L’avertissement qui ouvre le deuxième carnet sonne comme un frontispice de catacombes: « Méfie-toi, lecteur qui t’aventurerais dans ces pages: ce sont ici mes mensonges ». Une manière, d’emblée, de congédier toute réalité qui sous-tendrait l’exercice autobiographique pour lui préférer une vérité pure, celle de la forme romanesque. Le Long de la vie, cette compilation de neuf carnets où Paul Gadenne explore ses sentiments, note ses impressions et relate une existence en pointillés, tirée entre discrètes extases et pesante solitude, peut se voir comme une exploration des possibilités du roman.
COLLECTIONNEUR DE SENTIMENTS
Paul Gadenne (1907-1956) fait partie de ces écrivains que l’histoire de la littérature hexagonale a fortuitement oubliés. Adulé seulement par quelques connaisseurs, il est régulièrement sauvé de l’amnésie collective. Pourtant, contrairement à d’autres grands effacés comme Jean-Pierre Martinet ou Guy Dupré, Gadenne n’est ni un styliste ni un écorché. Du moins en apparence. Cet originaire du Nord, passé par le lycée Louis le Grand où il fréquente Brasillach et Bardèche, a eu l’existence discrète d’un agrégé de lettres, employé d’abord comme précepteur pour de riches familles bourgeoises puis professeur en Normandie avant d’être terrassé précocement par la tuberculose.
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