Quel est le regard de l’historien, du spécialiste de Napoléon sur cette polémique naissante au sujet des commémorations du bicentenaire ?
Il y a deux choses concomitantes. La première est le prétexte des situations actuelles notamment vis-à-vis de la question de l’esclavage et l’autre qui est celle de l’éducation et de la place des femmes dans la société, cette double interrogation profite, à la fois, bien sûr du bicentenaire de Napoléon qui approche et aussi parce que ses institutions dont nous sommes aujourd’hui les dépositaires sont pour une très large part issues du Premier Empire. Donc soit directement ou soit indirectement, Napoléon est au cœur des questions de société. Elles peuvent être légitimes mais le fait de trouver le prétexte d’un anniversaire dénature la question elle-même. En clair, on juge le passé avec notre regard contemporain et c’est à mon avis, une profonde erreur.
Déjà en 2005, l’État avait refusé de commémorer le bicentenaire d’Austerlitz. Il y a une certaine continuité aujourd’hui mais pas pour les mêmes raisons. L’influence naissante de la « cancel culture » ?
En effet. Le côté pratique de l’opération est de tirer à boulets rouges sur un personnage historique qui a une stature internationale. Comme les feux sont braqués sur l’actualité de commémoration, on en profite pour attaquer aussi à la fois les tenants d’un certain légitimisme français et les personnes qui sont au pouvoir actuellement. En fait, on se sert de Napoléon comme une sorte de miroir des problèmes actuels. Il y a eu une excellente tribune dans le Journal du dimanche qui disait que l’on ne s’attaquait pas forcément à la nature du problème et que l’on trouvait au personnage de Napoléon les mêmes défauts que l’on peut trouver chez une personne dans une rencontre de copropriété. [...]
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