Puisque Valéry Giscard d’Estaing nous a quittés récemment, rendons-lui hommage. Vinton Cerf et Bob Kahn, considérés aux États-Unis comme les fondateurs d’internet, se sont directement inspirés du système mis au point par Louis Pouzin et son équipe du projet Cyclades à partir de 1971, afin de concevoir le protocole de transmission de données par paquets, aujourd’hui utilisé par près de cinq milliards d’internautes. Et alors qu’aux États-Unis, les ingénieurs, qui ont su mesurer la valeur des travaux de Pouzin, achevaient de jeter les bases de la domination numérique américaine, en France Valéry Giscard d’Estaing jetait non seulement aux orties le projet de l’équipe de Pouzin, mais aussi le consortium européen Unidata et vendait, à l'américain HoneyWell, la Compagnie internationale pour l’informatique (CII), tout cela sur les conseils d’Ambroise Roux, principal fournisseur des PTT, qui craignait l’apparition de concurrents dangereux et était favorable au projet Transpac des PTT. On connaît la suite. Transpac a donné naissance au Minitel, dont Bruno Lussato, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, avait résumé le succès en 1988 de façon lapidaire : « On nous dit que le monde entier nous envie le Minitel. Je ne sais pas s’il nous l’envie, messieurs, mais je peux en tout cas vous dire une chose avec certitude, c’est qu’il ne nous l’achète pas ».
Il est des décisions qui coûtent cher, très cher. Celles prises par Valéry Giscard d’Estaing à son arrivée au pouvoir ont scellé le retard technologique français pour les décennies qui ont suivi. Et l’aveuglement des élites françaises est resté très longtemps de mise. En 1994, Gérard Théry, ancien directeur général des Télécommunications françaises en 1974, publiait un rapport intitulé « Les autoroutes de l’information », dans lequel il estimait qu’internet « mal adapté à la fourniture de services commerciaux (..) ne saurait, dans le long terme, constituer à lui tout seul, le réseau d’autoroutes mondial ». Un tel acharnement dans l’erreur prêterait à rire si les conséquences n’en étaient pas si graves. [...]
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