La pression mise sur le gouvernement par les catholiques monte. Après les premiers rassemblements de la semaine dernière, ce week-end devrait être le théâtre d’un redoublement des initiatives pour réclamer le retour des messes en France. Et les catholiques parisiens ont décidé de prendre les devants. Dès hier sur le parvis de l’église Saint-Sulpice, plusieurs centaines d’entre eux ont participé à un rassemblement autorisé par la préfecture et organisé par le collectif Objectif Messe.
Formé spontanément par un groupe de jeunes étudiants qui souhaitait répliquer dans la capitale les initiatives provinciales du week-end dernier, le collectif n’a, comme son nom l’indique, qu’un objectif clair et unique : la levée d’interdiction des messes en France. Ce rassemblement se veut aussi une réponse à Gerald Darmanin, qui a passablement irrité les fidèles le matin même en déclarant au micro de Franceinfo : « Je ne souhaite pas envoyer les policiers et gendarmes verbaliser des croyants devant une église évidemment, mais s’il s’agit d’un acte répété et manifestement contraire aux lois de la République, je le ferai dès ce week-end », ajoutant qu’il n’y aurait plus de « week-end de mansuétude ».
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Le parvis, encore clairsemé à 18h, se remplit au fur et à mesure de la soirée pour atteindre plusieurs centaines de personnes. La foule est majoritairement composée de jeunes, bientôt rejoints par des familles et des personnes âgées. Quelques soutanes sont disséminées ci et là parmi les manifestants, mais peu d’élus politiques semblent présents. Sous la façade éclairée de Saint-Sulpice, l’ambiance est toute la fois pieuse et chaleureuse. En toile de fond, des cantiques s’élèvent d’une chorale placée devant l’église. L’organisation veille sans relâche au respect des règles sanitaires, condition sine qua non de la bonne tenue du rassemblement. Antoine, l’un des organisateurs, explique : « On nous a juste interdit les prières et les chapelets. Mais pas les discours et les chants. »
Viennent les prises de paroles, inaugurées par le professeur de l’institut catholique de Vendée (ICES) Guillaume Bernard : « Le fait d’interdire les messes publiques, dans les églises et en plein air, est une mesure totalement disproportionnée qui porte atteinte aux libertés publiques et à notre liberté de conscience […] A qui va-t-on faire croire que l’on est plus contaminateur à l’église qu’aux caisses d’un supermarché ? » Et poursuit : « Il faut que les ministres cessent d’étaler sur la place publique leur méconnaissance de la spécificité du culte catholique et de la présence réelle dans l‘hostie consacrée » À sa suite, Aliénor, une jeune étudiante, ironise au micro : « Dans le rayon d‘un kilomètre de circulation, il ne nous est pas permis de passer une heure par semaine à la messe. La laisse a beau faire 1000 mètres, elle a l’humilité de se retirer devant Dieu. Quelle piété ! »
Après avoir fait applaudir les forces de l’ordre postées aux quatre coins de la place et assurant la sécurité du rassemblement, Jean-Frédéric Poisson dénonce « cette conception qui voudrait que nous soyons réduits à être des forces de travail, de consommation qui ont le droit d’aller se promener et de dormir. Cette éviction de notre vie spirituelle, culturelle, affective, sociale est insupportable, imprudente, injuste » En réponse aux menaces de Gérald Darmanin, il se veut rassurant : « Nous ferons tout pour que les contraventions établies soient cassées devant les tribunaux » Et finit sur une mise en garde à l’adresse du gouvernement sur la question de Noël : « Si jamais, par malheur pour vous, vous touchez à Noël pour nous empêcher de nous retrouver, alors je préfère vous prévenir que la colère du peuple français sera immense et j’y participerai énergiquement. […] Si pour faire valoir nos libertés, il faut occuper les parvis comme d’autres ont occupé les ronds-points il y a deux ans, nous le ferons et j’y serai ! »
Jean-Frédéric Poisson : « Si pour faire valoir nos libertés, il faut occuper les parvis comme d’autres ont occupé les ronds-points il y a deux ans, nous le ferons et j’y serai ! »
Après le prêtre Michel Viot, Guillaume Lagravière, membre du collectif, conclut la soirée pour demander au gouvernement la levée d’interdiction des messes. Au micro de BFM TV, il ramasse son propos : « Pour nous catholiques, la messe est le centre de notre vie. L’honorer à travers YouTube, ça n’a pas du tout la même valeur. C‘est comme si on vous disait que vous allez participer au mariage de vos enfants en vidéo conférence. […] Dieu est dans la communion, et quand on ne peut pas y accéder, c’est un vrai déchirement personnel. » Se déclarant tout à fait prêt à s’accommoder des mesures sanitaires, et rappelant que le conseil scientifique a signifié qu’il n’y avait pas eu de foyers de contamination dans les églises, il conclut : « Ce que l’on souhaite, c’est le retour de la messe sans conditions. »
Zélée, la foule accompagne les prises de parole de « Rendons nous la messe », et reprend en chœur les chants lancés par la chorale. Cantante pour Sainte Jeanne d’Arc, Chez nous soyez Reine, Chant de la promesse et un ultime Salve Regina : c’est l’Église espérante et triomphante qui est célébrée. En fin de soirée, d’une seule traite, la majorité des fidèles s’agenouille à même le pavé et prie collectivement, chapelets en main. L’organisateur doit couper court et demande la dispersion de la foule, pour respecter les consignes et les horaires convenus avec la préfecture.
Qu’importe : le succès est total, et c’est le cœur réchauffé que les fidèles quittent les lieux. Une nouvelle manifestation déclarée en préfecture sera organisée dimanche à 17h sur le parvis de Saint-Sulpice. D’autres rassemblements sont annoncés un peu partout en France (une liste a été dressée par le collectif). Plus que jamais, la pression est mise sur le gouvernement pour faire lever les interdictions, alors que le ministre de l’Intérieur doit recevoir lundi les représentants des cultes pour discuter des mesures.