
La sortie de Marche ou Crève de Francis Lawrence nous donne l’occasion de nous pencher sur un sous-genre très populaire du cinéma américain qui est la « dystopie totalitaire », c’est-à-dire tous ces films d’anticipation qui fantasment un pays ayant sombré dans le fascisme. À l’heure où la population démocrate s’émeut de la politique de Donald Trump, ce qu’elle estime être des coups de canif dans la sacro-sainte constitution américaine, le cinéma hollywoodien semble conforté dans ce vieux fantasme qu’il nous ressort épisodiquement – depuis au moins Soleil Vert avec Charlton Heston, dans lequel la population était forcée de manger ses retraités… On peut rappeler à ce titre que Marche ou crève est en réalité le tout premier manuscrit de Stephen King, écrit alors qu’il avait 16 ans, et selon la légende, pour impressionner une jeune fille… King essuiera d’ailleurs de multiples refus d’éditeurs et finira par le faire paraître, une fois installé en tant qu’écrivain sous un nom d’emprunt, Richard Bachman.…

MÉMOIRES DE CORTÈS, Christian Duverger, Fayard, 405 p., 24€90
L’exofiction, ce procédé qui consiste à fantasmer la vie d’un personnage illustre pour en tirer la substantifique moelle d’un roman, serait-elle en passe de devenir la nouvelle mode à éviter ? On aurait tort de voir pareil procédé chez Christian Duverger : spécialiste de l’histoire coloniale en Amérique latine, il a signé une somme biographique sur Hernan Cortez, à qui il consacre un roman en cette rentrée. Mais attention : Mémoires de Cortès se révèle, plutôt qu’un roman, une méditation sur l’Histoire qui rend hommage aux Mémoires d’Hadrien de Yourcenar, s’interrogeant sans cesse sur l’authenticité du récit littéraire – Cortès ayant lui-même écrit son autobiographie en inventant un narrateur de toutes pièces. S’il se permet au passage de tordre le coup aux habituels clichés qui collent à la peau du conquistador, également homme d’état, génie militaire et fin lettré, montrant un homme qui aima passionnément cette « Nouvelle Espagne » pleine de promesses, Duverger se montre vraiment passionnant lorsqu’il questionne ces deux « modalités gémellaires » de la fabrication de l’Histoire : « les archives mortes et le souvenir vivant ». Une brillante entrée en littérature. Marc Obregon [...]
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Tous les cinéphiles ont leur scène préférée de Claudia Cardinale. Dans une filmographie aussi monstrueuse, dur de savoir laquelle piocher. La plupart retiennent son personnage inoubliable d’Il était une fois dans l’Ouest, chef d’œuvre de Sergio Leone, avec fameux plan séquence qui fait d’elle le pivot historique et radicalement féminin d’une époque en pleine mutation… Jill Mc Bain, ex-prostituée, pionnière d’un monde qui repousse constamment ses frontières, n’aurait jamais été un personnage aussi fort sans le visage impénétrable de Claude Cardinale, son regard cerné de khôl où semblent se jouer toutes les tragédies du monde… pour l’histoire du cinéma, elle sera à jamais liée à cette musique d’Ennio Morricone qui semble composée pour elle, à la fois langoureuse et dramatique, douce et profonde… D’autres évoqueront sa valse sensuelle avec Alain Delon dans Le Guépard de Visconti, ou encore ce fabuleux travelling avant où le réalisateur italien la filme telle une princesse échevelée, consumée par son amour… il y a aussi, bien sûr, son duo jouissif avec Brigitte Bardot dans Les Pétroleuses, sorte de fantasme fait film signé par l’imparable Christian-Jaque, et qui réunit ensemble les deux plus belles femmes de leur époque…
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On pourrait évoquer également ces plans sublimes et noctambules du Huit et Demi de Fellini où Cardinale apparaît comme un joyau porté par la nuit elle-même, apparition fantomatique et charnelle à la fois, vestale qui possède la clé des songes de Marcello Mastroianni… sans oublier son rôle de ragazza dans le film éponyme de Luigi Comencini : cette scène poignante où elle rend visite à Bube en prison et doit choisir entre l’attendre toute sa vie et épouser enfin son désir d’émancipation, métaphore vivante d’une Italie confrontée à l’immobilisme… pour ma part, ce serait une scène beaucoup plus légère mais qui résume à merveille la féminité des années 60, à la fois mutine et d’une sensualité redoutable : dans La Panthère Rose (Blake Waters, 1963) elle incarne la princesse Dala, figure parfaite de la femme inatteignable, languissante sur une peau de tigre avec qui elle fait semblant de s’entretenir tout en déployant tout son charme pour séduire Peter Sellers – en anglais mais avec son inimitable accent franco-sicilien… en quelques plans, la température monte de plusieurs degrés, et Claudia Cardinale semble n’avoir à peu près rien à faire de plus pour forcer son interlocuteur à s’agenouiller afin de goûter à ses lèvres les quelques perles de champagne que sa langue aura subtilement laissées… sublime scène que ce triangle amoureux avec un tigre empaillé.…

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