Le 5 avril 1971 paraît dans Le Nouvel Observateur le « Manifeste des 343 », soit « la liste des 343 Françaises qui ont le courage de signer le manifeste “Je me suis fait avorter” », comme titrait l’hebdomadaire de gauche. Rédigée pour revendiquer la légalisation de l’avortement, la pétition proclamait dès son premier point : « Je ferai un enfant si j’en ai envie, nulle pression morale, nulle institution, nul impératif économique ne peut m’y contraindre. Cela est mon pouvoir politique ». Traduction : l’avortement permettra la libération des femmes du joug patriarcal et de ses vieilles normes sociales. Non plus enfermées dans leur rôle maternel, elles pourront agir familialement et professionnellement selon leur gré. Si leur voeu est exaucé quatre ans plus tard avec la loi Veil, la libération promise n’a jamais eu lieu, loin s’en faut. C’est que, comme l’a analysé Émile Durkheim dans son maître-ouvrage Le Suicide, des tendances sociologiques lourdes se dégagent de tout « fait social ». L’avortement n’échappe pas à la règle : s’il « touche toutes sortes de femmes » comme le dit l’association Alliance Vita, certaines ont plus de probabilités que d’autres d’avorter. En l’occurrence, les femmes jeunes, célibataires, à faibles revenus et vivant dans des régions pauvres.
Les jeunes femmes célibataires surreprésentées
Les jeunes femmes représentent une part significative des avortements. D’après une étude de décembre 2020 pilotée par la DREES, si le taux de recours à l’IVG est de 16 pour 1 000 femmes (15-49 ans) en 2019, il atteint 27,9 ‰ pour les 20-29 ans. Cette dynamique se renforce puisque le taux était de 22 ‰ en 1990. C’est que cette tranche correspond « aux âges de fertilité et de mise en couple pas toujours stables vers la fin des études ou le début d’entrée dans la vie professionnelle. […] Avoir un enfant à 25 ans n’est pas socialement toujours bien vu. Certains pensent qu’il vaut mieux attendre ». Fréquent à ces âges, le célibat favorise davantage le recours à l’avortement : toutes choses égales par ailleurs, être en couple diminuait de 37 % la probabilité d’avoir recours à une IVG en 2016. [...]
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