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L’édito de Romaric Sangars : Du pareil au même

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Publié le

10 mai 2018

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C’est pourquoi cinquante ans après 68, nous qui refusons de nous abandonner au conformisme du groupe, sommes les seuls à défendre la singularité ; c’est pourquoi, cinquante ans après 68 ; nous qui refusons la régression vers l’indifférenciation sympathique et globale, sommes les seuls révolutionnaires ; c’est pourquoi, cinquante ans après 68, nous qui refusons de dépaver le désert, sommes les seuls à progresser encore vers l’impossible.

 

Le rayonnement des situationnistes et des thèses de Guy Debord sur le « Spectacle » est sans doute la seule chose qui ait jamais eu lieu d’intéressant en Mai 68, même si 68 représenta précisément une occurrence spectaculaire de la Révolution, un carnaval sans mort, et dont le triomphe ne se réalisa véritablement qu’avec l’ère mitterrandienne, quand tout devint spectacle, que ces valeurs s’imposèrent partout, et que les satellites artificiels tissèrent une nouvelle réalité circumterrestre exigeant l’impossible du jouir sans entrave et sans temps morts à la planète entière au risque que celle-ci au bout du compte en crève.

 

Toute dynamique entraîne son retournement paradoxal, si bien qu’à partir d’un certain degré, la première vertu du spectacle devint la prétention à la spontanéité, au naturel, à la sincérité. Debord avait déjà prévenu que « dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux », mais l’évolution des choses a produit ceci que le sommet du factice, aujourd’hui, rejoint le débraillé le plus brutal. La téléréalité ou l’exhibitionnisme des réseaux sociaux enjoignent ainsi chacun à se promouvoir dans sa singularité la plus crue, à revendiquer sa spécificité naturelle, à imposer aux autres son « moi » à l’état pur.

 

Mais que se passe-t-il ? Il se passe que le « moi » à l’état pur est strictement dépourvu d’originalité, qu’on ne naît pas soi-même, homme ou femme, mais qu’on le devient, et qu’on le devient au prix de beaucoup d’art. Celui qui se désinhibe sans préparation, loin de luire d’un éclat unique, se confond aussitôt avec une caricature. Il devient un mème, du mécanique plaqué sur du vivant, comme Henry de Lesquen ou Nabilla (la seconde semblant néanmoins moins dupe que le premier du phénomène). On s’approche de soi, d’un soi réel, en s’épurant, et on s’épure par des chocs systématiques. C’est à cela que sert la culture, à produire de tels chocs (ou la prière, l’amour et le combat).

 

Les œuvres qui n’en produisent pas, de tels chocs, contribuent au conditionnement, l’entretiennent, le justifient, et renforcent l’aliénation générale, accroissent la violence de l’aliénation générale. Il ne faudrait pas croire qu’on ait d’autre choix que celui entre deux violences, celle qui élève et celle qui abaisse. Ceux qui s’indignent de la première sont toujours les complices de la seconde. Et ce sont eux qui ont triomphé depuis partout, valorisant l’expression pour l’expression, la sincérité pour elle-même, et la tiédeur complaisante comme climat de notre plus insidieuse et plus efficace mise au pas.

 

C’est pourquoi cinquante ans après 68, nous qui refusons de nous abandonner à notre premier « moi », c’est-à-dire à nous abandonner au conformisme du groupe, sommes les seuls à défendre la singularité ; c’est pourquoi, cinquante ans après 68 ; nous qui refusons la régression vers l’indifférenciation sympathique et globale, sommes les seuls révolutionnaires ; c’est pourquoi, cinquante ans après 68, nous qui refusons de dépaver le désert, sommes les seuls à progresser encore vers l’impossible.

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