convaincant : le patois est un vestige du passé féodal en même temps qu’un moyen de s’opposer au Progrès de la Raison : c’est, insiste Grégoire, « un obstacle à la propagation des lumières » et « un vecteur du fanatisme » : le seul fait de les parler éloigne de la République. « Avec trente patois différents, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que pour la liberté, nous formons l’avant-garde des nations. Mais au moins, on peut uniformiser le langage d’une grande nation, de manière que tous les citoyens qui la composent puissent sans obstacle se communiquer leurs pensées. Cette entreprise […] est digne du peuple français, qui centralise toutes les branches de l’organisation sociale et qui doit être jaloux de consacrer au plus tôt, dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté ». Ainsi, conclut Grégoire, « pour fondre tous les citoyens dans la masse nationale, simplifier le mécanisme et faciliter le jeu de la machine politique, il faut identité de langage ». Et donc, anéantissement des patois. [...]

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Justice pour Théo

Théo est une nouvelle victime de la nocence commune, de cette incapacité barbare à ne pas nuire à autrui qui semble être devenue la règle comportementale de la majorité de nos contemporains. On peut tuer et être tué pour quelques euros, un regard mal interprété, un crop top trop ajusté, un propos trop enlevé ou un trajet en transports en commun mal pensé. Il faut veiller quotidiennement… non point à vivre mais à survivre, à éviter le pire. Quelques secondes à peine suffisent à irrémédiablement changer une destinée familiale, précipitant dans le chagrin et le désespoir ceux qui croyaient avoir la vie devant eux.

Lire aussi : Z, le feuilleton de l’été (2/2)

L’homme qui a tué Théo était un Sénégalais de 62 ans, vivant en France en « situation régulière » - son permis de séjour devant expirer le 20 juillet prochain. Connu des services de police, l’assassin de Théo était inscrit au traitement des antécédents judiciaires (TAJ, fichier de police judiciaire alimenté par la police et la gendarmerie) pour plusieurs affaires de violences et de vols commis entre 1993 et 2006. Avait-il adopté un comportement de parfait citoyen depuis ? Nul ne le sait, le TAJ n’indiquant que les faits antérieurs à l’année 2006, mais il est à peu près évident qu’une vie passée à « nuire » ne connaît que peu de pauses. Il a tué Théo et blessé très grièvement Dany, son collègue en contrat d’alternance.

Quand cette histoire est sortie dans les médias, certains commentateurs ont cru y voir un acte terroriste islamiste de plus. Comment les en blâmer ? Le terrorisme du quotidien est difficilement distinguable du terrorisme islamiste banalisé. Mêmes victimes et mêmes auteurs. Seules les motivations changent, pas le ressentiment ni la haine. Une chose est, en revanche, très différente, sinon dissemblable : le traitement médiatique. Le célèbre homonyme du petit Théo a eu droit à une visite du candidat Macron sur son lit d’hôpital en février 2017, il ne fait guère de doute que la famille de Théo n’aura droit qu’à des hommages sur Twitter.

Selon que vous serez issu des anciens dominants fantasmés ou des prétendus dominés, vous aurez le droit au statut peu enviable de victime invisibilisée, ou à celui de victime suscitant l’indignation générale

Personne ne posera le genou à terre pour rendre hommage au martyr de l’immigration de masse et de la déculturation générale. Au moins, son cas aura-t-il été connu de tous, contrairement à celui de Pierrick, du nom de ce jeune homme innocent massacré en défendant sa voisine poursuivie par la folie vengeresse de son ex-compagnon Abdelkader. « Ils ne t’ont pas donné la mort, non… Ils t’ont massacré, ont brûlé ton corps. Comment des êtres humains peuvent-ils être capables de ça ? Aujourd’hui, il nous est même impossible de te dire au revoir. Tu avais 23 ans et la vie devant toi… », a écrit sa mère Hélène le lendemain dans l’indifférence la plus générale.

Selon que vous serez issu des anciens dominants fantasmés ou des prétendus dominés, vous aurez le droit au statut peu enviable de victime invisibilisée, ou à celui de victime suscitant l’indignation générale. Pour les uns, les messages enflammés et solennels des célébrités. Pour les autres, les inaudibles récriminations des réseaux sociaux, sur lesquels leurs rares soutiens sont ridiculisés et accusés de « récupérer » les faits divers pour en tirer la substantifique moelle du cynisme. Nous entendrons encore longtemps les longs sanglots des violences monotones.

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