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Éditorial culture de Romaric Sangars : Perspectives

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Publié le

8 janvier 2024

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« 2024 verra sans doute encore le goût du lynchage se répandre, puisqu’il s’est déchaîné de manière croissante l’an dernier, au prétexte d’un conflit de générations. » Éditorial culture du numéro 71.
© Henry Hustava – Unsplash

L’an neuf accentue l’illusion que les choses pourraient s’améliorer par elles-mêmes, juste en raison du fil du temps, cette paresseuse superstition progressiste. Eh bien non, le seul vrai progrès est spirituel, comme le rappelle Matthieu Falcone après Charles Baudelaire, ce qui implique un éveil, un feu sans cesse attisé, un éclaircissement poursuivi; une lutte acharnée contre tout ce qui, sans cesse, conspire à nous réduire.

2024 verra sans doute encore le goût du lynchage se répandre, puisqu’il s’est déchaîné de manière croissante l’an dernier, au prétexte d’un conflit de générations. Alors que les soixante-huitards prônaient le débraillement général et la transgression particulière afin de sortir de l’étouffoir où leurs parents semblaient les avoir élevés (il faut dire que deux guerres mondiales, ça raidit), leurs petits-enfants nés en 0 traquent la moindre blague graveleuse ou provocation d’époque pour déboulonner les statues d’hier, eux qui ne supportent plus que les martyrologues à leur image (dommage qu’ils ne ressemblent à rien). Entre-temps, on est passé d’un Gainsbourg maîtrisant parfaitement la prosodie française ou la musique de Chopin, citant Oscar Wilde et Francis Bacon, et capable d’être acerbe sur la pop culture, à Jul. C’est là que je vois, quant à moi, une faute morale impardonnable. Depuis Jul, on ne juge rien. On devrait juste fermer sa gueule.

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2024 verra probablement certains paradoxes s’accentuer et des malentendus s’accroître. Des êtres de plus en plus limités à eux-mêmes et obsédés par leur personne, des êtres incapables d’imaginer qu’on ait pu vivre avant eux, viendront vous expliquer que vous êtes obtus parce que vous n’êtes pas superposable à leur identité en kit. De jeunes musiciens pop déclineront nos propositions d’entretiens tout en se félicitant qu’on les promeuve au prétexte que nous ne partagerions pas les mêmes valeurs, comme la tolérance idéologique en matière d’art, j’imagine, ou le fait de débattre avec des personnes aux avis divergents (quelle absurdité!), et bien que nous n’ayons, par ailleurs, jamais été intéressés par leurs opinions sur la nation ou la géopolitique, opinions auxquelles, émises par eux, nous prêtons autant d’attention qu’au ronronnement d’un réfrigérateur. Moins les gens ont de singularité, plus ils la barricadent. Nous resterons magnanimes, quant à nous, parce que nous le valons bien, d’ailleurs vous lirez même dans ces pages un éloge de Saez, ce vieil ado libertaire.

2024 verra assurément se poursuivre l’arraisonnement de l’art à la moraline progressiste et à la sociologie illustrée. Au fond, la meilleure manière de donner l’impression qu’on a quelque chose à dire, c’est encore d’accuser quelqu’un. Mieux: accuser tout le monde grâce au tour de passe-passe « systémique » (c’est surtout la connerie et la lâcheté qui sont « systémiques » parce que mimétiques, insidieusement virales). Or, tant qu’on ne s’est pas accusé soi-même, on reste en dehors de l’art comme de toute vie intérieure. Heureusement, Patrice Jean nous rappelle ces vérités avec un virulent brio pour commencer l’année assuré sur des critères authentiques.

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2024 verra, n’en doutons pas, beaucoup de crises se déclarer ou s’étendre, et donc beaucoup de masques tomber, beaucoup d’œuvres trahir le toc qui les constituait, mais également, notre espérance est vive, beaucoup d’écrivains, de cinéastes, de musiciens inventer le génie d’aujourd’hui pour que celui d’hier ne demeure pas sans descendance. Il faudra les défendre contre l’union que les médiocres et les faussaires scellent toujours avec la paresse des masses. Vous pourrez compter sur nous, chers lecteurs. En art comme dans d’autres matières, nous ne sommes pas pacifistes, et nous sommes prêts à nous battre.

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