D’après l’Observatoire du Patrimoine religieux, cité par le rapport du Sénat du 6 juillet, jusqu’à 5 000 églises pourraient être abandonnées ou détruites d’ici 2030. Cette crise patrimoniale touche tout notre territoire, particulièrement les zones rurales. Illustration récente : l’église Saint-Martin à Nuzéjouls fermée au public et aux fidèles pour cause de risques d’effondrement. Les raisons de cette catastrophe sont nombreuses et profondes.
Une cause spirituelle tout d’abord, la sécularisation. Plus une église est fréquentée, plus elle est entretenue et plus vite on peut détecter les signes de fragilité. Or il y a de moins en moins de prêtres, de croyants, et la fréquentation des églises est trop faible. Alors que nous possédons le deuxième patrimoine religieux le plus important d’Europe après l’Italie, nous sommes le deuxième pays le moins pratiquant d’Europe après le Danemark. Une cause identitaire ensuite, le déracinement, qui s’exprime par le biais de l’exode rural, de l’immigration de masse, de l’américanisation et de l’individualisme.
La fusion des communes entraîne l’abandon des bâtiments qui se retrouvent éloignés du nouveau cœur urbain. Les petites villes sont particulièrement touchées, elles n’ont ni les moyens des grandes, ni l’enracinement populaire des villages
Une cause institutionnelle sur laquelle vous pouvez agir ! La fusion des communes entraîne l’abandon des bâtiments qui se retrouvent éloignés du nouveau cœur urbain. Les petites villes sont particulièrement touchées, elles n’ont ni les moyens des grandes, ni l’enracinement populaire des villages. D’après l’Observatoire du Patrimoine religieux, la France aurait sur son territoire environ 100 000 édifices religieux, en large majorité catholiques, or seuls 15 000 sont protégés au titre des monuments historiques. La base Mérimée compte plus de 8 000 autres monuments qui présentent un intérêt patrimonial qui ne sont pas protégés. Il est plus que probable que ce chiffre soit largement sous-estimé. Cependant il n’existe pas de données officielles car aussi absurde que cela puisse paraître, nous ne connaissons pas le nombre exact d’églises que nous avons sur notre territoire, le dernier inventaire largement incomplet, et qui devait être renouvelé et complété, ayant été réalisé dans les années 80.
Une cause économique enfin. Depuis 1908, l’ensemble des églises paroissiales construites avant 1905 (y compris celles reconstruites après les guerres mondiales) appartiennent aux communes. Or ces communes, parfois des villages, ne disposent pas des moyens nécessaires pour assurer leur entretien régulier, particulièrement si leurs églises ne sont pas protégées au titre des monuments historiques, auquel cas l’État ne leur donne aucune subvention spécifique. D’autant que les communes n’ont aucune obligation d’entretien des églises non protégées, tant que cela ne pose pas un risque de sécurité vis-à-vis des fidèles. Les régions et départements peuvent aider les communes, mais le régime dépend de chaque collectivité et la mairie doit fournir 20% du montant total des travaux (L-1111-10 du CGCT). Souvent les communes doivent appeler à l’aide les associations. Le tour de table des acteurs n’est pas aisé pour les maires peu à l’aise avec ces questions.
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« Quelle pensée solide et complète elle dresse devant nous, cette vieille bâtisse construite pour être battue des vents et pour exprimer dans ses jeux d’ombre et de lumière les aspirations les plus délicates, toutes les pulsations de l’âme. Elle est chargée des pensées de tous, de tous dans leur plus haut moment. Bien mieux que des notions, nous en recevons du ton, plus d’énergie, de force, d’éclat, une âme plus tendue, mieux capable de pensées graves. Il semble qu’à cette minute nous prenions connaissance des trésors enfouis dans notre mémoire et que nous portions jusqu’aux racines de notre vie spirituelle. Et je ne vous parle pas de religion. Mais le riche passé nous enveloppe et nous met dans les meilleures dispositions morales. Ce que nous ressentons, ce n’est pas une vague ivresse sans cause, c’est la joie de vivre avec une collectivité et d’associer à l’humilité d’une vie humaine la vaste expérience des siècles ». Ces mots de Maurice Barrès, décrivant sa rencontre avec une église, résument tout de l’importance du combat de préservation que je défends devant vous.
La France n’est pas née en 1905. La France n’est pas laïque, c’est la République, actuelle, qui l’est. La France a connu, et s’est construite avec, 1500 ans de chrétienté. Le catholicisme est au fondement de notre identité culturelle, spirituelle, morale et artistique. Cette identité catholique a un versant immatériel mais aussi une existence toute matérielle.
Ces milliers d’églises sont porteuses à la fois de notre identité commune de Français, mais aussi de toute la merveilleuse diversité de notre pays
Les églises en sont le marqueur le plus évident par leur présence fine sur tout notre territoire. Ces milliers d’églises sont porteuses à la fois de notre identité commune de Français, mais aussi de toute la merveilleuse diversité de notre pays grâce aux trésors variés que sont les églises romanes d’Auvergne, les églises fortifiées de Thiérache, les églises-halles du Nord ou les enclos bretons… Sept villes en France portent le surnom de « ville aux cent clochers » (Reims, Rouen, Arras, Dijon, Caen, Troyes et Poitiers), le nom de rue le plus donné en France est « rue de l’église ». Les églises, au cœur des villages, y étaient souvent implantées bien avant les mairies. Car l’esprit existait avant l’État. Les Français aiment leurs églises, parce qu’elles leur rappellent qui ils sont. Ce sont des lieux d’éducation spirituelle à la grandeur d’âme, des lieux où souffle encore un peu l’esprit de nos aïeux, des lieux qui offrent un peu de beau à la fenêtre de chacun. Elles sont des espaces de rencontre, de partage et d’échange. Toutes sont importantes, car chaque village connaît et aime mieux son église qu’une plus belle qu’il ignore.
Chers députés, vous êtes les représentants d’un peuple, le peuple français. Ce peuple ne veut pas renoncer à son existence, à sa vie, à son Histoire et à son esprit. Sauver les églises est nécessaire et bien heureusement possible !
Chez Force Solidaire, nous proposons de nombreuses mesures pour garantir leur entretien : classer ou inscrire l’intégralité des églises de France construites avant 1905 au titre des monuments historiques, ou créer un nouveau régime de protection commun ; garder aux maires la maîtrise d’ouvrage des travaux mais donner aux départements la charge de leurs financements ; imposer aux CAUE la mission de surveillance de l’état des églises ; favoriser certains usages partagés en accord avec la vocation spirituelle de l’église…
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Que ces propositions soient suivies ou que d’autres soient imaginées, elles sont, aujourd’hui, impossibles à mettre en place. Pour une seule et unique raison déjà évoquée. Nous ne disposons pas d’un inventaire fiable et complet de nos églises. Préalable nécessaire à toute mise en œuvre de politiques de protection.
C’est pourquoi, députés patriotes, je vous adresse aujourd’hui une demande. Posez la question suivante au gouvernement, au cours d’une séance publique : « Quand allez-vous mener un inventaire national et complet de toutes nos églises pour assurer leur protection ? » Je me tiens à votre entière disposition, et je suis certain que les associations spécialistes du sujet (toutes plus compétentes que je ne le suis à ce propos) aussi, pour vous aider dans cette mission ou dans n’importe quelle démarche que vous entreprendrez pour sauver nos églises (commission d’enquête, contact des élus locaux…).
Sauvez nos églises, sauvez la France.