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Meurtre de Lola : un peu de décence, qu’y disaient

La France est sous le choc d’un crime abominable. L’un de ces crimes atroces qui hantent les esprits et les rêves pour des générations, qui déchire le cœur des mères et fait s’écrouler l’assurance des pères. La coupable, n’en déplaise aux pourfendeurs du patriarcat dont on voudrait nous faire croire qu’il a le monopole de la violence, est une jeune femme. Une Algérienne de vingt-quatre ans, qui était depuis trois ans sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Si la loi avait été appliquée et si elle avait été expulsée à temps, son chemin n’aurait jamais croisé celui de la pauvre petite au visage angélique. Il ne s’agit là que de faits bruts, mais cruels. 

Le traumatisme est là, et il est profond. Aucune personne sensée n’arrive à chasser de son esprit les images terribles qu’on se forge en lisant les premiers aveux de la meurtrière, laissant deviner le calvaire de l’enfant. C’est le crime de trop. Alors que l’on croyait être comme Mithridate, devenu insensible à la douleur, à la lecture des faits « divers » s’accumulant dans les colonnes des journaux, la colère se réveille devant ce crime qui n’aurait jamais dû se produire.

Lire aussi : [Enquête] Immigration et délinquance : les chiffres qui fâchent

Devant la résistance obstinée et implacable des faits, le gouvernement se défend. La gauche se défend, et accuse tous ceux qui clament leur révolte devant la mort de Lola, de « récupération politique ». Les bien-pensants se drapent dans leur dignité morale et s’indignent devant l’ampleur de la mobilisation. Le journal de gauche Libération stigmatise les « charognards ». Mais arrêtons-nous un instant. Que signifie cette accusation de « récupération » ? [...]

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Rencontre au sommet (5/6) : l’identité comme rempart

Alain Finkielkraut  La pathologie du nationalisme consiste à dire que pour être français, il faut avoir des parents, des grands-parents, des aïeux français. C'est une affaire exclusivement héréditaire. On sort de cette pathologie quand on dit, avec Levinas, que la France est une nation à laquelle on peut s’attacher par le cœur et par l’esprit aussi fortement que par la racine. Mais aujourd’hui on va plus loin : on criminalise l’hérédité. Il est interdit de parler de « Français de souche ». Ni l’atavisme, ni la lignée, ni l’ancrage dans une tradition n’ont désormais droit de cité. Il y a une difficulté à faire entendre la France en France qui rend l'assimilation des nouvelles populations presque impossible.

« La France est une nation à laquelle on peut s’attacher par le cœur et par l’esprit aussi fortement que par la racine »


Alain Finkielkraut

Mathieu Bock-Côté – Le concept de Français de souche est autorisé seulement de manière négative. On ne le mentionne que pour le maudire, comme lorsque François Hollande en parlant d’un terroriste avait précisé « qu’en plus c’est un Français de souche », comme s’il était heureux de dissocier pour une fois le terrorisme de l’islamisme.

Pierre Manent –  Je reviens à l’argument d’Alain Finkielkraut : pourquoi n’aurions-nous pas le droit de faire prévaloir la conception française de la laïcité ? Soit, mais si les autres pays européens et les États-Unis nous montrent du doigt alors qu’ils partagent le même « universalisme », nous en sommes réduits à dire qu’après tout, la laïcité, c'est notre coutume. Nous avons bien le droit d'imposer notre coutume ! C'est un argument désespéré, puisque c’est renoncer à l'universalisme que par ailleurs nous invoquons. Notre argumentaire franco-laïque n’est ni convaincant ni pertinent, mais c’est le cas de tous les argumentaires abstraits que nous agitons aujourd’hui. Il n'existe pas de notion théorique sur la base de laquelle nous pourrions résoudre le problème « l’islam et nous ». Que voulons-nous ? Garantir un minimum de continuité spirituelle et d’indépendance politique de cette nation appelée « France ». La seule démarche praticable viserait à réunir une majorité civique autour d'une sorte de programme minimum : préserver ou retrouver une certaine indépendance politique, préserver ou retrouver la capacité de l'ensemble que nous formons à se gouverner lui-même, à garder une certaine maîtrise de ses relations avec le monde qui l'entoure, ce qui implique de préserver certains caractères de l'association française, qui peuvent inclure en effet la laïcité et un certain rapport au christianisme. Il est indispensable de ne pas élargir la part musulmane de la France, non pas tant parce qu’elle contredit à la laïcité mais parce qu’elle nous rend dépendants politiquement de pays qui inspirent une méfiance légitime et qu’elle rend plus difficile encore de prolonger l’arc historique européen qui a toujours inclus un rapport actif au christianisme, et auquel l’islam a toujours  été extérieur sinon hostile.

Lire aussi : Rencontre au sommet : La France, qu’est-ce qu’il en reste ?

Alain Finkielkraut – Je ne dirais pas que la laïcité doit être défendue parce que c'est notre coutume. La laïcité est la manière française d'être moderne, de pratiquer la séparation des ordres et en tant que telle, elle doit être réaffirmée aussi clairement que possible. [...]

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Olivier Perceval : « Maurras a toujours dit que le racisme était notre ennemi »

Quel était le but de votre action à Stains ?

La ville de Stains, main dans la main avec des associations féministes, organisait une action visant à donner provisoirement le nom de femmes célèbres à de nombreuses rues de la ville. Parmi ces noms, nous avons trouvé qu’il y avait quelques incongruités, notamment la présence du nom de la première femme de Mahomet. Elle a plus laissé un souvenir de guerrière que de figure de tolérance envers les non-musulmans. Surtout, elle n’a rien fait au service de la France. Nous n’avons aucun problème avec le fait d’honorer des étrangers, encore faut-il que ce soient des gens qui aient eu des relations avec notre pays, et qui l’aient servi. On a des rues Abd-el-Kader ou Sédar-Senghor, ça ne nous dérange absolument pas. En revanche, on ne comprend pas comment on a pu choisir cette femme. Notre action visait donc à souligner cette absurdité.

La presse de gauche et d’extrême gauche, notamment Libération, parle d’« action brutale ». Pourriez-vous revenir sur le déroulement exact des faits ? Vous êtes-vous livré à la moindre violence ?

Nous avons fait deux communiqués de presse, pour souligner l’absurdité de ces accusations. Nous y rappelons aussi que le fait de renommer massivement les rues est une pratique issue des pays communistes, où pullulaient les rues Marx et Lénine, et enjoignons la ville de Stains à revenir à des pratiques plus ancrées dans notre culture.

« Ce que nous demandons aux gens qui arrivent dans notre pays, c’est de devenir pleinement français, d’adopter notre pays avec son histoire et sa culture »


Olivier Perceval

Pour ce qui est des faits, une quinzaine de jeunes de l’Action française sont entrés dans le jardin de la mairie de la ville, qui est ouvert au public, y ont retiré les plaques qui y étaient présentes. Ils ont ensuite pris la parole pour rappeler que la culture française devait prévaloir en France, même dans une ville où la population musulmane est dominante. Ils ont rappelé que nous acceptons les Français d’origine étrangère, à condition qu’ils se conduisent en Français… sinon qu’ils retournent à l’étranger. C’était là le discours un peu rude de nos militants, mais qui n’avait rien de raciste. Il n’y a eu en tout cas aucune violence. Le discours a duré quelques minutes – nos militants me disent cinq, la municipalité dit quinze, soyons gentils et coupons la poire en deux pour dire dix. Nos jeunes ont allumé quelques fumigènes parce que c’est la mode en ce moment d’allumer des fumigènes quand on fait une action, et puis ils sont repartis. [...]

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Pour fêter sainte Thérèse d’Avila : une sacrée plume

Si on vous dit : 1515, que répondez-vous ? Bataille de Marignan, bien sûr ! Et vous aurez raison. Ce que l’on sait moins, c’est que cette année voit également la naissance de Thérèse d’Avila, docteur de l’Église, dont l’on célébrait la fête le 15 octobre dernier. Après la « petite Thérèse », elle aussi docteur de l’Église, fêtée le 1 octobre, au tour de « la grande Thérèse » d’être fêtée. Qui dira que l’Église n’honore pas les femmes ?

Grande réformatrice du Carmel, mystique, auteur d’une œuvre importante en prose et en poésie dont Le Château de l’âme, Thérèse est aussi une grande épistolière. Le corpus de ses lettres est considérable. C’est qu'elle n’avait pas qu’une fille adorée à qui elle écrivait mais des centaines, qu’elle chérissait. Et ses lettres sont inclassables, ne ressemblant ni à celles de Jean de la Croix ni à celles d’Élizabeth de la Trinité ou d'Edith Stein. Le profane se mêle au religieux sans jamais tomber dans l’insignifiance ou une familiarité déplacée avec Notre Seigneur. Le plus haut amour est aussi le plus concret, l’élévation de l’âme va de pair avec l’attention inlassable à ses filles très aimées. Jamais l’on comprend mieux, en la lisant, ce que signifie « avoir charge d’âme » et avoir en charge les âmes.

Ces lettres sont le trésor spirituel d’une âme pleine d’amour, audacieuse, ardente et remplie de sagesse

Née, en 1515, d’une famille de la noblesse castillane, jeune fille à l’imagination ardente, passionnée de romans de chevalerie, aspirant très tôt à la plus haute sainteté, elle entra à 20 ans au couvent, réforma l’ordre du Carmel livré à des désordres mondains, et créa, en Espagne, en même temps que Jean de la Croix, une vingtaine de couvents de Carmes déchaux (déchaussés). Toujours sur les chemins, à dos de mule, écrivant tard dans la nuit, nous connaissons de première main la vie des monastères qu’elle fonde, dans l’élan de leur jeunesse. Est évoquée par-là l’histoire de l’Église : l’Inquisition dont elle fut victime, l’emprisonnement de Jean de la Croix dont elle fait appel auprès du roi Philippe II, en 1577. C’est aussi la société du siècle d’Or espagnol tout entière qu’elle évoque en une « mosaïque polychrome », depuis les Grands jusqu’aux aubergistes, les religieux jusqu’aux muletiers des routes castillanes. Depuis le roi de France au Carme préféré Gratien, depuis Lorenzo de Cepeda, Conquistador, son frère chéri, jusqu’aux figures de femmes, Anne de Jésus, future fondatrice du Carmel thérésien, en passant par la fantasque princesse d’Eboli. C’est l’époque de la construction de l’Escurial et de l’arrivée, sur nos tables, des pommes de terre venues de l’Amérique. Quel trésor que cette correspondance pour un historien et un homme d’Église ! Quelle sacrée plume ! [...]

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Rencontre au sommet (4/6) : l’islam et la France

Pierre Manent – La France ne cesse de changer. Nous l’avons dit, elle est devenue beaucoup moins chrétienne, le sentiment de la continuité historique s'est affaibli et une partie importante de la population française est désormais musulmane. La question est : comment évalue-t-on cette transformation ? Comment y fait-on face ? Demander si l’islam est « compatible ou non » avec la vie française est une mauvaise façon de formuler les choses car on ne peut pas en inférer des mesures pratiques. On répond oui ? Alors on laisse l’immigration musulmane s’accroître indéfiniment. On répond non ? Alors il n’y a plus qu’à les renvoyer « chez eux », ce qui est tout de même difficile quand ils sont « chez nous » depuis deux ou trois générations. Ces deux « solutions » sont également impraticables.

Une chose est certaine : le fait qu'il y ait de plus en plus de Français musulmans modifie en profondeur la vie française. Ce mouvement peut-il continuer indéfiniment ? Non, ce mouvement ne peut pas continuer indéfiniment, sauf à accepter que notre pays ne puisse plus se reconnaître, et que « France » ne soit plus qu’un nom. Je le répète, une part de la France est musulmane, on a le droit de le regretter, mais nous devons l'accepter puisque, de fait, gouvernants et gouvernés, depuis des décennies nous l’avons accepté. Simplement, il faut faire en sorte que cette part ne s’agrandisse jusqu’à ce que le corps civique soit fragmenté, déchiré et finalement paralysé. Accepter qu’une part de la France soit désormais musulmane, faire en sorte que cette part ne s’accroisse plus, voilà comment je résumerais la question de l’islam.

« Convertissez vos concitoyens d’abord si vous voulez restaurer une civilisation chrétienne »


Chantal Delsol

Chantal Delsol  On ne peut pas s'imaginer qu'on va restaurer une civilisation chrétienne ou une culture chrétienne, les deux choses étant assez différentes. C'est un vœu pieux. Ce n'est pas quelque chose qu'on restaure comme on restaurerait un bâtiment. Les cultures et les civilisations peuvent reposer sur les traditions, sans croyance religieuse, comme en Chine par exemple. Chez nous, tout repose sur les croyances parce que nos religions sont fondées sur la foi en une vérité. Il y a eu une tentative au XXè siècle qui a semblé marcher assez bien pour remplacer la foi par la tradition, puisqu’au bout d’un certain nombre de siècles de foi, des traditions s’étaient créées et comme la foi semblait de plus en plus évanescente, certain ont essayé de se suffire de la tradition comme Maurras : « Vous ne croyez pas, mais au moins pratiquez, il en restera toujours quelques-uns qui croiront ». Je pense que ça n'a fait que précipiter l'effacement du christianisme. Depuis le XIXè siècle, depuis les textes de Théodore Jouffroy comme Comment les dogmes finissent, on assiste à l'effacement de la croyance. Mais comment s’imaginer restaurer une civilisation sur rien ? Les musulmans croient, nous non. On se plaint parce qu’ils veulent imposer des menus hallal, mais les catholiques n’ont jamais réclamé jeûne du vendredi à l’école. Il ne faut pas s'imaginer qu'on va restaurer quelque chose auquel personne ne croit. J’ai envie de vous dire : convertissez vos concitoyens d’abord si vous voulez restaurer une civilisation chrétienne. [...]

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Grand remplacement : Callac, la deuxième vague

En breton, on dira « sebezet » qui pourrait se traduire par « stupéfait ». Tout le monde a entendu parler de Callac, village de 2 000 habitants du Centre-Bretagne dans lequel une famille de Parisiens de tour Eiffel, les Cohen, veulent implanter une centaine de migrants. Le projet « Horizon » que ça s'appelle. Comme horizon d'emmerdes pour les Mohicans du coin.

Manif, contre-manif, pétition, la soupe est bien aigre en ce moment à Callac. Affaire Dreyfus armoricaine ! Les familles sont divisées, tout le monde ne parle que de ça, les murs de la commune sont tagués de slogans hostiles en breton, le marché est devenu le lieu de toutes les engueulades et pétitionneries. Désormais, le maire se déplace entre deux gendarmes pour venir interdire aux « anti- » de faire signer une demande de référendum entre carottes et poisson. Cependant, contrairement à l'affaire Dreyfus, la ligne de fracture n'est pas de 50/50 « pour » et « contre », mais bien – de l'aveu même du maire – dans un 80/20. 80% d'anti-projet Horizon et 20% de lous ravis de la crèche.

Lire aussi : Migrants à la campagne : Callac, la fin de l’innocence

Pour ceux qui ne connaissent pas la situation locale : Callac est une ancienne terre rouge. Résistance. Maquis. Parti communiste. La commune et ses environs étaient des terres pauvres, devenues fiefs protestants, puis républicaines anti-curés, puis communistes. Une sorte de « communisme rural » de travailleurs paysans comme il en existe dans le Limousin ou dans l'Allier par exemple. En gros, jusqu'à récemment, le rapport Khrouchtchev n'était pas encore arrivé à Callac ! [...]

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Rencontre au sommet (3/6) : la fin de la Chrétienté

Chantal Delsol – À l'époque où les barbares se sont installés dans l'Empire romain, un certain Salvien, devenu prêtre après avoir été marié, avait écrit des choses qu'on pourrait retrouver sous la plume de nos écrivains ou de journalistes, en expliquant finalement que les siens étaient des décadents et des salauds pour avoir conquis tout le monde, et que les meilleurs étaient en fait les barbares. Au fond, vous décrivez une religion morale. Avec l’effacement du christianisme, la morale a tendance elle aussi à s'effacer puisque dans le judaïsme et le christianisme, religion et morale sont intimement liées (ce n'était pas du tout le cas chez les païens, où la morale était décrétée par les autorités politiques alors que la religion relevait des prêtres). Or, si l’on peut se passer de religion (par exemple, la Chine), tous les peuples ont besoin de morale. Notre société post-chrétienne doit donc retrouver une morale. Je pense qu’il y a chez Marx une tentative de retrouver une morale, et les wokes en sont des héritiers. Quelle morale va-t-on trouver ? On reprend la morale dont on a l’habitude, la morale chrétienne, qui dit que Dieu est une victime et que la victime est Dieu. On reconstruit donc quelque chose à partir de cet axiome, avec la passion pour l’égalité et la compassion pour la victime. Et de cette morale, on fait une religion.

Lire aussi : Rencontre au sommet : La France, qu’est-ce qu’il en reste ?

Pierre Manent – Quand on dit que « la France est de culture chrétienne », veut-on dire que la vie d’un nombre significatif de Français garde un rapport actif avec la religion chrétienne ? Ou veut-on dire que la « culture chrétienne », c’est ce qui reste du christianisme quand on a perdu la foi ? Voici en tout cas comment je vois les choses. Jusqu’aux années 60 du XXe siècle, beaucoup de Français certes n'étaient pas chrétiens, ou ne l’étaient plus, mais la religion chrétienne avait une présence palpable et active dans l’ensemble de la société française. Pourquoi ? Parce que chaque famille, chaque personne presque, avait elle-même fait l’expérience d’un certain rapport au christianisme. Exemple classique : le père était franc-maçon ou socialiste, la mère allait à l'église, on se disputait pour savoir si l'enfant ferait sa première communion, ou pas.

Le catholicisme n'était plus une loi ou une autorité pesant comme une obligation sur la société, mais la société négociait en permanence sa relation avec la religion chrétienne, soit en adhérant, soit en se détournant ou protestant contre son influence. La religion chrétienne, en particulier catholique mais pas seulement, était si j’ose dire l’objet naturel du débat public et de la négociation sociale et familiale. Voilà ce que j’appelle un rapport actif de la société française à la religion chrétienne. Ce n’est pas simplement l’attachement aux vieilles églises, les croix au bord des routes et les expressions religieuses passées dans le langage courant ! La plupart des Français, à un moment ou à un autre, étaient en contact, ou avaient à faire ou ne pas faire quelque chose, avec la religion chrétienne. Aujourd'hui, et c'est le grand changement, de plus en plus de Français peuvent passer toute leur vie sans rencontrer cette question de leur rapport à la religion chrétienne. Le terme de déchristianisation est beaucoup trop abstrait. Il s’agit plutôt d’une apostasie. [...]

Persécution des musulmans convertis : « Dans l’islam, l’apostat est un traître »

Pourquoi avoir rédigé un rapport sur les violences subies par les musulmans convertis ?

Tout est parti d’une intuition et d’informations parcellaires transmises par des associations sur le terrain. Nous savions qu’il y avait des difficultés et nous avons donc eu envie d’enquêter, puisque l’ECLJ est spécialisé en matière de liberté religieuse et de droits de l’homme.

Quels grands enseignements tirez-vous de cette enquête ?

Le grand enseignement, c’est qu’il y a un vrai problème en la matière en France et dans tous les pays européens avec d’importantes communautés musulmanes. Quitter l’islam est un enjeu de fond. Nous ne pouvons pas dire que tous les musulmans qui quittent l’islam sont persécutés, mais c’est difficile pour tout le monde et il y a un nombre de persécutions significatif. Il leur faut être discret car ils craignent d’être découverts. Beaucoup sont rejetés par leur famille et doivent prendre leurs précautions pour ne pas être battus, lynchés ou harcelés sur leurs lieux de travail ou de vie par d’autres musulmans radicaux.

Lire aussi : Gregor Puppinck : « Aujourd’hui en France, des personnes qui quittent l’islam pour le christianisme sont persécutées »

Il existe une grande inconnue : combien sont-ils ? Beaucoup n’osent pas franchir le pas tant la pression est forte. Certains se convertissent puis reviennent par la suite à l’islam ; d’autres se dirigent vers des communautés chrétiennes diverses. Il est très difficile de mesurer exactement le phénomène. Dernier problème : l’absence de connaissances et de réactions des églises chrétiennes qui accueillent. Beaucoup sont naïfs et ne comprennent pas du tout à quel point il peut être difficile pour le converti de quitter l’islam. Certains empêchent même les convertis de rejoindre une communauté chrétienne en leur disant que cela ne sert à rien. Il y a de grandes difficultés d’accueil de ces convertis dans la communauté chrétienne.

Quel type de persécutions subissent ces musulmans convertis ?

Le mépris, le rejet verbal, les insultes sont des choses que l’immense majorité des convertis subissent si leur conversion est connue. Cela vient principalement de la famille. Ensuite, il y a plusieurs possibilités. La famille peut encourager le converti ou l’ex-musulman à ne rien dire, à se comporter comme un musulman, à vivre sa foi ou son absence de foi de manière cachée. Si la personne arrive à quitter la banlieue ou l’endroit dans lequel il y a une forte communauté musulmane, il n’aura normalement pas d’autres problèmes. [...]

L’Incorrect numéro 73

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