Skip to content
Rentrée littéraire : nos recensions (2/2)

DÉTONANT

Mon business model, Julien Gangnet, Le Dilettante, 224 p., 17,50 €

Vous en avez marre, de ces rentrées littéraires ripolinées, de cette procession d’autofictions ronronnantes et de romans-dossiers boursouflés qui bégayent sur les grands sujets de société du moment ? Pas de problème, Julien Gangnet, inconnu au bataillon, s’occupe de tout. Avec Mon Business Model, qui s’inscrit dans la plus pure tradition du roman noir, le primo-romancier frappe fort. C’est l’histoire presque édifiante de Joseph Haquim, jeune marginal aux dents longues qui fait fortune en fondant une agence de presse « B to B » spécialisée dans les faits divers cradingues. Inutile de vous dire que les choses ne vont pas totalement se passer comme prévu, et que la success story va vite prendre des allures de calvaire crépusculaire. Une plongée hallucinée dans la folie qui pourrait évoquer une sorte de Taxi Driver au temps de l’information reine et du communautarisme galopant. L’action se déroule intégralement dans le XVIIIe arrondissement de Paris et Gangnet, visiblement maître de son sujet, nous offre au passage une belle galerie de portraits soutenue par un argot puissant : faux marabouts et vrais sociopathes, maîtresses dominatrices au grand cœur, tueurs « pachtounes », hommes de main serbes et autres gangs de Sénégalaises qui « tchippent » plus vite que leur ombre, tout y est. De la poésie citadine en barre, servie sur sa litière d’ordures, avec même un zeste de mélo familial. Une plume à suivre, définitivement. Marc Obregon


HASARDEUX REMIX

L’enfer de Dante, Antoine Brea, Le Quartanier, 464 p., 23 €

Les sept-cents ans de la mort de Dante ont donné lieu à de nombreuses publications cette année et nous en avons déjà évoqué certaines, mais la plus curieuse est sans doute cette nouvelle traduction de L’Enfer « mis en vulgaire parlure » par le romancier Antoine Brea. Souhaitant redonner sa dimension comique et foutraque au chef-d’œuvre du maître florentin, Brea s’est lancé dans une réinterprétation française argotique et rimée du premier volet de la Comédie. Le résultat fait surtout songer à un slam pour les Visiteurs, mais enfin, aussi peu crédible soit l’entreprise, ça pourra toujours amuser votre neveu pour son anniversaire. Romaric Sangars

Lire aussi : Rentrée littéraire : nos recensions (1/2)

TOUT EST PERDU SAUF L’HUMOUR

Le Pentateuque ou les cinq livres d’Isaac, Angel Wagenstein, Autrement, 416 p., 22,90 €

Cette invraisemblable et, cependant, véridique histoire d’un juif de Galicie qui traversa les deux Guerres mondiales, séjourna dans trois camps de concentration et changea cinq fois de nationalité, semble tout droit tirée d’un récit hassidique : le sens ultime des épreuves nourrit un dialogue quasi désespéré entre la créature et Dieu, source de ce vertige qui, sans l’humour, suffirait presque à caractériser l’éternelle relation d’équilibriste qui se joue entre l’insignifiance humaine et l’incommensurable.  Fidèle sujet de l’Autriche-Hongrie, Jacob Isaac Blumenfeld devient polonais, soviétique puis, sous le IIIe Reich, l’ombre, sinon le fantôme de lui-même, ce qui constitue en soi une parabole pertinente de la judéité. Sauf que le petit supplément d’âme hassidique, qui veut que tout soit perdu sauf l’humour, fait, ici, toute la différence. Le hassidisme, qui rejette le nominalisme tatillon des textes sacrés au profit de l’intime conviction, se découvre, d’ailleurs, sous le feu roulant des idéologies totalitaires, une portée critique bien plus vaste, résistant à l’endoctrinement d’où qu’il vienne. S’ouvre dès lors la seule voie possible, mystique. Anne-Sophie Yoo [...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Arachnofolies : entretien avec Mauro Durante

Groupe, chorale, polyphonie, comment vous définiriez-vous ?

Peut-être qu’il s’agit avant tout de musique, d’une musique parfaite pour danser. Et puis surtout il s’agit de notre propre compréhension du genre pizzica. Rythmes, danses, et voix ! Voilà ce que nous sommes.

Pouvez-vous décrire la tarentelle et la pizzica ?

Il existait chez nous dans le Sud, depuis les temps les plus reculés, un phénomène de possession et de transe très renommé : le tarentisme. C’était un vestige païen, voire dionysiaque, relié à l’antiquité grecque classique par le mythe d’Arachné. Il n’a cessé d’être pratiqué même après son interdiction par l’Église. Cette forme d’état second possédant à la fois une dimension psychologique et une dimension sociale provenait de la conviction que la morsure de la tarentule lycosa rendait très malade, fou et impuissant. Le seul moyen de guérir était alors de danser pendant des heures, des jours et des nuits, aux rythmes et mélodies de la pizzica tarantata afin d’expulser le venin et d’exorciser le démon. On utilisait littéralement le pouvoir de guérison de la musique et de la danse.

Si le tarentisme a disparu aujourd’hui, la pizzica elle, fait toujours l’objet d’études importantes. Quel est l’aspect contemporain de ce fort symbole de fierté et de rédemption en Italie ?

Oui, le tarentisme est mort, mais il peut revêtir d’autres formes puisqu’il y a de nouveaux démons à exorciser. Et puis c’est un patrimoine très ancien, ultra-codifié avec des attitudes et des personnages ritualisés révélateurs du monde agricole. Une partie du langage corporel et musical émane de cette ancienne affiliation mais nous nous le sommes réapproprié. Pour nous, il est primordial que l’acte créatif parte de la recherche sur le terrain. Pour être original, il faut nécessairement connaître l’origine ! [...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
L’emballage comme l’art qui triomphe

Cet artiste, dont le vrai nom est Christo Vladimiroff Javacheff est né en Bulgarie en 1935. Il a fait ses études aux Beaux-Arts de Sofia avant de venir s’installer à Vienne, puis à Paris et finalement à New York où il a vécu et a travaillé plus d’un demi-siècle, jusqu’à sa mort en 2020. C’est dans les années 1950 à Paris, en intégrant le groupe des Nouveaux Réalistes, que Christo a élaboré sa propre démarche artistique qui consistait à emballer des objets. D’abord des boîtes de conserve, puis des revues et des meubles ; parmi les créations de cette période, on trouve une moto et même une femme, emballée comme une sorte de mannequin. Avec le temps, ses projets prennent une tournure plus large, voire grandiose.

Les premières initiatives d'envergure de Christo sont soutenues par les centres de l’art contemporain. C’est ainsi que le Kunsthalle de Bern permet en 1968 à l’artiste déjà installé sur le sol américain de recouvrir son bâtiment par presque 2 500 mètres carrés de polyéthylène. Suit, dans la même année, l’emballage de l’église et la fontaine dans le centre-ville de Spoletto, en Italie. Aussitôt, l’artiste se tourne vers la nature et crée de gigantesques installations, en cachant sous le tissu une partie du littoral à Sydney ; en étalant un rideau de 13 000 mètres carrés dans la vallée de l’État du Colorado ; en encerclant par du nylon rose vif les îles de la Baie de Biscayen à Miami. Dans l’année 1985, Christo emballe le Pont-Neuf à Paris et dix ans plus tard, le Reichstag à Berlin.

Lire aussi : #SaccageParis : à Paris on ne répare pas les routes, on répare les gens

Aux questions l’interrogeant sur l’utilité de sa démarche, Christo répondait qu’il le fait uniquement pour satisfaire sa propre imagination et pour le plaisir de ses admirateurs. Il considérait ses installations comme une expérimentation pure avec l’espace et le volume, permettant la transformation d’un objet lourd et statique en quelque chose d’éphémère, prêt à disparaître. [...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Dune : space opera, mais pas trop

Denis Villeneuve est un chouette type. Déjà, c’est un francophone. Ensuite, c’est un vrai passionné de science-fiction – génération Métal Hurlant, la meilleure. Au milieu d’un imaginaire hollywoodien vampirisé par les franchises régressives, de Star Wars à Marvel, sa proposition reste unique et on a envie de la suivre : bâtir une science-fiction exigeante, adulte, loin des feuilletons bariolés et imbéciles qui monopolisent l’attention depuis 20 ans. Car oui, au final Hollywood ne sait pas quoi faire du « space opera », ce genre qui a fait florès au détour des années 60 et qui a donné des chefs d’œuvre tels que Fondation, Hypérion et bien sûr Dune. Star Wars, justement, a contribué à maintenir la SF dans une sorte de stade prépubère, dans la mesure où il ne s’agit pas à proprement parler de space opera, mais plutôt de fantasy matinée de rayons lasers.

Le space opera se doit certes d’incorporer paysages grandioses et nefs spatiales, mais il se doit aussi d’interroger l’humanité sur son futur, sur ses choix, et sur sa condition profonde.…

L’Origine du monde : notre critique

Jean-Louis réalise en rentrant chez lui que son cœur s’est arrêté. Plus un seul battement dans sa poitrine, aucun pouls, rien. Pourtant, il est conscient, il parle, se déplace. Est-il encore vivant ? Est-il déjà mort ? Ni son ami vétérinaire Michel, ni sa femme Valérie ne trouvent d’explication à cet étrange phénomène. Pour son premier passage derrière la caméra, Laurent Lafitte livre un film à son image : faussement lisse et cruellement drôle par instants. […]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Les amours d’Anaïs : notre critique
Anaïs est une jeune Parisienne égarée dans sa vie professionnelle et sentimentale. Incapable d’attachement, elle finit par faire une rencontre décisive avec Émilie, une écrivaine de presque trente ans son ainé. Ce film est une bouse parsemée d’éclats. Comptons-les : la mélancolie joyeuse du regard bleu de Valeria Bruni-Tedeschi ; une scène d’amour très réussie, à la fois tendre et sauvage ; de beaux plans sur la mer bretonne ; et un propos intelligent bien qu’assez verbeux sur la puissance du désir. [...]
La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Apparat : l’élégance et la grâce

C’était un dimanche soir mais le Trianon était complet, son stuc Belle-Époque accueillait un public branché d’âges divers, public d’initiés plutôt qu’agrégé par une mode, mais pour autant, ni froid ni cérébral, il montrait même une ferveur rare pour acclamer le groupe de l’artiste allemand, sans doute galvanisé par la beauté de l’arrière-saison et la délivrance des salles de concert. Il faut dire que le passage parisien d’Apparat avait été initialement prévu en juillet 2020 et qu’il avait déjà été reporté le 13 décembre dernier, l’attente était donc à son comble, l’excitation palpable.

La première partie, assurée par Alma Este, chauffa moins la salle qu’elle permit aux retardataires de s’installer dans une ambiance appropriée à la mélancolie des dimanches soirs. La jeune Parisienne, accompagnée d’un guitariste, interprétait ses mélopées élégiaques et minimalistes d’un air neurasthénique, immobile, vêtue comme en lendemain de cuite après une journée passée vautrée dans sa chambre, à demi absente, ce qui pouvait s’accorder en partie avec son propos musical mais s’avéra tout de même franchement chiant et témoignant d’une ignorance complète de l’enjeu d’une prestation scénique.…

Rentrée littéraire : nos recensions (1/2)

DÉBUTS TONIQUES

Grande couronne, Salomé Kiner, Christian Bourgois, 290p., 18,50€

Fin des années 1990, grande banlieue, la vie d’une lycéenne ordinaire, parents divorcés, milieu ni pauvre, ni favorisé. C’est encore une gamine qui mange des BN au goûter, mais déjà une grande qui se laisse embringuer, par transgression, curiosité, naïveté, dans un réseau qui la fait se prostituer gentiment pour cinquante francs la pipe, le mercredi. Ça pourrait être misérabiliste et ridicule, mais Salomé Kiner a doté son héroïne d’un bagout désarmant qui la rend attachante et vivante. L’auteur allume les clignotants pour reconstituer l’époque et l’univers d’une ado – noms de marque, accessoires, etc., et offre avec Grande Couronne un premier roman tonique, drôle et triste, qui a le bon goût de ne porter aucun message en bandoulière. Bernard Quiriny

CLERC OBSCUR

Cave, Thomas Clerc, L’Arbalète / Gallimard, 288p., 19€

Dans Intérieur, livre publié en 2013, Thomas Clerc décrivait exhaustivement son appartement. Un jour, une interlocutrice lui demande s’il a entièrement accompli sa tâche. Dans l’escalier qu’il monte pour revenir chez lui, l’écrivain a soudain une illumination : « Vous avez raison, madame. J’ai oublié la cave. » Autant dire : l’inconscient, le pulsionnel, le refoulé. Ce nouveau livre vient donc pallier cet oubli. Superbe argument, style précis, élégant, on a vraiment envie de suivre Clerc au fil de cette cave obscure et sans fond qu’il explore (à travers une faille, le lieu mène ensuite à différentes salles, cinéma à la diffusion démente et désordonnée, scène de théâtre, animateur lynchien, peep show dérisoire...) Le lecteur retrouve, enseveli sous une langue aux typographies singulières, la liberté et la profusion d’une certaine littérature expérimentale des années 70, mais malheureusement, toute cette inventivité tourne un peu à vide et l’on ressort sonné mais sans véritables illuminations de cette plongée pourtant si audacieuse. Romaric Sangars […]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile

L’Incorrect

Retrouvez le magazine de ce mois ci en format

numérique ou papier selon votre préférence.

Retrouvez les numéros précédents

Pin It on Pinterest