Le critique connaît quelques joies pures, notamment lorsqu’une antique mine, dont il pensait que tous les trésors avaient été extraits, lui offre ce dernier diamant qu’il n’attendait plus. C’est à peu près ce que nous avons ressenti quand cet inédit de Nicolás Gómez Dávila nous est arrivé. Un Cœur révolté est l’un de ses premiers textes, paru en 1959 sous le titre le plus anti-marketing qui soit, Textos 1, en une édition limitée et non-commerciale. À cette époque, vivant d’une fortune familiale faite dans le commerce de tissu, et revenu d’un long séjour en France (ce génie-là, inspiré par nos grands moralistes, est encore français), l’intellectuel colombien avait déjà opté pour la vie méditative, et s’était installé dans la bibliothèque de son château style Tudor, d’où il refusait les propositions du monde et cultivait son mépris de la renommée. « Vivre avec lucidité une vie simple, silencieuse, discrète, parmi des livres intelligents, et aimé de quelques êtres chers. » C’est ce retrait monastique, entrecoupé de quelques mondanités où il fit briller son esprit, qui permit au philosophe de conjuguer la pénétration du géologue, intéressé seulement par les profondeurs structurantes et jamais détourné par l’écume des polémiques, à la science du parfumeur, s’ingéniant à concentrer les arômes de façon maximale, et à l’habileté de l’archer, prompt à décocher des flèches de pensée d’un raffinement et d’une précision inouïs. [...]
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