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L’Inconomiste – Au-delà de l’offre et de la demande : le juste prix

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18 juin 2021

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Loin de donner un blanc-seing à la mécanique brute du marché, la doctrine sociale de l’Église rappelle qu’il existe pour chaque bien et service un prix juste attaché à sa valeur réelle, et sans lequel le bien commun ne peut être atteint.
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Quoique peu courante, la mesure n’a pas fait l’objet des analyses qu’elle aurait méritées. Depuis plus d’une année, les prix du gel hydroalcoolique puis des masques chirurgicaux ont été encadrés, par crainte d’« abus nombreux » dénoncés dès début mars 2020 par Bruno Le Maire : « Des informations me sont remontées indiquant que le prix des gels hydroalcooliques aurait doublé ou triplé dans certains commerces et plateformes en ligne. Il serait inacceptable qu’il y ait la moindre spéculation sur le coronavirus ». Bénins à première vue mais pourtant lourds de sens sur le plan doctrinal, ces mots suffisaient à disqualifier en absolu l’idée d’un fonctionnement nu de la loi du marché pour déterminer les prix. La notion d’abus, toute subjective, faisait ré-intervenir le politique dans un champ économique théoriquement autonome. Succulente ironie que cette entrave à la règle fondamentale du marché dût être exécutée par des libéraux – comme l’assignation à résidence le fut par ceux de nulle part.

Lire aussi : L’Inconomiste : Plaidoyer pour L’État stratège

Injustice fondamentale du marché

C’est que la loi du marché laissée à la rencontre brute de l’offre et de la demande repose sur une injustice manifeste : le prix est corrélé positivement à la demande, de sorte qu’un besoin important entraîne une hausse du prix à payer, indépendamment des qualités intrinsèques du produit en question. En clair, l’homme devrait payer plus cher sa pelle à neige lorsqu’il est bloqué par la poudreuse, ou son pain lorsqu’il a l’estomac serré par la faim. Le vendeur profite alors de l’intensité du besoin de l’acheteur, facturant ce qui n’est pas de son fait. À l’échelle collective, en cas d’offre restreinte et de demande abondante, les prix s’envolent, et c’est pour endiguer cette mécanique que de nombreuses métropoles encadrent les loyers. Notons que le marché peut aussi léser le vendeur par des prix non-rémunérateurs, en cas d’offre trop abondante – pensons au prix du lait, que beaucoup d’agriculteurs aimeraient voir adosser à un seuil plancher – ou de pouvoir de marché de quelques-uns tirant les prix à la baisse pour éliminer la concurrence : le prix unique du livre fut établi pour sauver les librairies de la prédation des grandes surfaces.

Qu’importe que le prix soit juste tant qu’il est consenti par les contractants, quand bien même ce consentement reposerait sur la vulnérabilité d’une des parties

L’argutie utilitariste rétorque que le marché reste le plus efficace instrument de répartition des ressources, instrument qui pourtant postule que c’est toujours le plus offrant qui remportera ; réponse qui, si elle accommode la bourse du cédant, ne satisfait nullement aux exigences de la justice et de la morale. Et pour cause, les grands théoriciens libéraux ne prétendent pas les satisfaire : le marché n’est qu’un ordonnateur qui pose un prix pour maximiser l’allocation globale, sans souci ni de la qualité des transactions, ni du bien commun – chimère à leurs yeux. Qu’importe que le prix soit juste tant qu’il est consenti par les contractants, quand bien même ce consentement reposerait sur la vulnérabilité d’une des parties (pression, asymétrie d’informations, détresse). Cette absence de justice n’est donc pas tant le résultat de dysfonctionnements du marché en certaines situations, que le fondement de sa logique, et c’est pourquoi l’Église propose d’y répondre par le juste prix, théorisé au Moyen-âge par saint Tomas d’Aquin et la philosophie scolastique, intégré depuis au corpus de son enseignement social.

Qu’est-ce que la valeur ? [...]

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