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L’union des droites sur le dos de Reconquête

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12 juin 2024

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Au lendemain des élections européennes, l’union des droites a été au cœur de toutes les rumeurs et discussions, dans l’optique d’une victoire aux législatives. Manœuvres de Marion Maréchal, ralliement d’Éric Ciotti, implosion de Reconquête : récit d’une folle journée.
© DR

Dimanche se présentait comme la banale soirée électorale d’un scrutin européen qui intéresse peu les Français comme à l’accoutumée (malgré une participation en hausse, à 59,45 %) tant les décisions prises à Bruxelles leur semblent lointaines. Avec ses plus de 31 %, le Rassemblement national devait fêter son soleil d’Austerlitz au parc Floral. Le sort en a décidé autrement puisque Emmanuel Macron a préféré dissoudre l’Assemblée nationale. L’enfant roi ayant cassé son jouet préfère renverser la table France avant de renâcler. La séquence politique offre alors à la droite une possibilité inédite : celle de battre une seconde fois la majorité présidentielle à l’occasion des élections législatives anticipées prévues les 30 juin et 7 juillet prochains. Mais le temps presse. Et Marion Maréchal le sait.

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Attendue rue Jean Goujon, au QG du parti Reconquête, la tête de liste remercie les militants qui lui ont permis d’obtenir le score fatidique des 5%. Mais les scissions internes du parti révélées tout au long de la campagne éclatent au grand jour. « La coalition des droites à laquelle j’aspire apparaît plus que jamais nécessaire dans notre pays. Dans cette campagne, j’ai toujours pris soin de ne pas rendre impossible tout ce qu’il m’apparaît comme nécessaire […] J’ai toujours distingué dans ces élections les adversaires des concurrents et toujours refusé de concentrer mes attaques à l’encontre du Rassemblement national », déclare-t-elle devant un Zemmour désabusé.

Le rassemblement en marche

L’ambiance devait être festive, elle est glaciale. Alors que Samuel Lafont, directeur de la stratégie numérique du parti répond à BFM TV, un cadre de Reconquête le traite de « sac à merde ». La fin de campagne a été rude entre tirs dans le dos et préparation de l’après, sous menace de guillotine. « Quel que soit le résultat, Marion Maréchal va se faire couper la tête lundi matin »,nous confiait un proche de la tête de liste vendredi. Le parti est divisé en deux : « Les knafistes, eux, se sont bunkerisés dans le QG du parti face à la réussite publique de Marion », nous confie un salarié de Reconquête, à savoir Éric Zemmour, Sarah Knafo et Stanislas Rigault. De l’autre, dans une brasserie rue de Sèvres, Guillaume Peltier, Nicolas Bay, Stéphane Ravier ou encore Laurence Trochu fêtent la victoire.

Mais la dissolution de l’Assemblée change tout, et du côté du Rassemblement national, on cause ouverture et rassemblement. « On va y arriver cette fois-ci ! », nous affirme un nouvel eurodéputé. Enfin l’union de droite, tant rêvée et réclamée par Marion Maréchal depuis 2017, est à portée de main. Elle n’est pas le président du parti, mais s’octroie le rôle de négociatrice en chef. Il faut aller vite, très vite – alors que « le parti a tout bloqué aux équipes de Marion Maréchal : les mails, les boucles Telegrams, etc. »,nous raconte un cadre de Reconquête.

Marion Maréchal rencontre une première fois sa tante à midi, dans un lieu tenu secret. Le principe d’un accord en vue des législatives est acté 

Lundi dans la matinée, Marion Maréchal fait savoir qu’elle rencontrera Marine Le Pen et Jordan Bardella à 17h, rue Michel Ange. Mais la nouvelle eurodéputée rencontre une première fois sa tante à midi, dans un lieu tenu secret. Le principe d’un accord en vue des législatives est acté : une plateforme pilotée par Marion Maréchal pour accueillir une soixantaine de candidats de Reconquête et de Debout La France. 18h20, dans le chahut provoqué par la foule de journalistes, le président du Rassemblement national sort le premier de l’immeuble du 16e arrondissement où s’est tenue la rencontre officielle. Il annonce : « À la différence d’Éric Zemmour, Marion Maréchal a fait preuve, tout au long de la campagne, d’une démarche et d’une attitude constructive. » Mais « rien n’a été acté ». Éric Zemmour et Sarah Knafo sont out des négociations et de la prochaine coalition : c’est une des conditions de l’accord. Marion Maréchal tente de sauver Reconquête mais la rancœur est tenace – elle le découvrira dans 24h.

Délais courts obligent, le Rassemblement national donne jusqu’à mardi 22h pour sceller l’accord des circonscriptions. Thibaud Monnier travaille dessus toute la soirée et une bonne partie de la nuit. Les traits sont tirés, les yeux de plus en plus petits mais l’optimisme l’emporte sur l’épuisement. Mardi matin, les équipes de Marion Maréchal et du Rassemblement national échangent et ajustent la carte des circonscriptions. Dix sont gagnables.

Il y eut un soir, il y eut un matin

À 10h, l’info tombe sur Le Figaro : Éric Ciotti envisage un accord avec le Rassemblement national. Séisme. Le patron des Républicains entame des négociations. Parallèlement, les pourparlers reprennent entre les marionistes et le comité exécutif du parti à la flamme. « Tout était quasiment bouclé, il fallait juste valider les derniers ajustements », nous explique un proche de Marion Maréchal. Le patron de Reconquête, qui attend de pied ferme le rendez-vous, décalé à plusieurs reprises, s’impatiente et le fait savoir sur X : « Pour le moment, les modalités d’un rassemblement ne m’ont toujours pas été communiquées. Je sais que de nombreux soutiens de Reconquête s’en étonnent. Je recevrai Marion tout à l’heure pour connaître ce qu’elle cherche. » À 11h, l’intéressée reçoit un appel de Jordan Bardella : il n’y aura pas d’accord. En effet, une parti du bureau exécutif refuse le modus vivendi. D’autres étaient favorables, c’était le cas de Philippe Olivier. Avec l’arrivée d’une partie de LR et un rapide calcul des reports de voix de Reconquête, la rancœur à l’égard d’Éric Zemmour ne leur coûtera pas très cher. L’acharnement de Zemmour à leur endroit leur offre un prétexte idéal pour faire imploser Reconquête.

« D’une grande coalition, qui allait réunir Marion, Nicolas Dupont-Aignan, le RN et une partie des LR, est sorti un accord entre Éric Ciotti et le parti de Marine Le Pen », explique un cadre de la campagne. 13h, invité du JT de TF1, le patron des Républicains confirme son choix malgré les réticences des ténors de son camp : « Nous avons besoin d’une alliance. » Seuls Guilhem Carayon, Céline Imart et quelques-uns le suivent. Pour le moment.

« C’est votre faute si l’alliance ne s’est pas faite, démerdez-vous ! », fulmine Marion Maréchal

Côté LR, c’est le branle-bas de combat. Les chapeaux à plumes du parti s’époumonent. Ils rejouent le théâtre antifasciste, convoquent de Gaulle, Chirac et Sarkozy, pour parler de trahison la main sur le cœur et la larme à l’œil. Leur base militante est contre eux et les scores à un chiffre des dernières élections ne plaident pas en leur faveur. Qu’importe, on fait comme si on était encore un parti de gouvernement. Du côté de David Lisnard, maire de Cannes et président de Nouvelle Énergie, on ne croit guère à la survie des Républicains. L’objectif est de les remplacer : pas d’alliance avec le RN, et des candidats Nouvelle Énergie partout en France. Qui dit législatives dit trésorerie. Avec 1% dans plus de cinquante circonscriptions, c’est 1,50 € par an et par électeur qui tombe dans les caisses. Tous les partis le savent, même chez Reconquête.

Règlements de comptes

Une réunion extraordinaire du comité exécutif de Reconquête se tient à 16h au siège du parti. Elle ne s’éternisera pas tant la violence semblait inévitable. « C’est votre faute si l’alliance ne s’est pas faite, démerdez-vous ! », fulmine Marion Maréchal devant Éric Zemmour et Sarah Knafo avant d’envoyer au président de Génération Z, Stanislas Rigault : « Si tu n’es pas élu, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même et à tes petits copains qui ont balancé des off à la presse pour saboter ma campagne », selon plusieurs cadres présents dans la grande salle de réunion, laissant le jeune zemmouriste bouche bée. Réponse cinglante d’Éric Zemmour : « Bah casse-toi ! » Elle ne sera restée que 5 minutes. Un poids lourd du parti lance à Sarah Knafo : « Écoute ma cocotte, redescends d’un étage. Ce n’est pas toi qui vas nous apprendre à faire de la politique. » Elle répond : « C’est une menace ? » Au bout de 10 minutes, Guillaume Peltier et Nicolas Bay quittent à leur tour la table, raccompagnés par la sécurité entre la masse de journalistes. Le divorce est acté, l’avenir du parti incertain. Marion Maréchal aura tout tenté pour réunir toutes les droites, en vain pour l’instant.

Lire aussi : Dissolution de l’Assemblée nationale : Matignon vaut bien une coalition des droites

C’est le président d’un parti en voie de disparition qui se présente devant les téléspectateurs de CNews le soir même. « Vu la proximité qu’elle a avec sa tante, Marion Maréchal a engagé des négociations […]. Ils lui ont proposé un accord […] Elle devait me présenter ces conditions, et c’est moi qui l’ai harcelé par textos pour qu’elle me les donne », dit Éric Zemmour, avant de nier toute responsabilité dans l’échec du rapprochement avec le Rassemblement national : « Ça ne peut pas être à cause de moi, je ne demande rien. » Le chef de Reconquête semble oublier qu’il n’est plus commentateur. Un militant déplore auprès de L’Incorrect : « Il met tout sur le dos Marion. Ils n’ont rien compris à la séquence, c’est déplorable. » Dans la soirée, les comptes Twitter « riposte » de Reconquête, pilotés par Sarah Knafo, continuent d’accabler Marion Maréchal : « L’Opinion : Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen a essuyé une violente gifle aujourd’hui […] L’entourage de MLP ironise et appelle Marion à se débrouiller avec ses contradictions […] Le RN est odieux avec Marion. Ils se plaisent à l’humilier. C’est violent pour elle… Pensez-vous que la stratégie de la gentillesse vis-à-vis du RN a été payante avec eux ? »

Malgré une opportunité historique, les vieilles querelles politiciennes et autres affaires personnelles auront eu raison de l’espoir suscité chez les électeurs qui, depuis des années, attendent en vain l’union des droites. Elle se fera mais sans Reconquête, ni une large partie des cadres Les Républicains. Éric Ciotti se frotte les mains : il tient juridiquement le parti avec le soutien des militants, et a sauvé son siège de député tout en tailladant le cordon sanitaire. Mais un autre s’est créé, à la droite du Rassemblement national. On ne sort pas aussi facilement du piège mitterrandien. Néanmoins, un espoir subsiste : « Les canaux de discussion sont toujours ouverts entre Marine Le Pen, le Rassemblement national et Marion Maréchal », nous révèle un proche de cette dernière. Affaire à suivre.

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