À partir de quand le mot “sensible” est-il devenu un défaut ? », demandais-tu, l’air grave et candide, sur France Inter le mois dernier, lisant un texte inédit pour répondre à la polémique qui enflait depuis une dizaine de jours au sujet de ton emploi d’une lectrice en « sensibilité » pour corriger la copie de ton second roman, Que notre joie demeure, en lice pour le Goncourt. Puis tu dérivais vers un amalgame brutal, pédant et confus entre la littérature comme art et une sensibilité sans filtre, jusqu’à accoucher notamment de cette phrase étrange et maladroite: «Les affects creusent dans l’espace sans forme où il n’y a pas de “moi” possible, pas de nom, pas de genre. On donne à ce lieu, je l’apprends plus tard, le nom de littérature. » On comprendrait que les affects creusent dans un mur ou une carapace, mais dans un «espace sans forme», cher Kevin, c’est-à-dire un espace tout court (parce qu’un espace avec forme devient de facto la forme en question, qu’il s’agisse d’un cube ou d’une voiture de course), dans un espace tout court, donc, on ne voit pas trop ce qu’il reste à creuser.…
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Chantre à ses débuts d’un naturalisme morne, Cédric Kahn s’est converti depuis une décennie à une écriture plus télévisuelle où chaque résolution est calculée dès l’argument de base. Exemple avec La Prière (2018): un jeune drogué sera-t-il sauvé de son addiction par Dieu ou par l’amour d’une femme? On devine d’emblée la réponse. Mais avec Le Procès Goldman, un nouveau cap est franchi: Pierre Goldman est-il innocent du meurtre des deux pharmaciennes tuées lors du hold-up du 19 décembre 69 (cf. encadré) ou bien n’est-il pas coupable? Kahn a fait son choix. Ce qui frappe en premier lieu dans ce huis clos judiciaire, c’est l’indigence de l’interprétation. Tout le monde joue à côté de son rôle, en dessous ou au-dessus. Est-ce parce que Kahn filme à trois caméras et que les acteurs ne savent jamais quand ils sont regardés ? Le casting s’attache surtout à viser le symbolique : Arieh Worthalter est certes à l’opposé du physique de Goldman, mais son nom est complémentaire si l’on traduit de l’allemand : « L’homme en or qui tient sa parole », la preuve, le prévenu refuse de nommer son délateur.…
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L’Incorrect numéro 73
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