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Par ses propos censés la disculper, Agnès Buzyn pourrait voir sa responsabilité pénale engagée devant la Cour de justice de la République.
« On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade », a affirmé hier au Monde Agnès Buzyn, dépitée de n’avoir pas su convaincre les électeurs lors du premier tour des élections municipales à Paris. Aveu terrifiant, surtout quand elle affirme avoir anticipé que l’onde de choc du Coronavirus allait submerger l’Europe : « Je pense que j’ai vu la première ce qui se passait en Chine : le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Edouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein ».
Cherche-t-elle à se justifier a posteriori d’avoir été visionnaire en se défaussant sur le Président et le Premier ministre ? Dans ce cas, pourquoi n’avoir tenu aucune déclaration publique en ce sens ni tiré la sonnette d’alarme ? Il est facile de dire après coup qu’on avait vu juste mais dans ce cas, il fallait parler, convaincre et agir et ne pas se contenter de pleurs qui sont l’aveu manifeste d’une impuissance criminelle : « Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. Je suis partie en sachant que les élections n’auraient pas lieu ».
On peine encore à comprendre le mobile exacte qui a animé Agnès Buzyn en tenant de tels propos. Sait-elle qu’ils sont de nature à engager sa responsabilité pénale devant la Cour de justice de la République ? En effet, en 1999, l’ancien Premier ministre Laurent Fabius et les ex-Secrétaires d’État Georgina Dufoix et Edmond Hervé ont été traduits devant la Cour de justice de la République pour « homicide involontaire » dans l’affaire du sang contaminé. Alors que Dufoix et Fabius ont été acquittés, Edmond Hervé fut condamné pour « manquement à une obligation de sécurité ou de prudence », même s’il fut dispensé de peine.
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C’est exactement sur le même fondement qu’Agnès Buzyn pourrait être traduite devant la Cour de justice de la République. Car l’article 221–6 relatif à l’homicide involontaire dispose que « le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75.000 euros d’amende ». Quant à l’article 121-3 du code pénal auquel se rapporte l’article 221-6, il précise qu’« il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».
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Il est évident, à la lecture de cet article, que si le coronavirus a directement causé la mort des personnes contaminées, le code pénal incrimine aussi les personnes qui ont indirectement contribué à la propagation de l’épidémie par leur inaction, en ne prenant pas « les mesures permettant de l’éviter ». En cas de saisine de la Cour de justice de la République – ce que tout citoyen s’estimant lésé peut faire – il appartiendra à la commission des requêtes d’apprécier la recevabilité de la plainte puis au Procureur général près la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de la République aux fins d’instruction. Alors, les magistrats étudieront le contexte et la portée des propos tenus par Agnès Buzyn et détermineront s’il y a effectivement lieu de la renvoyer devant la Cour de justice de la République en formation de jugement. L’ex-ministre mettant en cause l’inaction du gouvernement, c’est également Édouard Philippe qui pourrait se retrouver mis en examen. « Se rend-elle compte qu’elle engage sa responsabilité pénale et celle des autres personnes qu’elle dit avoir prévenues ? » a affirmé hier à juste titre Jean-Luc Mélenchon.
Agnès Buzyn a peut-être voulu agir par vengeance contre ses anciens collègues du gouvernement mais ses propos se retourneront avant tout contre elle à qui il sera reproché une inaction coupable sur le plan juridique, doublée d’une désertion de poste puis d’un cynisme politique qui voit une candidate prendre au pied levé la tête d’une campagne dont elle saurait ne pas voir l’aboutissement. C’est tout cela qui, une fois le confinement levé, méritera les éclaircissements qui s’imposent.
Benoît Dumoulin
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