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César ou Dieu : une querelle de clochers ?

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Publié le

20 novembre 2020

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Le monde catholique, clercs comme fidèles, se divise à propos de l’interdiction des messes. Dans nos colonnes, Olympia de Poortere avait apporté une respectueuse contradiction à Monseigneur Aupetit, archevêque de Paris, qui avait dénoncé les catholiques communiant sur la langue dans le contexte sanitaire actuel. Réponse de Marie-Hélene Verdier qui, si elle apprécie et encourage le zèle de la jeune fidèle, considère que la communion sur la main est tout aussi noble.
hostie

Nous avons lu, ici et là, les demandes – pour ne pas dire « les revendications » –  concernant la messe, ainsi que la colère des fidèles tradis s’insurgeant contre l’interdiction qui leur était faite de communier dans la bouche. Loin de moi l’idée de les trouver excessives ! Car la messe est une « activité essentielle » qui profite à tous et l’Eucharistie, un pain de vie que le fidèle partage avec ses frères. Notre religion et la foi ne sont pas une vie intérieure ni une religiosité. C’est parce que la sensibilité y trouve sa part que le rituel de la messe est rigoureux, canonique : afin de soustraire l’acte liturgique qu’est la messe, ainsi que la célébration des sacrements, à la fantaisie de chacun.

Notre religion n’est pas « une religion de l’amour » fût-il l’amour augmenté cher à nos philosophes et nos économistes. Véritable révolution copernicienne, le christianisme est la Révélation de Dieu fait homme qui nous sauve par son Fils. Ce n’est pas rien. « Sauver » : ce verbe n’est plus guère employé dans les prêches. « Sacrifice » non plus : cela heurterait trop nos « sensibilités » et nous culpabiliserait. Qu’elle est grande, cette religion ! Parfois, à les entendre, je me demande si nos élites n’envient pas ceux qui la pratiquent ! Voyez mon mauvais esprit ! En tout cas, elle n’est pas fumeuse, sentimentale, évanescente, notre religion. Elle a un contenu dogmatique, elle use de symboles au sens fort du terme. C’est à dire de signes de reconnaissance entre deux réalités, infiniment éloignées l’une de l’autre – l’humain et le divin – qu’il rapproche pour en faire une réalité nouvelle. Donc, le rite qui « actualise » la présence eucharistique sous la forme traditionnelle qu’elle revêt dans la communion, sont à prendre avec infiniment de respect.

Cela dit, qu’il me soit permis de répondre à la lettre d’Olympia De Poortere, adressée récemment à l’Archevêque de Paris pour les propos malheureux qu’il a tenus sur les ondes de Radio Notre-Dame.

Lire aussi : « Un petit business dans leur coin » : la réponse d’une fidèle à monseigneur Aupetit

Dans cette lettre, Olympe De Poorter déplore – elle a raison – la désacralisation de notre religion en particulier du rite de la communion reçue sous la forme traditionnelle : dans la bouche. Que dire, en effet, quand on voit « prendre » l’hostie d’une main sans que le prêtre exige les deux mains en berceau, ou quand le prêtre la donne distraitement – ce qui arrive – sans s’assurer qu’elle soit portée – ce qui arrive aussi – à la bouche du communiant ? Tout cela est infiniment vrai. On dira que ce sont « les traditionalistes » autrement dit les « piments verts », qui communient dans la bouche. Certes ! Mais ce sont ces jeunes poivrons, dans la verdeur de la jeunesse, qui reçoivent l’Eucharistie, agenouillés, avec un respect qui nous donnent à tous une leçon. Les mêmes qui, petits-enfants de la génération de Jean-Paul II, réveillent une Église un peu trop… docile au pouvoir. Et qui pimentent, en ce moment, une vie sociale et religieuse comateuse. Loués soient-ils !

Que l’Église vive sous un régime de dictature sanitaire est loin d’être faux. Car enfin, à voir la conduite, exemplaire, des fidèles dans les églises, on ne comprend pas pourquoi on empêche la célébration des messes, alors que Monoprix et Bricorama sont ouverts. Que l’empêchement de communier dans la bouche soit mal vécu par les fidèles, on le comprend aisément. Faut-il néanmoins rappeler que le célébrant, après avoir donné la communion à une foule nombreuse, se lave les mains discrètement derrière l’autel ? Alors, comme le virus, se transmet par les postillons auxquels à part la salive, n’est-il pas inopportun d’ergoter, en ce moment, sur l’innocuité des postillons quand on communie, plutôt que d’accepter, d’un cœur libre, une contrainte sanitaire momentanée – du moins, on l’espère – pour éviter toute « polémique » ?

La communion dans la main ne devrait donc pas être ressentie comme une frustration. Car elle est un beau rite rapporté par Cyrille de Jérusalem : « Avec ta main gauche, fais un trône pour la droite car elle va recevoir le Roi. Courbe alors ta paume en creux et reçois le Corps du Christ en disant Amen »

On sait que la communion peut être reçue dans la bouche (depuis le Moyen-Age) et dans la main. Ces deux manières de communier sont toutes les deux admises par l’Église. La communion dans la main ne devrait donc pas être ressentie comme une frustration. Car elle est un beau rite rapporté par Cyrille de Jérusalem dans Explications des mystères : la messe, cinquième instruction : « Avec ta main gauche, fais un trône pour la droite car elle va recevoir le Roi. Courbe alors ta paume en creux et reçois le Corps du Christ en disant Amen ». Soyons honnête. Même si le pape Benoît privilégie la communion dans la bouche, le symbole du berceau que forme la main au creux duquel on recueille l’hostie est magnifique. Surtout, cette contrainte peut être l’occasion d’approfondir le sens de la communion : celui de la présence réelle donc infiniment mystérieuse du Christ, en nous et au monde, qui ne réside pas dans la matérialité de l’hostie.

Enfin, cette forme, si humble, de communion, dans la main, tendue et offerte, peut nous inviter à réfléchir à la distinction entre César et Dieu : rendre à Dieu ce qui lui appartient – tout –, ce n’est pas ne rien rendre à César. Si, en temps normal, César Auguste nous interdisait de ne pas communier à la main, et, quand l’épidémie serait passée, dans la bouche, oui, il faudrait se rebeller. Ce n’est pas le cas ici. Prenons donc garde à ne pas faire, de Dieu, un fétiche. Le fétiche, c’est un objet auquel on attribue un pouvoir magique et bénéfique. Pas plus que Marie n’est la Pacha Mamma, Dieu, présent dans l’Eucharistie, n’est pas un fétiche dans lequel il serait enfermé sous une forme à laquelle une seule forme de communion donnerait accès.

Lire aussi : Collectif Pour la messe : « Notre revendication est le respect d’une liberté fondamentale : la liberté de culte »

« Dieu, nous ne nous permettons pas de le toucher avec nos mains » écrit Olympia De Poortere. J’aimerais rappeler ici le début de la Première Épître de Saint Jean : « Ce qui était dès le commencement / ce que nous avons entendu / ce que nous avons vu de nos yeux /ce que nous avons contemplé /ce que nos mains ont touché du Verbe de vie / Car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage… » Le texte abonde en verbes de sensation. Le verbe toucher est dit deux fois. Puisque Dieu accepte de se faire pain que l’on mâche, on ne peut redouter de le toucher.

La lettre d’Olympe de Poorter a le grand mérite de dire le malaise dont nous souffrons avec la désacralisation des rites dans notre religion. Les poivrons verts (couleur écolo très tendance dans l’Église !) ont le mérite de faire « bouger les lignes » de notre vie religieuse. De réveiller les Éminences. Si des reproches ont été faits à ces requérants courageux du référé au Conseil d’État du 7 novembre 2020, si l’interdiction de la communion dans la main a peut-être été mal présentée, il ne faudrait pas néanmoins interpréter en mauvaise part les propos de l’Archevêque de Paris, sans nul doute tenus a bracchio.

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