L'invasion de l'Ukraine par la Russie vient mettre un terme à la campagne présidentielle française. Avait-elle vraiment commencé en réalité ? Si on énumère les événements qui ont balisé depuis quelques mois la course à la présidentielle, nous sommes vite réduits à l'anecdote : l'entrée en lice d'Eric Zemmour, la victoire à la primaire de droite de Valérie Pécresse grâce au vote du chien Clovis et, pour finir, l'entrée en lice de Christiane Taubira, non-événement par excellence. La seule chose qui n'ait pas eu lieu, c'est l'entrée en campagne d'Emmanuel Macron, qui peut être assuré de sa réélection, non pas tant à cause de la crise ukrainienne qu'en raison de la nullité de ces adversaires, toutes tendances confondues, depuis des mois. Le soufflé Pécresse est vite retombé et le naufrage de l'ex- « gauche plurielle » fait penser à ces films d'horreur de série Z dont les protagonistes prennent la décision de faire des groupes de un pour tomber plus sûrement sous les coups du tueur psychopathe.
Mais il est plus frappant encore de voir à quel point la droite dite « nationale » a été si convaincue de voir son triomphe sortir de l'effondrement de ses vieux adversaires qu'elle n'a même pas pris soin de raffiner un peu son logiciel politique, persuadée de façon autiste que ses idées avaient « conquis le pays », mais en réalité incapable de prendre la réelle mesure du retour de l'histoire en Europe. C'est que la conception de l'histoire défendue par cette droite-là relève tout autant du fantasme et de l'idéologisation des faits qu'elle dénonce chez ses adversaires politiques. Les paroles prononcées par le candidat Zemmour en déplacement pour un meeting à Chambéry le 25 février, au lendemain de l'invasion ukrainienne, en sont l'exemple flagrant.
Comme Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, Zemmour s'est planté sur la crise ukrainienne. L'erreur, toutefois, n'est pas impardonnable, c'est l'orgueil qui est un péché mortel
Après avoir consacré de longues semaines à présenter la Russie comme une victime de l'expansion d'une Alliance atlantique faiseuse de guerre, la position d'Eric Zemmour - comme celle de Marine Le Pen, ou de Jean-Luc Mélenchon par ailleurs - est aujourd'hui difficile à assumer. Encore Mélenchon a-t-il pour lui le solide héritage de la dialectique marxiste qui lui permet toujours de justifier ses volte-faces. Mais Zemmour, candidat de la « lucidité », du « réalisme » ou du « pragmatisme », ne peut s'autoriser à faire table rase des déclarations passées. Il lui faudrait au contraire assumer ses erreurs pour aller de l'avant et s'adapter à la situation nouvelle, c'est, après tout, l'une des premières qualités que l'on exige d'un homme politique et d'un chef d'Etat. Or, toute la rhétorique zemmourienne, dans le rapport qu'il prétend entretenir à l'histoire et à ce qu'il nomme « le réel », repose une forme de culture du déni et du refus de l'erreur qui n'a finalement pas grand-chose à envier à la dialectique mélenchonienne. [...]
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