Pour peu qu’on se laisse déchirer par les témoignages qui parsèment l’écriture du rapport, et qui sont dans le recueil de témoignages De victimes à témoins publié aux côtés de celui-ci, la question est aussi vive qu’une entaille dans la chair. C’est une série de claques du réel : il y a des hommes qui entachent de leurs vices la fraîcheur de l’enfance, c’est une chose ; que ces hommes soient des prêtres et des religieux c’en est une autre ; que leurs supérieurs s’en soient rendus complices par le silence, une troisième. Passés la stupeur, le silence et les larmes, vient toutefois le temps de la réflexion.
La CIASE a accepté de faire le sale boulot, et sur la demande de la CEF, de plonger les deux bras dans ces latrines pleines que les évêques lui présentaient. Certains membres de l’équipe ont dû faire appel à des spécialistes pour un accompagnement psychologique car ils ont été proprement traumatisés par ce qu’ils ont entendu. La lettre des évêques mentionnait quatre missions : « Faire la lumière sur les violences sexuelles dans l’Église depuis 1950, examiner comment ces affaires ont été ou non traitées, évaluer les mesures prises par l’Église pour faire face à ce fléau, faire toute recommandation utile ». La CEF ne peut pourtant pas se prévaloir de cette initiative puisqu’elle fut poussée à cela par les avalanches de dénonciations à la justice et dans la presse depuis le début des années 2000. L’enjeu est de taille, le rapport souligne plusieurs fois sa volonté que l’Église digère son exposé et qu’elle puisse y répondre avec son génie propre. Le travail qui reste est donc de traduire les recommandations de l’équipe de Sauvé, dans le langage et la façon de l’Église.
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Pour ce qui est du passé, le rapport pointe du doigt l’inertie de trop nombreux pasteurs, même récemment, traînant la patte, ne prenant ni la largeur ni la profondeur des abysses, se rendant coupables souvent d’une indifférence délétère face aux victimes, voire de déni ou, pis encore, de relativisation. Dans le meilleur des cas, les mots d’ordre de la bêtise épiscopale étaient maladresse et amateurisme : « Plus jamais ça », « tourner la page » : des expressions entendues qui sont très mal venues de la part d’une Conférence qui peine à mettre en place son dispositif. « Avant de proclamer “plus jamais ça”, encore faut-il reconnaître le “ça”, le qualifier, en désigner les responsables et, dans toute la mesure du possible, en réparer les conséquences. » (Résumé p. 19). Au cours de la période visée par l’enquête, souvent les évêques et pasteurs ont eu pour priorité la réputation de l’Église ou encore la gestion de la crise sacerdotale post Vatican II.[…]
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