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Au-delà des débats écologiques, économiques ou politiciens, l’abandon de Notre-Dame des Landes s’inscrit dans la grande lignée, entamée à l’orée des années 1970, des grands projets d’infrastructures français qui périclitent ou entraînent des coûts démesurés.
Il est intéressant d’observer qu’en dehors d’analyses contextuelles relatives à chaque projet avorté ou économiquement désastreux, peu de personnes, notamment à droite, s’interrogent de façon globale sur cette question pourtant essentielle : les futurs grands travaux d’infrastructures sont-ils condamnés en France ?
Pourtant, les exemples ne manquent pas, et semblent se multiplier ces dernières années. En matière ferroviaire, comment ne pas être alerté par les coûts et la durée et les conséquences de la construction des lignes à grande vitesse permettant de desservir la capitale (Paris-Strasbourg, Paris-Bordeaux), ou l’abandon plus ou moins acté d’autres projets (Ligne Toulouse-Bordeaux ou encore les publicités volontairement provoquantes de M. Ménard à Béziers qui ont rappelé récemment cette réalité) ? L’abandon de Notre-Dame des Landes, projet entamé justement à l’orée des années Pompidou, illustre la question en matière aéronautique. La construction de nouvelles autoroutes pose question, alors que les idées de liaison ne manquent pourtant pas. Au moment où le gouvernement annonçait que l’aéroport du grand ouest était abandonné, la Cour des comptes s’inquiétait d’un « dérapage » (sic) estimé, à ce jour, à 13 milliards d’euros pour les travaux nécessaires à la réalisation du Grand Paris, travaux qui ne seront a priori jamais achevés à temps pour les Jeux Olympiques dont on attend avec impatience le coût réel en 2022… Les réseaux de transport ne sont pas les seuls concernés. L’EPR de Flamanville devrait ouvrir en fin d’année 2018, après un nouveau surcoût de 100 millions d’euros, une bagatelle au regard d’un projet qui aura coûté plus de 10 milliards et demi d’euros (trois fois le coût initial) et mis en difficulté les fleurons de l’industrie énergétique français. Les opérateurs téléphoniques ont également des difficultés à suivre l’évolution technologique. En septembre 2017, seul 60 % du territoire était parfaitement couvert par la 4G et on annonce déjà la nécessaire réalisation d’un réseau 5G dans les prochaines années (à se demander s’il ne serait pas plus intéressant de préparer d’ores et déjà la construction du réseau pour la technologie suivante…).
Mais plus encore, c’est désormais l’existant qui semble en voie de déliquescence. Le coût d’entretien et de rénovation des réseaux de distribution d’énergie est sur une pente nettement ascendante, et ne baissera sans doute plus, sans compter la question très épineuse du démantèlement des centrales nucléaires. La SNCF, pour sa partie relative à l’entretien du réseau, cumulait en 2017 un déficit de près de 45 milliards d’euros (pour un comparatif, cela correspond à plus de la moitié d’une année d’impôt sur le revenu, ou plus que le montant de l’impôt sur les sociétés et la TIPP cumulés), et les pannes récentes de la Gare Montparnasse ont illustré l’étendue du chantier à mener. Le réseau routier départemental verra bientôt fleurir des limitations de vitesse à 80 km/h mais la réalité est qu’un panneau n’a jamais comblé un nid de poule. Il devient très légitime de s’interroger sur la capacité actuelle de la France et de ses composantes (État, collectivités territoriales, gestionnaires de réseaux, concessionnaires, entreprises privées, etc.) à seulement pouvoir améliorer, entretenir voire parfois conserver l’existant.
Le Grand Siècle a bénéficié de conditions exceptionnelles pour l’élaboration d’un réseau routier que l’Europe entière nous enviera à l’orée de la Révolution. Le XIXème siècle a connu des coûts de construction ridicules (au détriment souvent des populations ouvrières des bassins miniers) et des innovations technologiques majeures permettant de créer un réseau ferroviaire accompagnant le développement industriel. Le XXème siècle a suivi l’extraordinaire révolution du pétrole permettant de circuler par bateau, avion, train ou voiture de manière très rapide et pour des montants très raisonnables. Aux aspects technologiques et aux coûts de construction, il faut sans doute ajouter le développement et l’enrichissement de la population, la nécessaire reconstruction de la France au sortir des guerres mondiales, et d’autres éléments que j’oublie sans doute qui auront permis un confort matériel et des réseaux d’une qualité que l’humanité n’a jamais connu. Mais désormais le moteur a des ratés.
Lire aussi : ZAD de Notre Dame des Landes, vers un no pasaràn de droite ?
Le moindre projet un tant soit peu d’envergure fait l’objet de contestations juridiques ou humaines importantes (si Notre Dame des Landes est la « mère de toutes les ZAD », n’oublions pas les évènements du barrage de Sivens), et qui peuvent avoir leur légitimité. Les matières premières classiques, autrefois bon marché, sont plus chères et la technologie moderne impose de nouvelles matières premières parfois très rares et situées bien loin de l’Europe. L’énergie a quitté le seul domaine du transport pour intégrer la vie quotidienne de toute la société via les nouvelles technologies (réalisons que le bitcoin consommerait à lui seul 26 TWH d’électricité par an, les deux grands sites porno environ 12 TWH par an, alors qu’un réacteur nucléaire produit 7 TWH par an, sans compter les réseaux sociaux, les moteurs de recherche et les messageries informatiques). Les salaires sont plus élevés. La réglementation est plus complexe pour des raisons qui se comprennent (protection de l’environnement, de la santé, de la sécurité). Les français autrefois largement ruraux s’entassent dans des métropoles (et le plus souvent des banlieues sans âmes) qui captent la richesse. Ils sont plus vieux, et pour longtemps. Ils font moins d’enfants et sont plus souvent au chômage. Pourtant ils usent des vieux réseaux de transport comme jamais, tout en consommant des produits venant d’ailleurs et en usant des nouvelles technologies gourmandes en énergie dont ils demandent la présence à tout moment afin de bénéficier des prétendus avantages de la mondialisation.
Un hiatus toujours plus grand s’installe entre une approche du développement peu ou prou acceptée par tous depuis 160 ans et le réel. Or, rien n’est plus dangereux que de s’éloigner du réel qui est un amant jaloux et vengeur. Comment faire pour tenir ensemble la rénovation et l’amélioration des anciens réseaux pour ne pas que les périphéries soient définitivement exclues de la richesse nationale, le développement de grandes infrastructures comme on les créait à tout va depuis la révolution industrielle, la mise en place toujours plus rapide de nouvelles technologies sur tout le territoire et dans tous les pans de la vie économique et privée, la garantie de terres agricoles suffisantes, la protection de l’environnement, l’emploi, la santé, la sécurité et le bien commun des français ? Il apparaît compliqué d’être ensemble Napoléon III, Léon Blum, de Gaulle et Emmanuel Macron.
Plutôt que de crier haro comme certains hommes politiques au moindre abandon d’un grand projet conçu parfois avant leur naissance, il serait bien temps pour la droite de penser son logiciel qui puisse être une alternative crédible à la start-up nation de notre président et tienne compte du réel. De laisser aux tenants du progrès et aux libéraux les utopies et de revenir à ce qu’il est possible de faire pour le bien commun de la France et les français demain.
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