[vc_row css=”.vc_custom_1578928732957{margin-right: 25px !important;margin-left: 25px !important;}”][vc_column][vc_column_text]
Le 11 janvier, en tout début de soirée, le prince Sharif Ali Ben Al-Hussein, descendant du roi Faysal Ier a mis en ligne une courte vidéo sur les réseaux sociaux, se déclarant prêt « à exaucer le souhait de la rue » et à restaurer l’unité d’un pays balkanisé depuis la chute du président Saddam Hussein, en 2003. Mais dans un Irak à majorité shiite, quelles sont les réelles chances pour ce sunnite d‘être élu à la tête du gouvernement ?
Le 14 juillet 1958, Radio Bagdad joue la Marseillaise en continu. Le jeune roi Fayçal II, croqué enfant par le dessinateur Hergé pour son personnage d’« Abdallah », est traîné hors de son palais avec quelques membres de la maison royale. Alignés devant le mur de sa résidence, ils sont promptement abattus par les révolutionnaires qui mettent fin à presque quatre décennies de monarchie imposées par les Britanniques. L’Irak a été créée de toutes pièces par le Foreign Office après la Première Guerre mondiale. Sur le conseil de Lawrence d’Arabie, il a été décidé de confier la gestion de ce territoire mésopotamien à l’ancien émir de Damas, éphémère monarque de Syrie chassé par les Français. Vaste réserve de pétrole, la tutelle irakienne est depuis 2003 exercée par Washington, sans grand succès. Depuis le mois d’octobre, le pays s’enfonce dans une violente crise politique qui a fait plus de 500 morts et 17000 blessés, contraignant le premier ministre Adel Abdel Mahdi à remettre sa démission. Haute autorité shiite du pays, l’ayatollah Al-Sistani a pris fait et cause pour les manifestants qui, sur la place Tahrir, ont réclamé l’arrivée au pouvoir d’un homme de consensus.
La situation est devenue si anarchique que le royaume frontalier de Jordanie (dont la famille royale est cousine avec celle du prince Sharif) a menacé d’intervenir militairement. Depuis le renversement de Saddam Hussein le pouvoir politique est partagé entre les Kurdes qui se sont réservés le poste honorifique de président et les shiites, le poste exécutif de premier ministre. C’est l’Alliance irakienne unifiée (AIU) qui dirige le pays depuis deux ans. Dans ce contexte, le prince a joué les médiateurs entre Bagdad et Téhéran comme en 2009 où il a publiquement remercié l’Iran pour « ses efforts consacrés à rétablir la paix dans son pays ». « J’ai le grand honneur de m’engager auprès du peuple irakien et de tous les jeunes révolutionnaires afin de répondre aux exigences qui s’imposent désormais, et je ne m’épargnerai aucun effort pour mettre en œuvre une politique afin de ramener la stabilité dans notre patrie et de la sauver du chaos » tente de convaincre le prince Sharif Ali Ben Al- Hussein dans son allocution du 11 janvier.
Lire aussi : Quitter Barkhane
Inconnu du grand public européen, il a été pourtant l’un des acteurs de l’opposition irakienne pendant la dictature de Saddam. Sa famille s’est exilée en Grande-Bretagne après un passage en Arabie Saoudite. Revenu en 2003, dans les fourgons de l’armée américaine, le prince a tenté en vain de se faire élire comme député entre 2005 et 2014. Son nom a ensuite été cité en 2016 comme potentiel ministre des Affaires étrangères ou encore comme candandidat au poste honorifique de Président de la République en 2018. L’ancien banquier est aujourd’hui à la tête du mouvement monarchiste constitutionnaliste irakien (ICM) et s’est lié d’amitié avec l’ancien premier ministre Nouri Al Maliki. Il a aussi reçu le soutien de la tribu Bani Hassan, extrêmement influente et dont les ramifications s’étendent bien au-delà de l’Irak.
Les pétromonarchies du Golfe verraient d’un bon œil une restauration monarchique à leurs frontières.
Il y a peu, il a reçu dans sa résidence, située dans la zone verte de la capitale, les ambassadeurs de l’Arabie Saoudite et de la Libye avant de rencontrer le président irakien. Il a également reçu des hommes d’affaires américains proches du parti Républicain. Les pétromonarchies du Golfe verraient d’un bon œil une restauration monarchique à leurs frontières. Mais le prince Sharif, qui a tissé sa toile patiemment, entend désormais être cet arbitre impartial qui empêchera l’éclatement entre le séparatisme kurde, la résurgence des mouvements djihadistes et l’influence iranienne. Un tremplin pour prendre ensuite la tête de l’Etat ?
Lire aussi : L’Amérique frappe en Irak et prend le risque d’une guerre avec l’Iran
En 2014, cette solution était déjà avancée par les anciens ministres du Commerce et des Finances. Sharif Ali Ben Al-Hussein n’a d’ailleurs jamais caché sa volonté de restaurer la monarchie : « Le retour de la monarchie peut se présenter comme le remède idéal aux maux de l’Irak […]. Je suis convaincu que seule une monarchie constitutionnelle pourra assurer la diversité des partis politiques et éviter que l’un d’entre eux cherche à dominer les autres» assurait-il au Figaro en 2004.
Dans l’Irak chiite où le choix de l’Iran est primordial, le candidat des pays sunnites conserve peu de chances d’être adoubé par le Parlement.
Alors que les manifestants continuent de réclamer le départ du pouvoir de tous les partis politiques, le président kurde Barham Saleh a refusé de nommer au poste de Premier ministre le candidat désigné par l’AIU, Asaad al-Aidani. L’homme est jugé trop proche de l’Iran par le président qui a lui-même menacé de démissionner si la coalition tentait de lui imposer le gouverneur de Bassora. « Ma principale préoccupation sera de redonner au peuple irakien la liberté de choisir librement qui le gouverne » tente de rassurer le prince Sharif Ali Ben Al-Hussein. Mais dans l’Irak chiite où le choix de l’Iran est primordial, le candidat des pays sunnites conserve peu de chances d’être adoubé par le Parlement.
Frédéric de Natal
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]