Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre, qu’on sent très personnel, sur Hannah Arendt ?
Il ne faut jamais manquer une occasion de dire la dette que l’on a contractée envers une grande pensée, et cette occasion me fut offerte par mon éditrice. Je dois à Hannah Arendt de m’avoir tôt libérée des idées, des sentiments, des jugements dont bourdonnait la caverne des années 1980, ces années du mitterrandisme, de SOS Racisme, du jacklanguisme flagornant la jeunesse et par là même l’incarcérant dans son « monde », le tout sur fond de pédagogie progressiste qui, avec l’alibi de notre liberté, se délestait du fardeau de la transmission du vieux monde. À rebours, Arendt me dotait d’une philosophie, d’une idée de l’homme autrement roborative et responsable surtout. Une phrase fit mouche : « Avec la conception et la naissance, les parents ne donnent pas seulement la vie, ils introduisent dans un monde » et par monde, Arendt n’entend rien d’horizontal mais bien une civilisation, une sédimentation historique. Lapalissade, dira-t-on, sauf que la philosophie moderne ignore tout de cette magnifique intrigue : elle pose l’homme comme premier, séparé, atome parmi d’autres atomes et regarde le moindre lien comme une entrave à la liberté. [...]
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