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La dernière oeuvre du grand David Fincher, série produite par Netflix, plonge le spectateur dans la tête des sociopathes « tueurs en série » qui ont ensanglanté les quatre dernières décennies. Une descente aux abysses.
L’agent spécial du FBI John Edward Douglas est le père du « profilage », pilier des études contemporaines en sciences criminelles. Ce Sherlock Holmes des temps modernes a révolutionné les techniques d’enquête sur les crimes violents, interrogeant compulsivement les pires sociopathes des pénitenciers américains, dont les motivations restaient alors insondables. Au côté de l’agent Robert Ressler, Douglas a regardé le mal en face, pour expliquer l’inexplicable au sein de la Behavioral Analysis Unit de Quantico, division du FBI dévouée à ce profilage des suspects et des criminels.
Pourquoi Charles Manson a-t-il commis tant de meurtres, entraînant une cohorte de jeunes hippies dans sa cavale meurtrière ? C’est parce que les raisonnements habituellement utilisés par le FBI échouaient à déterminer un mobile rationnel que Douglas s’est lancé dans ce travail. Selon lui, l’esprit malade de Charles Manson ne fonctionne pas comme le nôtre, ni exactement comme celui d’un criminel classique. Avec Ressler, aidés par des universitaires spécialisés dans les sciences comportementales et des psychologues, il ont donc entrepris de comprendre. Tous deux en ressortiront profondément affectés.
Afin de se détacher de l’ombre pesante de Douglas et Ressler qui ont inspiré tant de personnages de fictions, David Fincher les a renommés pour les besoins de Mindhunter, sa dernière création pour Netflix. Le réalisateur fait dans ce sujet la synthèse de ses obsessions : l’histoire récente de l’Amérique et le mal qui peut pousser l’homme à tuer. Tenant de Social Network pour sa description clinique de l’aventure professionnelle d’un obsessionnel génial confronté aux réticences de son entourage, dévoré par une tâche qui le dépasse, Mindhunter s’attarde aussi longuement sur la figure du croquemitaine américain des quatre décennies écoulées qu’est le « tueur en série », sujet déjà abordé par David Fincher dans Seven, Zodiac ou l’adaptation du roman suédois Millenium.
Plus encore, la série décrit à merveille les années 1970 finissantes, ses facultés dominées par la contre-culture et la French Theory qui, loin d’effrayer nos plus conventionnels agents du FBI, leur permettront d’affiner leur appréhension des criminels. Holden Ford (John Edward Douglas) et Bill Tench (Robert Ressler) vont nourrir leur réflexion avec la psychanalyse, la sociologie et les approches postmodernes de leur temps, sans tomber dans une fascination coupable, sans s’y abandonner, sans verser dans la culture de l’excuse ou le mythe du « tout acquis ». Au juste, la scène où l’agent Ford rencontre un professeur beatnik de psychologie criminelle, refusant de collaborer avec le FBI par principe, témoigne des difficultés prodigieuses qu’ont dû affronter ces pionniers.
Les premiers épisodes passionnent d’ailleurs parce qu’ils montrent la quête d’un homme, ses tâtonnements et ses échecs. Ainsi, au cours d’une des formations qu’il prodigue à une police locale, le jeune Holden Ford, influencé par des conversations avec sa petite amie, se laisse déborder par l’idée que les crimes pourraient toujours s’expliquer par un contexte de vie, des abus ou sévices reçus durant l’enfance, citant le cas de Charles Manson devant un parterre d’enquêteurs traumatisés, probablement plus frustes que lui, agacés par ce qu’ils pensent être des justifications ou la plaidoirie de l’avocat du diable.
La triade MacDonald
Holden Ford comprend vite qu’il ne pourra pas répondre à cet éternel débat. Il n’y a pas un processus unique menant à une vie de crimes, mais des chemins multiples, des prédispositions innées qui se confirmeront, ou pas, au cours d’une existence, ce que Mindhunter dévoile avec une grande finesse.
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Du terrifiant Ed Kemper au « crossdresser » Jerry Brudos, Ford et Ressler découvrent une catégorie d’êtres humains tuant pour le plaisir, aux motivations et aux profils bien distincts. La réalisation, sobre et efficace, nous fait parfaitement ressentir la détresse des deux agents, perdus dans les méandres de psychés insondables, égarés par les fausses pistes tendues par ces ogres, ces démons à l’apparence d’honnêtes citoyens, ivres du pouvoir de vie et de mort qu’ils s’arrogent sur leurs semblables. Le prolixe Kemper, intelligent et courtois, sera notamment à l’origine de clichés toujours prégnants sur les tueurs en série, constamment dépeints comme des hommes blancs, frustrés sexuellement, tueurs de femmes, manipulateurs et dotés de QI supérieurs à la moyenne.
Avec le recul, nous savons désormais que ces profils criminels sont présents sur tous les continents, qu’ils s’attaquent aussi à des hommes, particulièrement dans le milieu homosexuel (John Gacy, Jeffrey Dahmer ou l’adjudant Chanal en France) et qu’ils ne sont pas plus intelligents que la moyenne. Les seuls traits communs que ces hommes partagent vraiment sont compris dans la « triade MacDonald », laissant apparaître que la majorité des psychopathes ont fait preuve, dès l’enfance, de cruauté envers les animaux, de pyromanie, d’énurésies nocturnes persistant après l’âge de cinq ans et de comportements violents répétés, ce que les recherches du FBI achèveront de prouver.
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Mindhunter vous entraîne aux enfers. À l’image de Ford, Ressler et leurs camarades, le spectateur est saisi d’effroi, interrogé et tenu en haleine jusqu’à la dernière minute. Avec cette série de grande qualité, Netflix propose un divertissement intelligent, présentant plusieurs niveaux de lecture, poursuivant l’exploration des marges qui est devenu la marque de fabrique de ce média (de Narcos à la série italienne Suburra sur le Milieu romain, en passant par la récente adaptation du terrible roman Captive de Margaret Atwood). La saison 2 s’attardera manifestement sur le cas du tueur BTK (Bind, Torture, Kill), père de famille sans histoire recherché pendant plus de 20 ans par la police fédérale.
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