Cette conception est celle dominante au sein du parti d’extrême droite MHP (même si il existe une autre tradition valorisant dans le même parti un néo-tengrisme). Elle considère à la fois qu’être turc revient à être musulman (adhérant à la vision ethno-religieuse de Ziya Gokalp et des jeunes turcs qui a servi de critère de définition de la « turcité » pour le génocide arménien) et que le « peuple turc » est celui ayant porté la « bannière de l’islam » en Anatolie, au Causcase, dans les Balkans et en Inde et que donc s’opposer à la Turquie revient à s’opposer à l’islam (d’où le discours accusant les « séparatistes kurdes » du PKK d’être arméniens.
Cette vision peut s’appuyer sur la vision kémaliste qui se différencie de celle du MHP sur la vision géopolitique (plus centrée sur l’extension du sanctuaire anatolien et moins sur les rêves touraniens) et sur une partie des alliances choisies (les kémalistes étant pour des liens avec Israël gênant le MHP du fait de l’antisémitisme de ce parti). Depuis 2015, l’alliance avec le MHP et la rupture claire avec le gulenisme, le pouvoir turc adopte un discours beaucoup moins simplement islamiste que « turcoislamique ». Cela se voit avec la libération des officiers impliqués dans le procès Ergenekon et avec le soutien du Vatan partisi marxiste, ultra nationaliste et négationniste à la coalition d’Erdogan et du MHP.
Le positionnement « laic » au sens kémaliste c’est-à-dire pas d’islam visible mais islam défini comme élément de l’identité azérie et l’opposition à l’Arménie chrétienne va parfaitement avec la synthèse turco-islamique
Il est logique que dans ce nouvel univers idéologique la Turquie soutienne à bras ouverts l’Azerbaidjan. Le positionnement « laic » au sens kémaliste c’est-à-dire pas d’islam visible mais islam défini comme élément de l’identité azérie et l’opposition à l’Arménie chrétienne va parfaitement avec la synthèse turco-islamique. On peut rappeler que Ziya Gokalp est tout à la fois un apôtre d’un panturquisme ethno-national (incluant l’assimilation forcée lors du génocide d’un certain nombre de jeunes filles arméniennes et d’orphelins arméniens), un opposant à l’islamisme au sens de l’opposition kémaliste à celui-ci et un penseur définissant l’ethno-national en termes religieux dans ces vers « Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles sont nos casques, les mosquées nos casernes, et les croyants sont nos soldats ». Son programme est d’ailleurs bien résumé par le slogan ternaire qu’il avait adopté « turquifier, islamiser, moderniser ». Chaque sous-courant du consensus nationaliste et raciste au pouvoir en Turquie y trouve donc son compte : les kémalistes y voient un moyen d’agrandir en soutenant des « frères turcs laics » le pré carré anatolien face à un peuple vu comme « surnuméraire » dans leur vision du monde, les islamistes un moyen d’affronter à nouveau les « croisés » et les pantouranistes le chemin vers l’Asie centrale (tout en considérant qu’éliminer la dernière présence arménienne dans les terres historiques de l’Arménie les réjouirait).
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