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Rwanda : Macron entre business et repentance

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Publié le

31 mai 2021

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Le colonel Hogard a fait partie de l’opération Turquoise en 1994, qui avait pour mission de rétablir la paix au Rwanda. L’incorrect a recueilli ses premières impressions suite au discours prononcé par le président français à Kigali jeudi 27 mai, qui reconnaît une responsabilité française dans le génocide qui a fait entre 800 000 et un million de morts. Entretien.
Rwanda

Comment avez-vous accueilli le discours d’Emmanuel Macron à Kigali ce jeudi 27 mai sur la question rwandaise ?

Emmanuel Macron n’a pas employé les termes d’excuses ou de demande de pardon formelle. Au contraire, le président dédouane la France et l’armée française de manière très claire. J’apprécie cette prise de position. Cependant, ce discours est aussi une sorte de numéro d'équilibriste, en fait très macronien, dans lequel on trouve tout et son contraire. En définitive, je ne peux pas applaudir ce discours, même si j’y trouve au moins une phrase qui reflète l’exacte vérité sur les soldats que nous étions et que nous sommes restés. Je pense que ce discours est une tragédie pour notre image en Afrique, pour nos alliés et amis africains qui sont nombreux : ils ne comprennent pas et sont désarçonnés.

Emmanuel Macron affirme en effet que la France n’a pas été complice mais est responsable politiquement du génocide rwandais. Que cela signifie-t-il ? Le rejoignez-vous sur ce point ?

Comme toujours chez Macron, et c’est un malheur, le « en même temps » lui fait dire tout et son contraire. « Ceux dont nous n’avons pas écouté la souffrance... » : je suis désolé mais c’est faux. Et plus loin : « La France a un devoir de regarder l’histoire en face et de reconnaître la part de souffrances qu’elle a imposée ». Cette phrase qui me fait m’étouffer d’indignation et de colère parce que la France n’a imposé aucune souffrance au peuple rwandais, qui se l’est infligée lui-même. Ce génocide est une affaire de Rwandais contre Rwandais. Le rôle des grandes puissances n’a pas été brillant, mais la France a probablement été le seul pays à s’être élevé pour essayer d’atténuer la guerre civile provoquée par Paul Kagamé lui-même. Quand Macron dit que « la France endosse une responsabilité accablante dans un engrenage qui aboutit au pire, alors même qu’elle cherchait à l'éviter », de quelle responsabilité accablante parle-t-il ? Personne n’est capable de l’expliquer. Pour résumer, nous demandons pardon alors que nous n’avons rien fait, qui plus est à un régime qui a toutes les raisons de se reprocher la responsabilité de ce drame. Tout ça pour des raisons bassement matérielles et financières.

La France n’a imposé aucune souffrance au peuple rwandais, qui se l’est infligée lui-même

Ces propos reprennent-ils totalement le contenu du rapport qui lui a été remis il y a quelques mois ? Quelle est l’objectivité de ce rapport, alors qu’un autre rédigé en 1998 par Paul Quilès, Pierre Brana et Bernard Cazeneuve n'incriminait pas la France ?

J’ai moi-même été interrogé par cette mission, créée après une initiative parlementaire, qui a réalisé un travail considérable (5 volumes de résultats d’entretiens, d'enquêtes et leurs conclusions) : si elle n'exclut pas des erreurs politiques, comme la confiance accordée par la France à l’ONU pour rétablir la paix dans le pays, elle statue sur l’exonération complète de la France de toute forme de complicité, fait sur lequel tout le monde s’accorde d’ailleurs aujourd’hui.

Je considère le rapport Duclert comme partiel et partial. C’est un rapport politique demandé par M. Macron, comme il venait de commander le rapport sur l’Algérie à Benjamin Stora (rapport partial et engagé de même). Lié à des organisations comme « Survie » ou « Ibuka », proches du régime de Kagamé, il est rempli d’une grande animosité envers la France. Le principal reproche que j’adresse au rapport Duclert est son abstraction du contexte : il a été rédigé par 16 ou 17 historiens dont aucun ne connaissait la région des grands lacs, la problématique régionale ou locale. Ils ont travaillé pendant deux ans uniquement sur les archives françaises et ne prennent en compte ni le contexte général ni les rôles des autres acteurs internationaux. De plus, il l’ont remis à Macron comme à Kagamé: quel signe d'allégeance extraordinaire.(...)

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