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À la fois thriller, mélodrame et fantastique, le premier film de Michael Pearce détone par sa beauté et sa noirceur. Une déflagration à retardement qu’on devine foudroyante mais dont on ignore la destination.
Sur l’île de Jersey, Moll tombe amoureuse d’un homme mystérieux, Pascal. Cette rencontre la pousse à fuir sa famille tyrannique. Alors que l’homme est soupçonné de plusieurs meurtres de jeunes filles, elle le défend aveuglément.
Pour son premier long-métrage (au titre original – Beast – bien meilleur que son titre anglais pour Français), Michael Pearce dessine les contours de l’Homme, cette bête qui pense. Dès l’ouverture, le réalisateur anglais choisit d’épouser exclusivement le point de vue de Moll, créant ainsi une relation complexe entre le personnage et le spectateur, pour amener ce dernier sur des chemins qu’il n’a pas l’habitude d’emprunter. On ne sait guère de choses sur cette jeune femme sinon qu’elle n’est pas heureuse. Prisonnière, au départ, de son carcan familial, sous l’emprise de sa mère qui la traite comme une enfant, la rencontre de Pascal lui offre l’espoir d’un affranchissement. Mais chez Pearce, rien n’est simple. Il masque habilement les coutures de l’habillage simpliste de ses protagonistes et de sa dramaturgie en trois actes pour mieux développer une ambiguïté fascinante.
Tension permanente
D’un fait divers monstrueux des années soixante baptisé « La Bête de Jersey », et ayant trait aux agissements d’un violeur d’enfant sur l’île de Jersey pendant dix ans, Michael Pearce tire un conte pour adulte digne de Charles Perrault, un Cendrillon des temps modernes sans sa marraine la fée. Par des choix esthétiques à la fois intemporels, modernes ou vintages, comme la robe pastel de Moll, le réalisateur prend garde de ne pas figer son film dans une époque déterminée. S’il crée deux mondes au décor binaire à première vue rassurant – l’univers de la jeune femme, rigide et étouffant, accentué par des plans fixes, et celui de Pascal, libre et organique, souligné par une caméra flottante et une grande profondeur de champ – son utilisation troublante de l’espace, du son, des musiques qui s’enchevêtrent et des zooms crée une tension permanente. Comme chaque personnage, le danger n’est jamais là où on l’attend.
Un anti Guillermo Del Toro
À l’inverse de Guillermo Del Toro et de son mauvais La Forme de l’eau, le réalisateur anglais n’a guère besoin d’effets de manche et d’esbroufes pour mettre en scène la dualité de l’homme et de la bête. Lorsque Moll suit Pascal dans les bois, elle se fige subitement tel un animal sentant le danger. Le regard de Pascal s’assombrit et Moll, poussée par un désir sexuel sauvage, se jette sur lui. La bête qui sommeille en l’Homme n’est pas une posture. Moll rejette un de ses courtisans à l’apparence bienveillante parce qu’elle « n’aime pas son odeur » et rompt avec sa famille parce qu’elle succombe au parfum de Pascal. Alors que chez le réalisateur mexicain tout se fige dans une caricature grotesque, Michael Pearce ose penser que le spectateur est doté d’un cerveau et digne qu’on lui confie les clés de l’interprétation. Au mystère qui entoure Pascal, dont on ne sait jamais s’il est un prince charmant ou le loup du chaperon rouge, Pearce ajoute celui environnant Moll : est-elle naïve ou est-elle folle ? Est-elle aveuglée par l’amour ? Utilise-t-elle Pascal pour se venger de sa famille ? Ou même : est-elle une bête ? Le spectateur envisage alors que les actes sordides puissent être commis par les personnages qu’il a appris à aimer… Si Jersey Affair souffre de quelques longueurs à mi-parcours, il n’en reste pas moins surprenant par son mélange des genres parfaitement maîtrisé. À la fois thriller, mélodrame et fantastique, il détone par sa beauté et sa noirceur. Une déflagration à retardement qu’on devine foudroyante mais dont on ignore la destination.
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