« Dites-moi, mon cher E., si l’exactitude est la politesse des rois, on ne peut pas dire qu’elle soit celle des royalistes ! »
Toute rose de fierté d’être l’auteur de ce qu’elle prenait pour un bon mot, Chantal de S. avala une petite gorgée de Spritz avant de poursuivre l’estocade ; dans le salon, le brouhaha des conversations s’était calmé, les invités étant curieux de savoir comment la passe d’armes allait s’engager.
– Vous savez évidemment de quoi je parle : je vous ai envoyé un mail hier matin, et ce soir, en partant pour venir ici, je n’avais toujours pas de réponse. On ne vous a pas appris que quand quelqu’un vous contactait, vous deviez lui répondre sur-le-champ, comme tout le monde le fait, ou du moins, comme le font tous les gens bien élevés ? Zo’, assise à côté du fauteuil club où E. avait ses ha- bitudes, constata en souriant qu’il ne perdait pas son calme, comme un combattant qui se concentre avant l’assaut.
– Du coup, poursuivit Chantal, je suis allé regarder dans le manuel de politesse que j’ai hérité de ma
grand-mère, La Civilité non puérile, mais honnête, de Madame Emmeline Raymond, qui précise, je cite, je l’ai pris en note exprès pour vous, hum, « l’exactitude n’est pas seu- lement la politesse des rois, mais bien celle de tout le monde»; elle est, je cite toujours, « un devoir auquel on ne peut manquer, car l’inexactitude est inexcusable, quelque excuse que l’on puisse alléguer ; être inexact, c’est pré- férer franchement, soi, et ses caprices, à tous les devoirs que l’on doit remplir vis-à-vis des autres ; l’être inexact est à la fois être égoïste, vaniteux et mal élevé ».[...]
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