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Dupond démission ?

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Publié le

15 novembre 2023

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Pour l’exigence d’impartialité de la justice et par respect pour l’institution, monsieur Dupond-Moretti devrait quitter son poste, qu’il soit coupable ou non des faits qui lui sont reprochés.

Nul n’ignore que le ministre de la Justice, M. Dupond-Moretti, est aux prises, précisément, avec la justice. Tout le paradoxe est là, de sa présence persistante dans le gouvernement de ce pays.

Le ministre de la Justice, par la noblesse de son objet, est assurément le titre le plus élevé qui soit dans un gouvernement. « Ministre », chacun le sait, signifie « serviteur ». Il y a des ministres de rien, comme le ministre des Solidarités ou le ministre de la Transformation. Il en est autrement du ministre de la Justice. Celui-là n’est pas ministre « pour la justice », ni « pour l’organisation de la justice ». Il est ministre « de la justice », et donc serviteur de cette dernière, serviteur du droit.

La possibilité que ce ministre puisse être un délinquant est, à elle seule, plus qu’insupportable.

Mme Borne, comme bien d’autres – à commencer par l’intéressé lui-même – nous assure que M. Dupond-Moretti n’a aucune raison de quitter son poste au motif qu’il bénéficie de la présomption d’innocence. L’argument ne laisse pas de surprendre. Il justifie, d’une manière générale, que toute fripouille puisse aisément prospérer dans un gouvernement tant qu’elle n’est pas encore condamnée. Il est difficile de donner une idée plus dégradée de l’estime des postes occupés, et de la faible dignité qui suffit pour y prétendre.

Outre que l’invocation de cette présomption, dans l’ordre politique, est contestable, elle constitue une objection qui en l’espèce l’est plus encore.

Pour le comprendre, il faut rappeler qu’un principe capital gouverne tout jugement équitable. À savoir que le juge appelé à rendre une décision, en quelque affaire que ce soit, et quelle que soit la juridiction à laquelle il appartient, doit être exempt de toute ombre de partialité. Cela signifie, en particulier, qu’il ne doit pas pouvoir être soupçonné de la moindre connivence avec l’une des parties en procès, alors même que tout tribunal est présumé impartial. A fortiori de la moindre malhonnêteté.

L’exigence de cette impartialité est telle que, dans une affaire déterminée, le juge lui-même doit prévenir tout doute possible, susceptible d’affecter non seulement son jugement à venir, mais aussi et surtout le système judiciaire en son ensemble, que son maintien pourrait discréditer. C’est une condition fondamentale de la crédibilité de ce système. Ainsi, de lui-même, le juge concerné doit demander au président de sa juridiction sa récusation au profit d’un autre magistrat. Il n’est pas déplacé d’ajouter que c’est aussi affaire de dignité et d’honneur personnel.

Y a-t-il un motif de ne pas raisonner également en notre matière ?

Sur le principe, faisons-en l’aveu : il nous est tout à fait indifférent de savoir si, à titre personnel, M. Dupond-Moretti est coupable ou non des faits qui lui sont reprochés. Il nous est dès lors tout aussi indifférent de savoir s’il bénéficie ou non d’une présomption d’innocence que de savoir s’il est présumé avoir les pieds plats. Ce n’est pas notre affaire. Personne, au demeurant, n’est plus dupe depuis longtemps. Tant de politiciens-voyous ont clamé qu’ils faisaient « confiance à la justice de leur pays », avant d’être condamnés par elle, que l’invocation de leur innocence présumée n’impressionne plus personne. L’invocation à tour de bras de cette présomption prête d’ailleurs plutôt souvent à rire, comme lorsque la presse parle d’un présumé agresseur à propos d’un type qui vient d’égorger l’un de ses semblables sous les yeux de tous.

Ce qui n’est pas indifférent, en revanche, c’est qu’un « serviteur de la justice » puisse tenir si peu de cas de la grandeur de sa fonction qu’il s’y accroche farouchement en dépit des soupçons qui pèsent objectivement sur lui, précisément en sa fonction de « serviteur de la justice ». Qu’il le veuille ou non, ces soupçons suffisent, à eux seuls, à ternir l’image même que les Français sont en droit d’attendre de l’institution judiciaire qu’il représente. Un peu de dignité aurait dû suffire à en convaincre M. Dupond-Moretti lui-même. Puisse-t-il, au bout du compte, être totalement blanchi au terme de son procès, car, dans le cas inverse, l’ignominie serait à son comble.

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