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Le prix Goncourt réussit son envol

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Publié le

30 novembre 2020

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2020, bonne année pour les virus et les prix ? Hervé Le Tellier, avec son Anomalie (Gallimard) fait en tout cas un excellent lauréat du Goncourt. Retour sur le lauréat et le palmarès.
Bon cours

Il y avait deux nouveautés, cette année, au prix Goncourt. La première, c’est que la délibération et l’annonce du résultat ont eu lieu sur Zoom, pour cause de crise sanitaire. La deuxième, c’est que le prix couronne un excellent roman. Mais allez, soyons justes : la vérité, c’est que tous les lauréats des dernières années sont en fait respectables, qu’il s’agisse de Jean-Paul Dubois (2019), de Nicolas Mathieu (2018), d’Eric Vuillard (2017), de Pierre Lemaitre (2013) ou de Mathias Enard (2015). On pourra discuter sur le cas Leila Slimani (2016), ou sur tel et tel lauréats plus anciens ; reste que dans l’ensemble, la liste fait mentir la réputation de loupé systématique du prix, qui avait inspiré à Iegor Gran une satire, Le Truoc-Nog, voici vingt ans. Parmi les quatre finalistes du millésime 2020, Hervé Le Tellier était largement pressenti comme vainqueur.

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Quatre raisons d’applaudir

L’Incorrect applaudit sa victoire des deux mains, pour plusieurs raisons. 1° C’est un excellent écrivain, à la longue carrière truffée de bons livres. 2° C’est un membre éminent de l’Oulipo depuis 1992 : or, toute occasion est bonne de faire parler de cette congrégation farfelue d’amateurs de défis langagiers et textuels, qui maintient vivace la tradition des Perec, Queneau et autres ancêtres. 3° Le roman qui lui vaut sa médaille, L’Anomalie (Gallimard), avec son avion auquel il arrive des bricoles dans l’espace-temps, est une excellente variation sur un motif de SF ou de fantastique, à la fois ludique et profonde, avec des clins d’œil, des saluts rituels aux codes du genre, et une réflexion intéressante sur les thèmes du double, de l’alter ego, des vies qu’on aurait pu mener si tel détail avait changé, dans le passé. 4° L’intrigue repose sur un basculement difficile à dévoiler, sous peine de gâcher une partie du suspense : du coup, il est cocasse de songer que dans les discussions à venir sur ce roman, les interlocuteurs devront rivaliser d’ingéniosité pour contourner l’obstacle. Rien que pour ça, il valait la peine de lui donner la palme, et de le faire déposer ainsi au pied des sapins.

Une bonne récolte

Il y voisinera, peut-être, avec Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon (Buchet-Chastel), prix Renaudot. L’Incorrect applaudit, un peu moins fort. Et suggère, en cas d’expédition chez le libraire, d’embarquer plutôt le Renaudot essai, Les Villes de papier de Dominique Fortier, beau livre consacré à Emily Dickinson (Grasset), ou le Flore, Thibaut de Montaigu, pour La Grâce (Fayard), vanté dans nos colonnes en novembre. Voire – car notre largeur d’esprit est immense – le prix (l’un des deux prix) des Inrocks, Eric Reinhardt, que nous avions rencontré en septembre pour Comédies françaises (Gallimard). Demain, mardi 1er décembre, la saison des prix s’achève avec l’attribution du prix… Décembre. Après quoi la neige recouvre tout, tandis que s’annonce, déjà, la rentrée de janvier – mais c’est une autre histoire, à suivre prochainement. Et bien sûr, les célèbres prix de L’Incorrect, qui ne seront pas décernés sur Zoom, ce pourquoi leur remise dépend, comme notre moral, de la réouverture des bars.

L’Anomalie de Hervé Le Tellier
Gallimard, 336 p., 20€

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