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La Vieille France s’en va

Il y a de ces professions nécessaires au corps social qui échappent trop souvent à notre reconnaissance, entre autres celle du nécrologue. Il ne suffit pas d’écrire une petite entrée dans le journal local ; l’écrivain, qui tient entre ses mains l’héritage des oraisons funèbres, y mêle le style, les souvenirs, la mélancolie. Nous sortant de notre solitude, il nous aide à vivre le deuil d’un grand personnage de manière collective et rassembleuse. Il nous accompagne aussi au-delà du choc, semblable au médecin qui accouche un nouveau-né ou comme un aide-soignant rassure dans le trépas. Il est l’agent de transition, celui qui nous aide à passer d’une époque à une autre. Il nous apprend, surtout, à souffrir de la modernité, cette atmosphère aride qui nous suffoque davantage avec les disparitions de toutes ces grandes âmes. Entre l’avant et l’après Belmondo, ou bien entre l'avant et l'après Aznavour, se trouve le digne nécrologue.

Lire aussi : Bébel, le bonheur d’être Français

Dans Et maintenant, voici venir un long hiver… paru aux éditions Héliopoles, Thomas Morales, le tout premier lauréat du Prix Denis Tillinac, réunit les nécrologies qu’il a écrites ces dernières années. D’Agnès Varda à Pierre-Guillaume de Roux, en passant par Francis Lai, Johnny Hallyday, Jean Rochefort et Sylvia Kristel, l’écrivain nous fait revisiter une époque plus douce parce que plus libre, plus drôle parce que plus légère et plus vivante parce que plus humaine. La Vieille France s’en va, nous laissant affronter « l’heureuse mondialisation » sans frontières, sans genre, sans humour, sans goût, sans noblesse. Jean-Paul Belmondo, en nous quittant, emmène avec lui cet « esprit de résistance au sérieux, le dérapage contrôlé comme marque de fabrique, la cascade comme exhausteur d’existence » qui améliore la banalité de notre quotidien. À sa mort, Jean-Pierre Marielle sonna la fin des célébrations de la virilité jusque dans ses excès. Hubert de Givenchy nous priva à son tour de cette « vieille politesse française » qui se résume à l’effort dans l’habillement, cet effort qui reliait toutes les femmes peu importe leurs origines sociales. Danielle Darrieux de sa seule présence faisait fuir la vulgarité devenue notre mal du siècle ; Mireille Darc emportait avec elle l’« érotisme chaste » ; puis, pour clore cet avant-propos de nos malheurs, Jean d’Ormesson nous a confisqué son sens de la répartie et de la conversation. [...]

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Rencontre au sommet (1/6) : Élisabeth II, la France et la place du sacré en politique

Alain Finkielkraut – Je suis frappé par la ferveur, même en France, pour la monarchie anglaise. Pendant plusieurs jours, tous les programmes des chaînes d'information en continu étaient consacrés à la mort de la reine. Les funérailles d’Élisabeth II ont battu des records d’audience. Ce spectacle m’a remis en mémoire la grande méditation d’Ortega y Gasset dans La Révolte des masses : « La monarchie n’exerce en Angleterre une fonction des plus déterminées et autant efficace : la fonction de symboliser. En face de la turbulence actuelle de tout le continent, le peuple anglais a voulu affirmer l'énorme permanence qui règle sa vie ». Et Ortega y Gasset conclut : « Ce peuple circule dans tout son temps ; il est véritablement seigneur de ces siècles dont il conserve l’active possession ». C'est à cette présence du passé que nous sommes très sensibles. Dans les pages qui précèdent, Ortega y Gasset fait du droit à la continuité historique le droit fondamental de l’homme, « si fondamental qu’il est la définition même de sa substance ». Au nom de l’ouverture à l’Autre, l’Europe en vient aujourd’hui à renier ce droit. À travers les obsèques d’Élisabeth II, nous rendons hommage à une continuité dont nous savons qu'elle est en péril.

Lire aussi : Rencontre au sommet : La France, qu’est-ce qu’il en reste ?

Pierre Manent – Je partage l'appréciation d’Alain Finkielkraut et son admiration pour le texte  d'Ortega y Gasset, mais ce que ce dernier décrit n'est pas ce que nous voyons parce que le peuple anglais – nous y incluons les autres peuples du Royaume-Uni ! – qui a marqué une sincère ferveur pour sa reine, d'ailleurs largement partagée chez nous, ne circule plus dans l’ensemble de son temps historique. Lui aussi a  rompu avec cette continuité qui reliait l’Europe moderne à la chrétienté. Il est vrai que le roi Charles III, d'une belle voix, et avec une fermeté que l'on n'attendait pas, a affirmé sa résolution de défendre la foi, la vraie foi protestante. Il y a une énorme distance entre un tel discours et la réalité du corps civique anglais qui est peut-être le plus déchristianisé de tous les peuples européens. Cet attachement anglais aux rites et symboles a donc quelque chose de réconfortant mais aussi de troublant  : le sentiment est sincère, mais de quelle continuité se font-ils les gardiens ? Est-ce que le déploiement de ferveur autour de la reine témoigne de la continuité de la vie britannique, ou bien est-ce la dernière flamme de quelque chose qui, en réalité, est en train de s'éteindre ? [...]

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Rencontre au sommet : La France, qu’est-ce qu’il en reste ?

Avec la rentrée politique de septembre, c’est toujours le même vacarme de fond qui recommence : politiciens qui polémiquent, chaînes d’infos qui commentent, twittos qui s’écharpent. Tout ce petit monde s’agite et croit vivre, alors qu’il barbotte en ratant l’essentiel. Et pendant ce temps-là, l’intelligence publique plonge. Alors pour ne pas rester prisonnier de cette écume des choses, L’Incorrect a décidé d’organiser une rencontre inédite entre quatre des plus grands intellectuels de notre temps, pour une conversation libre et érudite au coin du feu (du moins dans l’idée) sur quelques grands vertiges qui menacent la France dans son existence même : disparition du sacré, menace du wokisme, fin de la chrétienté, place de l’islam et de la laïcité, rôle de la presse. Réunir autour d’une même table ces quatre grands esprits était l’assurance d’une discussion politique proprement majusculaire. Silence, ça a commencé !

© Benjamin de Diesbach pour L’Incorrect

Lire aussi : Éditorial d’Arthur de Watrigant : Ivre de guerre et de pouvoir

SOMMAIRE DE LA CONVERSATION

Lire aussi : Éditorial de Jacques de Guillebon : Déconstruire

LES INTELLOS

Chantal Delsol

Élève de Julien Freund et spécialiste d’Hannah Arendt – sous le patronage de laquelle elle plaça son institut fondé en 1993 – membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 2007, Chantal Delsol appartient depuis quelques décennies déjà au gratin de la vie intellectuelle française.…

« Anges et démons » : contre Marianne et les marianneux

Existe-il encore une droite séduite par le front des souverainistes ? La raison la plus élémentaire rit doucement de cette hypothèse, mais l’homme résiste mal aux charmes des fantaisies, alors on ne sait jamais…

Lire aussi : Éditorial de Jacques de Guillebon : Déconstruire

Aujourd’hui, enfin hier, un bel exemple de l’inanité de cette stratégie. Tout commence dimanche dernier sur CNews. De treize à quatorze heures, Aymeric Pourbaix y présentait comme chaque semaine l’émission « En quête d’esprit », à l’antenne depuis mai 2020 (vous vous souvenez, l’air brutal et vif du déconfinement, et le retour des robes sur les boulevards – « que d’amours splendides j’ai rêvées »). Il y est en gros question de traiter l’actualité d’un point de vue catholique, projet bien pirate que voilà, admettons. Dimanche dernier donc, nous étions le deux octobre, soit trois jours après la saint Michel, qui, outre son statut fort jalousé parmi les légions célestes de saint patron des parachutistes, est aussi l’archange qui terrasse Lucifer dans l’Apocalypse de Jean.…

Éditorial de Jacques de Guillebon : Déconstruire

« Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? » demandent les Psaumes, et Job aussi avec eux. C’est étrangement à mesure que l’homme sait, et se sait, et se sait être, qu’il ne sait plus. Le seul être conscient ne sait pas qui il est. Étonnant constat, et ce n’est pas Descartes qui nous en sauvera. C’est pourquoi, malgré tous les discours conservateurs, il faut déconstruire.

Lire aussi : Éditorial de Jacques de Guillebon : Mais c’était qui ?

Déconstruire l’homme – qui est une femme, un jaune, un trans, une grosse, un vieux – qui croit enfin savoir qui il est depuis trente ans, et réclame la reconnaissance de son identité, fruit de son choix, comme s’il avait enfin atteint une essence certaine et définissable. Ne nous méprenons pas : il n’y a pas de femme, seulement une porteuse de parole féministe, ou un truc à vulve ; il n’y a pas de race, seulement des personnes racisées, etc.…

Extinction du sens

J'ai toujours eu du mal avec les conneries du style « Ceci n’est pas une pipe » de l’autre zizi pâteux de Magritte ou « La terre est bleue comme une orange » d’Éluard. Rien d’intéressant dans tout cela. Provocouillette. Mais ces galéjades de jaquettes cocos ont inauguré l’ère moderne de « l’extinction du sens ». Le fait que les mots, les choses, ne doivent pas avoir le sens pour lequel ils sont faits.

Artistique, l’extinction du sens est devenue politique. Avant d’être récupérée par le turbopognon. Prenez le Tour de France. Ce n’est plus un tour (il l’a été dans les années 1910 avec le fameux « chemin de ronde ») et il se déroule de moins en moins en France. Cette année, il est parti du Danemark. Demain, il partira de Nouvelle-Guinée et arrivera sur la Lune si ASO, la société organisatrice, y trouve un intérêt. Le Tour de France est devenu une franchise n’ayant plus rien à voir avec son objet initial. Le Paris-Dakar qui se déroule en Arabie ou en Amérique du sud est une franchise. L’équipe de France de foot avec ses trois « de souche » est une franchise. Brouillage du signifiant et du signifié. Les mots ne veulent plus rien dire. Ils ont été déconstruits. Vidés de leurs tripes et de leurs couilles. Comme le maquereau à Sandrine Rousseau !

Alliance du gauchisme, de la tiers-mondisation et du turbopognon qui déconstruit les mathématiques et la biologie pour arriver à un relativisme absolu

Le gauchisme a décidé que « tout était possible », qu’il ne devait y avoir aucune limite, le pognonisme california-cool a récupéré le concept et en a fait un portrait de Che Guevara qui vend du Coca. Mais les gauchistes ont toujours ce génie des nouveaux développements de l’extinction du sens. Les transgenres, par exemple, utilisent toujours leur corps pour « effacer le sens ». Vous voyez une femme, ah bah non, c’est un homme. Ou le contraire : vos yeux voient un homme mais il est « enceint » ! Votre esprit pense donc automatiquement que c’est une femme ! Ah mais que nenni ! C’est désormais un mâle. Écrit sur la carte d’identité, connard ! Vous devez administrativement et moralement le croire. Dire le contraire est un délit. On voit même fleurir depuis quelque temps le concept de « bite de femme ». Romée vous fera un dessin pour expliquer la chose… Là encore, on voit deux termes reliés qui ne peuvent aller ensemble. Mais l’air du temps a décidé que le sens des mots n’existait plus. Extinction. [...]

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Être blanc en prison

En avril 2022, le taux d’occupation moyen dans les prisons s’élevait à 117,1% en moyenne, selon les statistiques du ministère de la Justice. Avec une telle surpopulation, le nombre de détenus par cellule est revu à la hausse, avec matelas par terre et étagères entassées. C’est le cas notamment pour la maison d’arrêt de Nantes, rassemblant courtes peines et prévenus. Les suicides rythment le quotidien des détenus. Dans un article, Le Parisien dénonçait la multiplication des suicides dûs notamment aux mauvaises conditions de détention. Si beaucoup refusent le lien entre insécurité et immigration, il faut rappeler que 24,5 % des prisonniers sont étrangers, d’après les statistiques du ministère de la Justice. Cette proportion est élevée compte tenu du nombre d’étrangers en France, estimé à 10,3 % en 2021 par l’Insee. La surpopulation carcérale est intrinsèquement liée à une forte immigration. Le constat établi, quelles sont les conséquences de cette proportion d’étrangers dans les prisons ?

Lire aussi : Enquête : Ce que pèse la prison en France

Le quotidien des prisons, s’il diffère en fonction des établissements, est partout rythmé par les promenades, les repas et les parloirs. D’après un détenu, que nous appellerons Julien, « le silence n’existe pas : entre ceux qui crient à la fenêtre ou dans le couloir, ceux qui font partager à toute la prison leur musique, et ceux qui tapent de toute leur force sur leur porte, on n’est jamais au calme ». Julien et Grégoire, son codétenu, sont incarcérés dans la même maison d’arrêt ; ils partagent la cellule avec un troisième homme. Ils font partie de ces prisonniers qui souffrent de la surpopulation, étant entassés dans une cellule initialement prévue pour deux personnes. L’un d’entre eux dort sur un matelas à terre.

Les codétenus questionnés estiment que les « blancs » représentent 10% des écroués dans leur maison d’arrêt. Ils tiennent ce chiffre d’un surveillant. En ajoutant les « gitans blancs » et les « Roumains », l’estimation s’élève à 30%. De fait, ce pourcentage a une influence sur le comportement de tous les détenus. En découlent notamment des effets de bande, des rapports de leaders et suiveurs, une hiérarchie des ethnies et une pression sur les minorités. « En tant que blanc, nous confie Julien, tu sembles coupable car les vieux blancs qui arrivent sont automatiquement soupçonnés de pédophilie ». Et ce soupçon se traduit par un interrogatoire en règle par les autres détenus dès l’arrivée à la prison. [...]

Le cantique du quantique : entretien avec Charles Beigbeder

Qu’est-ce que la physique quantique va révolutionner ? 

Elle va permettre de créer une richesse inouïe d’informations : on peut l’utiliser pour faire des calculs et simuler la nature. On est en train de créer des machines quantiques, des processeurs qui pourront réaliser des calculs extrêmement compliqués que même les plus gros supercalculateurs actuels ne peuvent accomplir. Le processeur quantique peut aussi être utilisé comme un simulateur de la nature : par exemple, si l’on veut inventer de nouvelles molécules pour de nouveaux matériaux, pour de nouveaux catalyseurs afin de décarboner nos industries, ou si l’on veut inventer de nouveaux médicaments. 

Si nous devions synthétiser chaque molécule ça coûterait des millions de dollars par synthèse et il existe des milliards de milliards de combinaisons possibles. Si on sait le faire avec un ordinateur, ça ne coûte quasiment rien : c’est ce que l’on appelle la simulation de molécule. Soyons prudents tout de même : cet avantage quantique commence à se manifester mais son application réelle aura lieu dans des années, voire des dizaines d’années.

Ce sont des technologies aux conséquences tellement importantes qu’elles ont été rapidement classées comme des technologies de souveraineté par Bercy

Il n’y a donc pas encore d’application industrielle ? 

On teste toujours les premières machines quantiques qui commettent encore des erreurs. Mais chaque année qui passe, les progrès sont importants : chez Pascal par exemple, start-up française dans laquelle nous avons investi, ils estiment atteindre les 1000 qubits en 2024, un nombre avec lequel on devrait être capable de réaliser des calculs et des simulations que les supercalculateurs classiques ne savent pas faire.

Votre fonds a-t-il vocation à soutenir les souverainetés française et européenne, ou peut-il investir dans n’importe quelle start-up ? 

Le fonds est par principe global, mais il est plutôt investi aux deux tiers en Europe, dont près de 40 % en France, et aussi aux États-Unis et au Canada. Cependant, nous sommes plutôt focalisés sur l’Europe, et avons reçu le soutien de la BPI (Banque publique d’investissement) et du FEI (Fonds européen d’investissement). Il est sûr que la notion de souveraineté européenne est dans toutes les têtes quand l’on parle de quantique : ce sont des technologies aux conséquences tellement importantes qu’elles ont été rapidement classées comme des technologies de souveraineté par Bercy. [...]

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L’Incorrect numéro 73

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